Echos du tribunal

Les minutes de l'audition de Cheikh Diallo, hier, à la barre de la Crei


Mercredi 22 Octobre 2014

Ancien Directeur général de Cd Media groupe, le journaliste Cheikh Diallo a fait face, hier, aux juges de la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei). Une occasion pour l’ancien bras droit de Karim Wade d’enfoncer son mentor comme du reste il l’avait fait avant de bénéficier d’une liberté provisoire.
Le journal Libération est revenu sur les minutes de l'audition d'hier.


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11 heures 22 minutes dans la salle 4 du palais de Justice de Dakar, l’audition de Victor Kantoussan, entamée depuis la semaine dernière, vient de se terminer. Le garde rapproché de Karim Wade cède le prétoire à Cheikh Diallo. Vêtu d’une veste et d’un pantalon blanc, une écharpe de la même couleur autour du cou, l’homme, tenant entre ses mains un sac marron, se tient droit à la barre et jette un regard furtif à gauche et à droite. Un calme plat règne dans la salle et Cheikh Diallo, sur demande du Président de la Cour, Henry Grégoire Diop, lève la main droite pour jurer qu’il ne dira que la vérité et rien que la vérité. 
Le coup d’envoi de l’audition est donné. 
Inculpé et mis aux arrêts tout au début de la procédure, avant d’être mis en liberté provisoire après six mois de détention préventive, il fait partie des témoins les plus attendus dans cette affaire. Car, aussitôt après son non-lieu, beaucoup ont soutenu qu’il avait trahi Karim Wade. 
Revenant sur ses relations avec Karim Wade, le sieur Diallo de dire : «Karim Wade est un ami et un frère. On a eu des relations amicales avant l’élection présidentielle de 2000». 
«Quel genre de relation vous entreteniez», lui demande le Président de la Cour ? 
« Karim Wade m’a aidé à partir en France pour mes études supérieures. Il m’a payé le billet d’avion et les frais d’inscription. A mon retour en 2004, j’ai été coopté à l’agence nationale de l’organisation de la conférence islamique (Anoci) en qualité de chargé de communication où je suis resté jusqu’en 2009», répond le journaliste écrivain. Sans transition, le président Henri Grégoire Diop lui demande de revenir sur la constitution de CD media Groupe dont il a été le directeur général. 

« Je suis le parfait prête-nom de Karim Wade »
Cheikh Diallo se réajuste, sort des piles de documents, avant de dérouler le film de la création de CD media Groupe. D’emblée, il a précisé que CD Media Groupe a été constitué en deux phases. Avec des documents à l’appui, il indique que la première réunion pour la création de ladite entreprise remonte à la date du 11 mai 2011. Ce jour-là, il a indiqué que Karim Wade, la notaire Patricia Lake Diop et lui-même ont tenu une réunion à l’immeuble Tamaro, plus précisément dans le bureau du premier nommé, pour une séance de travail relative à la constitution de CD Media Group. 
Cette réunion, poursuit cheikh diallo, sera suivie d’une autre à la date du 26 octobre 2011, toujours en présence de Me Patricia Lake Diop. «Il s’agissait pour Karim Wade de mieux finaliser le processus de constitution de CD Media groupe avec ses différentes filiales. L’ambition de départ était de fonder un groupe de presse constitué : d’un journal, d’un site d’informations, d’une radio, d’une télévision, d’une imprimerie et d’une société de distribution du journal ‘’le Pays’’. A l’arrivée, deux produits étaient fonctionnels et opérationnels : le Pays au quotidien et lesenegalais.net», a indiqué M. Diallo qui précise que Patrick Williams détenait les 70% des actions de CD Media Groupe et les 30% lui ont été octroyés par Karim Wade. 
Poursuivant son argumentaire, l’auteur du livre «si loin, si près avec Wade», affirme que CD Media Groupe appartient à 100% à Karim Wade. «Je suis le parfait prête-nom de Karim Wade. L’entreprise appartient à Karim Wade. C’est lui qui a choisi la dénomination et il a toujours pris en charge la masse salariale des employés qui tournait à 7.000.000 F Cfa par mois. C’est Karim qui payait intégralement les salaires des employés», renseigne-t-il. Avant de balayer d’un revers de la main les déclarations de Victor Kantoussan et Victor Tendeng qui, lors de leur audition, ont nié avoir livré les matériels informatiques et les voitures de reportages à CD Media Groupe pour le compte de Karim Wade. 
A en croire Cheikh Diallo, c’est Victor Tendeng qui a procédé au dépôt du matériel informatique et les mobiliers de bureaux. D’ailleurs, il révèle que c’est le directeur de publication du journal ‘’le Pays’’, Serigne Saliou qui a procédé à leur réception. Quant aux six véhicules de reportages, il soutient qu’ils ont été livrés à CD Media Groupe par Victor Kantoussan.
«Karim Wade est mon ami, mais je suis un militant de la manifestation de la vérité» 
Egalement, Cheikh Diallo est revenu sur la correspondance de mise en demeure que lui ont adressée les avocats de Karim Wade en l’occurrence Mes Seydou Diagne, Ciré Clédor Ly et Demba Ciré Bathily. Et, précise-t- il, dans cette lettre, les avocats de Karim Wade lui ont imputé la paternité de CD Media Groupe avant de lui demander de réclamer les actions sinon la société risquerait de faire l’objet d’une expropriation. «C’est à partir de ce moment que j’ai senti que j’ai été lâché par mon ami. J’ai senti que j’ai été poignardé dans le dos. J’étais blessé, choqué et ahuri. Je ne parvenais pas à comprendre ce coup de poignard de mon ami. Je n’arrive pas à comprendre cette attitude », a martelé Cheikh Diallo. Avant de renchérir : «Je ne suis un témoin à charge ni un témoin à décharge mais, je suis un militant de la manifestation de la vérité. On ne peut pas tuer la vérité. Je ne peux pas me plier à la vérité. On peut tout faire sauf soutenir l’inconséquence». cC’est pourquoi, il a tenu à réitérer qu’il n’est pas actionnaire, ni propriétaire de cette entreprise. car, «même pour libérer les 3 millions F Cfa qui constituaient mes actions, c’est à la section recherches que Cheikh Sarr m’a montré le reçu que Victor Tendeng a déposé», dit-il pour se disculper.

