Chronique

Les lundis de Madiambal: Macky Sall et ses conseillers si spéciaux…


Lundi 25 Novembre 2013

Et de 1 avec Me Doudou Ndoye ! Et de 2 avec Jacques Diouf ! Et de 3 avec Moubarack Lô ! A qui le tour ? Les démissions de collaborateurs du Président Macky Sall commencent à se multiplier, au point qu’une impression de vraie ou fausse débandade se dégage. Seulement, aucune de ces démissions ne devrait surprendre et d’autres devraient fatalement suivre. En effet, la nomination de conseillers et autres collaborateurs du Président Macky Sall apparaît souvent comme une faveur, un honneur ou une rétribution à l’endroit d’amis, de compagnons politiques ou de compagnons de galère, plutôt que d’un souci de s’attacher de compétences réelles pour produire des résultats. Ces nominations apparaissent comme mues par une logique de donner des «Teranga», d’autres diront des «bonbons», à des personnes auxquelles Macky Sall se trouve lié, d’une façon ou d’une autre. Ils sont ainsi nombreux dans l’espace présidentiel à bénéficier du prestige d’être proche collaborateur du chef de l’Etat sans que, dans la réalité, ce dernier ne les utilise véritablement. De temps en temps, le Président Macky Sall embarque certains d’entre eux dans ses voyages à l’étranger. D’aucuns peuvent s’en suffire, mais pas tout le monde.
Ainsi, un Me Doudou Ndoye, qui se prend assez au sérieux, ne peut demeurer à la tête d’une Commission de réforme foncière sans moyen aucun, simplement avec le titre de la fonction, surtout que d’autres services de l’Etat travaillent chacun de son côté sur la même question. L’ancien directeur général de la Fao, Jacques Diouf, pouvait-il lui aussi continuer à donner sa caution morale à une politique agricole à la définition de laquelle il n’a pas participé ? Ils sont d’ailleurs nombreux à ne pas comprendre que Jacques Diouf ait pu accepter d’être nommé ministre conseiller spécial par un chef d’Etat qui l’avait, dans un premier temps, pressenti comme Premier ministre, pour finalement lui préférer Abdoul Mbaye. Et sans jamais s’en expliquer avec lui. En acceptant d’être conseiller spécial, Jacques Diouf était-il dans une posture d’attente, pour ne pas dire d’embuscade, devenue obsolète dès lors que Mme Aminata Touré a remplacé Abdoul Mbaye au poste de chef du gouvernement ? Moubarack Lô, qui s’était toujours vu au gouvernement, était à l’étroit dans son costume virtuel de directeur de Cabinet adjoint du chef de l’Etat, que lui contestaient même des membres du Cabinet présidentiel. A la vérité, Moubarack Lô n’a jamais exercé la fonction. Lui et Macky Sall n’avaient pas d’atomes crochus et le chef de l’Etat manifestait des sentiments de dédain et de mépris à l’endroit de son désormais ancien collaborateur, qui l’encombrait. D’ailleurs, sa déclaration depuis Koweit City, parlant de démissionnaires qu’il a assimilés à des «gens hautains et prétentieux ou qui n’ont pas obtenu ce qu’ils attendaient», renseigne sur ses états d’esprits.
C’est dire que certains départs, peu retentissants qu’ils sont, peuvent cependant ne pas impacter sur le fonctionnement du Cabinet présidentiel. Il n’en demeure pas moins que le mal est fait. En effet, les démissionnaires partent avec un titre et une fonction et le public, qui ne saura pas que certains parmi eux étaient des tonneaux vides, sera d’autant plus perplexe dans un contexte de baisse de popularité du chef de l’Etat dont la politique de réformes n’a pas encore bien pris. Il y a bien désordre quand le conseiller spécial en charge des questions agricoles et le président de la Commission de réforme foncière démissionnent, au moment où le chef de l’Etat annonce vouloir faire de l’agriculture le pilier principal de sa politique économique. On peut tout de même se demander si un Moubarack Lô, qui s’était rapproché de Macky Sall avant la Présidentielle de 2012 sur la foi de ses propres sondages, n’aurait-il pas procédé à une nouvelle étude de popularité qui lui indiquerait que le navire prendrait gravement de l’eau et qu’il faille le quitter à temps ? Les départs fracassants de collaborateurs du Président Sall doivent donner le prétexte pour une réorganisation des services du Cabinet présidentiel. Il s’avère nécessaire de re-profiler les emplois et de définir qui fait quoi. Ils sont nombreux, les conseillers à se marcher sur les pieds et ils sont aussi nombreux à porter des titres pour rien, sinon pour le prestige. Ces titres leur confèrent une certaine autorité et légitiment les sorties les plus renversantes. Toutefois, si demain, pour une raison ou pour une autre, certains parmi eux démissionnaient, cela renforcerait le sentiment de débandade générale. On pourrait aujourd’hui avoir l’impression d’une pléthore de conseillers et d’abus sur le train de vie de l’Etat alors qu’avec Macky Sall, on est franchement bien loin de la cour du roi Pétaud, comme c’était le cas du temps du Président Wade. De nombreux conseillers spéciaux ne coûtent pas un franc au budget de l’Etat. Cela pour avoir un avantage, mais sur quoi ces conseillers se rattraperaient-ils ? Cette situation et la précarité sociale dans laquelle le chef de l’Etat maintient ses collaborateurs peuvent être à l’origine de nombreux cas de trafic d’influence et autres mauvaises pratiques déjà déplorés dans l’espace présidentiel. Les ministres et directeurs d’administrations publiques se trouvent fragilisés face à un homme d’affaires renforcé du titre de Ministre conseiller spécial du président de la République. Aussi, tout collaborateur du chef de l’Etat se croit autorisé à avoir des relations privilégiées avec «le patron» et ne référer qu’à lui, au point qu’il lui était difficile de convaincre certaines personnes à accepter de diriger son Cabinet. 3 directeurs de Cabinet en 18 mois ! Tous ces travers entachent la gouvernance du Président Macky Sall qui malheureusement traîne un gros péché d’être quelque part incapable de prendre l’initiative de la rupture avec des personnes. Même quand un proche s’affabule d’un titre usurpé, on trouve du scrupule à rétablir l’orthodoxie. Le «gouvernement du Palais» se trouve ainsi dans une situation de désordre, alors qu’il aurait été nécessaire que de réelles compétences y fleurissent et soient exclusivement dédiées à leurs missions pour pouvoir, sur chaque dossier, éclairer l’opinion du chef de l’Etat face aux membres du gouvernement. Ce serait lui faire une insulte que de croire que le Président Sall n’a pas conscience de la situation. D’ailleurs, il lui arrive souvent de s’en plaindre, mais n’est-ce pas lui-même qui les a nommés aux emplois ?

LEQUOTIDIEN.SN



Abdoul Aziz Diop