Chronique

ANALYSE DE LA POLÉMIQUE PORTANT SUR LES PROPOS DE OUZTAZ TAÏB SOCÉ [Par la Commission Scientifique Majalis]


Jeudi 15 Septembre 2011

Après avoir auditionné intégralement le document audio de l’émission en question, l’avis de la Commission Majalis est que cette nouvelle polémique procède plus d’une maladresse verbale de Ouztaz Taïb Socé et d’une maîtrise imparfaite de la véritable pensée et biographie de Cheikh A. Bamba (comme c’est le cas de beaucoup de ses pairs) que d’une intention réelle de nuire ou de s’attaquer au Mouridisme. Ceci, bien que soutenant l’idée très noble que les mourides doivent, dans ce nouveau millénaire, s’organiser davantage pour mieux défendre leurs valeurs et symboles, comme toutes les grandes communautés, devant les récurrentes agressions médiatiques dont ils font quotidiennement l’objet, comme le suggèrent les dignitaires mourides ayant réagi à ces propos.


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En effet, le passage incriminé où le conférencier semble dévaloriser l’œuvre du Serviteur du Prophète (Dieu Soit Satisfait de lui) en faveur de celle de son frère et parent Seydi El Hadj Malick (Dieu Soit Satisfait de lui), resté au Sénégal pour continuer, dans les centres urbains, l’œuvre que le Cheikh, selon Taïb, n’a pu réaliser, car détenu alors en exil au Gabon, peut bien prêter à confusion et être interprété dans un sens assez négatif, comme le firent, peut être à juste titre, la plupart des mourides. Mais, replacé dans un contexte beaucoup plus élargi, qui est celui de l’émission globale et des témoignages souvent fort élogieux que Ouztaz Taïb fait du fondateur du Mouridisme et de son œuvre, l’on peut être tenté de penser, qu’en voulant comparer deux trajectoires spirituelles dont il ne maîtrise pas entièrement les fondements, tout en ignorant certaines subtilités sémantiques et règles de bienséance verbales mourides (teggiin), le conférencier est simplement tombé, à notre avis, dans le piège classique des « propos maladroits qui dépassent la pensée de leur auteur » et qui sont mal interprétés par leur auditoire. C’est donc, à notre avis, plus un problème de communication et d’insuffisance d’approche (aggravée par le ton naturellement offensif du prédicateur) que d’une intention réelle et délibérée de diffamation de la part de Ouztaz Taïb. Même si l’on sait, par ailleurs, qu’il arrive que l’islamologue adopte des positions et des jugements quelques fois contraires à l’orthodoxie mouride dont, à notre avis, la vraie répartie devrait rester d’ordre académique, scientifique et communicationnel, dans le cadre de la liberté d’opinion et d’expression responsable reconnue dans notre pays. (N’ayant pu retrouver dans le document la partie litigieuse attribuée au Professeur Iba Der Thiam, la Commission ne peut analyser ou porter de jugement de valeur sur celle-ci).
 
Forte de cette conviction, la Commission Majalis se réjouit du message de paix et d’apaisement transmis, par voie de presse, par le porte-parole du Calife des mourides, qui a su opportunément rappeler à tous les disciples mourides l’attachement à la sérénité, au pardon et à l’esprit de dépassement qui caractérisent le message universel et intemporel de Cheikhoul Khadim qui disait, après plus de 33 années de brimades et de bannissement : « J'ai pardonné à tous mes ennemis pour l’amour du Seigneur qui les a écartés de moi à jamais ; aussi je ne songe point à me venger » (Muqadimatul Amdâh). « C'est par la grâce [des Combattants de Badr] que j'ai pardonné [à mes persécuteurs] sans aucune rancune et que j'ai réussi à démentir les calomniateurs. » (Mawâhibu Nâfih, v. 146), « J'ai accordé mon pardon, pour la Seule Face de Dieu, avec pureté de cœur.» (Ahonzu bi Lahi mina Chaytani Rajîm (1), v. 14), « O Seigneur ! Accorde Ton pardon à quiconque m’a jamais blâmé ou offensé, et puisse-t-il se soumettre à Toi.» « Sois comme l'a dit un poète : « Je m'attacherai aux vertus honorables de toutes mes forces et détesterai ardemment de dénigrer comme d'être dénigré. Par magnanimité, je pardonne aux gens leurs insultes car il n'est de pire homme que celui qui aime répondre à l'injure par l'injure. Car celui qui respecte les hommes sera à son tour respecté, par contre quiconque les méprise ne sera jamais estimé... » (Nahju, v. 122).
 
Un autre intérêt suscité à nos yeux par cette polémique est qu’elle pose, plus que jamais, le problème de la responsabilité des médias dans la préservation du tissu sociétal, mais également, en filigrane, celui du traitement délibérément tendancieux de l’information mouride dans la plupart des médias actuels, surtout « people », que tous les disciples mourides ne cessent de déplorer depuis des années. Ce genre de polémiques ne sont ainsi que d’infimes « gouttes d’eau », à priori négligeables, mais bien capables de faire déborder le lourd vase de longues vexations inexprimées. En effet, la pression médiatique sur les valeurs et symboles du Mouridisme, sous diverses formes médiatiques (stigmatisation et harcèlement à outrance, généralisation abusive, hypermédiatisation des brebis galeuses dont les moindres faits et gestes sont délibérément exposés au détriment de ceux des modèles mourides, mouridophobie éditoriale, insultes dans les forums en ligne etc.), même si elle peut être partiellement expliquée par les dérapages bien compréhensibles d’une presse dont on connaît certaines insuffisances structurelles, professionnelles, déontologiques etc., de même que par certains écarts bien réels existants au sein même de la communauté mouride (car n’existant point de fumée sans feu, d’où la nécessité pour les mourides de réfléchir en même temps sur leurs propres « pyromanes » ), celle-ci paraît toutefois profondément injuste et agressive chez la plupart des mourides qui, en retour, développent de plus en plus une sorte de douloureuse « médiaphobie » aux effets psychologiques potentiellement dévastateurs. Ainsi, autant il nous paraît important de savoir raison garder dans ce genre de controverses (qui, encore une fois, auraient pu rester dans le cadre strict de la recherche et de la critique académique, n’eût été l’effet amplificateur des médias populaires), autant il nous parait plus que jamais urgent d’attirer l’attention des acteurs des médias et des leaders d’opinion qui les utilisent sur l’importance de réaliser l’extraordinaire puissance de ces outils à double tranchant et sur leur responsabilité historique à prendre enfin conscience des limites objectives de leur liberté d’expression qui, théoriquement, devrait s’arrêter là où commence celle de ceux qui les écoutent et les regardent quotidiennement. Il y va du salut de notre chère nation qui n’a nullement besoin, surtout en ces temps périlleux, de médias des « Mille Collines »…
 
 (www.majalis.org)
 

La Rédaction