Le procureur spécial relève la volte- face de Cheikh Diallo 

Après la Cour, le procureur spécial Alioune N'dao est entré dans la danse en revenant sur les déclarations du témoin à l’enquête préliminaire. Ainsi, il a rappelé à Cheikh Diallo qu’il avait reconnu, à l’enquête préliminaire, être le propriétaire de CD Media Groupe et qu’il était le seul actionnaire. Mais, Cheikh Diallo qui, à l’époque, soutenait Karim Wade a fait un revirement de 180 degrés en revenant sur ses propos. «Je n’ai jamais tenu de telles déclarations », répond Cheikh Diallo. Alioune Ndao ne lâche pas du lest et lui rappelle également qu’il avait déclaré avoir fait un apport de 3 millions F Cfa, versés chez la notaire Patricia Lake, pour la création de CD media groupe. Le témoin dément également avoir fait ses allégations. Ce qui pousse le procureur à lui demander pourquoi cette volte-face. 
En guise de réponse, M. Diallo déclare : « je n’ai pas  changé de version». 
De même, Cheikh Diallo a avoué avoir déclaré dans une télé de la place être le propriétaire de CD Media Groupe. Mais, selon lui, cela n’était qu’une causerie entre journaliste. «Le journalisme n’a rien à voir avec la justice. A la télé, je ne pouvais pas entrer dans les détails de la constitution de CD Media Groupe mais, devant la justice, je suis obligé de l’expliquer», soutient le témoin. Sur ses relations avec l’ancien Président de la république, Cheikh Diallo a fait savoir que ce dernier le considérait comme son propre fils. Mais, précise-t-il : «aussi étonnant que cela puisse paraître, jamais Abdoulaye Wade ne m’a remis un franc. Entre 2000 et 2014, il n’y a jamais eu de remise du moindre centime entre Abdoulaye et moi». 
«Il n’y a pas d’arrangement entre le parquet et moi» et, contrairement à ceux qui ont soutenu qu’ils ont été brutalisés et maltraités à l’enquête préliminaire, Cheikh Diallo a soutenu qu’il n’a pas été victime de menace ou de chantage. «Dès l’entame de l’enquête, j’ai dit à Cheikh Sarr, attention demain vous pouvez être sur mes ordres. L’enquête s’est bien déroulée mais, je reconnais que c’était épuisant. En plus, j’ai constaté que deux des enquêteurs étaient excités alors qu’ils devaient être sereins», renseigne le témoin avant de jurer la main sur le cœur qu’il n’a pas conclu un arrangement quelconque avec le parquet spécial p
our bénéficier d’un non-lieu. «Il n’y a pas eu d’arrangement entre le parquet spécial et moi. Cela est une certitude mathématique. Je ne connaissais pas le procureur spécial. Certes, j’ai beaucoup appris en prison, mais je ne sais pas comment j’ai pu être embarqué dans cette affaire», s’interroge le témoin qui a reconnu qu’il percevait un salaire de 720.000 F Cfa au niveau de l’agence des aéroports du Sénégal (ads) où il avait un contrat à durée indéterminée (CDI). Mais, dit-il, depuis la nomination de Pape Maël Diop à la tête de cette entreprise, son salaire est coupé. Aujourd’hui, Cheikh Diallo fera face aux avocats de la défense qui, selon nos interlocuteurs, vont le malmener. 
rédigé par dakaractu

Adama Cisse