Sciences et Santé

Pollution: "Sur les enfants, un effet semblable au tabagisme passif"


Vendredi 9 Décembre 2016

ls font partie des plus vulnérables face à la pollution. Selon une étudemenée par des chercheurs de l'Assistance publique des hôpitaux de Paris (AP-HP), le nombre d'enfants ayant consulté aux urgences pour des problèmes respiratoires a connu "une augmentation modérée", du 30 novembre au 7 décembre dernier par rapport aux années précédentes.


Autres articles
Bien que cette hausse soit difficile à interpréter compte tenu de la présence de virus respiratoires, précisent les médecins de l'AP-HP, elle intervient en plein pic de pollution hivernale, le plus grave qu'ait connu Paris depuis dix ans. Ainsi, 2045 jeunes patients (âgés de moins de 18 ans) ont été reçus pour des pathologies respiratoires, soit 529 de plus qu'à la même période, en 2015. 
Le pneumo-pédiatre et allergologue Luc Réfabert, praticien à l'hôpital Necker-Enfants Malades, nous livre son analyse et ses conseils pour protéger au mieux les enfants de cette exposition aux particules fines et au dioxyde d'azote. 
Cet afflux aux urgences pédiatriques est-il directement lié au pic de pollution?  
Cette légère augmentation n'est pas très surprenante. Est-ce qu'il y a plus de gens qui toussent, qui font de l'asthme, en ce moment avec le pic de pollution? Oui, bien sûr. Toutefois, il n'est pas toujours très simple de faire la part des choses, car on est aussi en pleine épidémie de bronchiolite. Mais avec ce pic actuel, même un enfant qui n'a pas de virus respiratoire va ressentir un peu de gêne dans les bronches, avoir les yeux qui grattent, etc. Tandis que ceux qui ont une bronchiolite ou de l'asthme, eux, vont voir leurs symptômes aggravés par la pollution. Ce qui peut expliquer cette hausse des consultations.  
Quels effets produisent ces particules fines, en particulier sur les plus jeunes? 
A très court terme, on va déjà constater un mécanisme d'inflammation dû au contact des particules fines et des produits chimiques irritants avec les muqueuses. Les enfants vont se gratter les yeux et le nez, tousser un peu plus que d'habitude... comme nous tous.  
EN IMAGES >> La pollution fait tousser la France 
A long terme, on va observer d'autres effets. Chez les enfants, en particulier, cette accumulation d'inhalation de particules pose problème car ces polluants sont des très irritants, comme la fumée de tabac, par exemple. Ils font le lit à des maladies chroniques respiratoires, comme les bronchites chroniques, ou peuvent causer des troubles de la croissance du poumon, car celle-ci n'est pas encore achevée chez les plus jeunes.  
L'exposition aux particules fines peut aussi avoir un impact sur l'expression des gènes et modifier celle-ci, entraînant plus d'asthme, plus d'allergies. Attention, la pollution n'est pas la cause de l'asthme, mais elle va favoriser celui-ci chez quelqu'un qui y est prédisposé. Elle agit comme un cofacteur. Quand on sait déjà que 20% des enfants (jusqu'à quatre ans) sont asthmatiques...  
Y a -t-il des risques, même pour les enfants non atteint d'asthme à la base? 
On pourrait comparer cette exposition aux polluants au tabagisme passif. On ne peut pas vraiment dire si elle est plus grave pour la santé, mais il est plus difficile de s'y soustraire. La pollution, même en dehors de ces pics, on y est clairement et tout le temps exposé. Elle demeure toujours un peu, alors que le tabagisme passif peut être évité pour l'enfant.  
Comment prémunir au mieux les plus petits contre la pollution? 
Pendant ces périodes, il est conseillé de limiter l'effort physique et l'exposition directe. J'ai parfois des parents qui se plaignent dans mon cabinet : "Ils ont eu cours d'EPS au bord du périphérique, en plein pic de pollution"... En temps normal, l'exposition aux polluants dépend beaucoup de la distance que l'on peut avoir avec le trafic, mais lors d'un pic comme celui-ci, en effet, par précaution, il faut limiter les activités physiques. 
Surtout, le conseil que je donnerais aux parents est de ne pas circuler en voiture car, on l'oublie souvent, l'exposition aux particules et au dioxyde de carbone est deux fois plus importante à l'intérieur du véhicule. Mieux vaut se déplacer à pied, en transport en commun ou encore à vélo -en limitant l'effort. Enfin, les masques anti-pollution sont totalement inutiles, ils ne filtrent pas les particules fines. A moins d'avoir un masque à gaz particulièrement entretenu, l'exposition sera la même avec ou sans!

ABDOUL KADER Ba