Opinion

Malaise dans le camp présidentiel : Les dessous d’un sauve-qui-peut


Vendredi 22 Novembre 2013

Ils ont presque tous pris leurs cliques et leurs claques pour tourner résolument le dos à celui qu’ils présentaient naguère, face à son vieux challenger du second tour de la présidentielle de l’année dernière, comme le «Yaakaar» (espoir) pour un Sénégal nouveau. Mais finalement, ils auront plutôt permis aux Sénégalais de vivre une version tropicale de la célèbre sentence de César, annonçant au Sénat la diligence avec laquelle il était arrivé à bout du roi de Bosphore : "Veni, vidi, vici" (je suis venu, j’ai vu, j’ai vaincu). A la différence notable que nos César locaux "sont venus, ont vu et ont… pris la tangente" ! Qu’ont-ils «vu» de si étrange (ou de si effrayant), au point de devoir s’éclipser sans demander leurs restes ?


Autres articles
Après les anciens candidats à la Présidentielle 2012, que sont Ibrahima Fall, Me Doudou Ndoye, Djibril Ngom, Mor Dieng, Cheikh Tijane Gadio et Idrissa Seck - qui avaient pourtant donné leur quitus pour accompagner celui que certains leaders de cette coalition hétéroclite, qu’est Benno Bokk Yaakar (Bby), surnomment ironiquement en privé "le président par défaut" -, d’autres matières grises du camp présidentielle viennent, à leur tour, avec plus ou moins de fracas, de rendre le tablier : Jacques Diouf, Youssou Ndour, Moubarak Lô. A l’exception notable toutefois du sémillant maître Alioune Badara Cissé, ci-devant numéro deux du parti présidentiel qui, lui, aura plutôt été débarqué de l’establishment«apériste», en proie également à la hantise de la «complotite». Et la liste serait loin d’être exhaustive ! 
Il reste indéniable qu’ils sont une bonne dizaine à avoir pris leur distance par rapport au «Macky». Hormis toutefois deux vieux communistes intrigants et un trotskyste belliqueux, théoricien émérite des «coups d’Etat rampants», et dont les poids électoraux réunis n’ont jamais franchi la barre des 2%. Sans oublier bien entendu les deux vieux loups socialistes qui, calculateurs et grands stratèges devant l’Eternel, ont préféré eux rester au «Macky», pour continuer de jouir des privilèges du pouvoir, et mieux reconstituer et renforcer leur trésor de guerre, en perspective de la prochaine présidentielle. Ils ont soutenu le candidat Macky Sall au second tour simplement par dépit, et non par conviction ou adhésion à son fameux programme «Yoonu Yokute» (la voie de l’émergence), auquel ils ne croient même pas, au point de ne jamais en parler ! Ils l’avaient «soutenu»  essentiellement pour mieux faire sa fête au vieux président sortant, à qui ils auront tout de même réussi à «offrir» un enterrement de première classe. Pour entreprendre presque aussitôt de creuser une nouvelle tombe au ci-devant «traitre du M23». 
Leur bête noire ? La coalition présidentielle rivale, «Macky2012», qui vient à l’occasion de son dernier point de presse, du 19 novembre dernier, de lever un gigantesque lièvre : ces allies du second tour, que sont les leaders de Bby, percevraient mensuellement entre 15 à 20 millions chacun, des mains de leur «otage» de président! Ahurissant, non ! Quand on pense surtout à leurs railleries moralisatrices de naguère, sur de prétendues «dotations en riz, huile et tomates» dont bénéficieraient  chaque mois les leaders de l’ex-Cap21. Ils réussirent alors à provoquer un raffut médiatique sans précédant, au grand bonheur du vieux «catastrophiste» en chef de l’ancienne opposition, qui avait, pour la circonstance, étalé tout son talent de manipulateur, pour une affaire qui s’avéra finalement être de la pure intoxication. Justement, qu’attend-t-il, lui qui était si prompt à crier au scandale, pour confirmer ou démentir ces dizaines de millions du contribuable, dont parleMacky2012, et que leur «bienfaiteur» leur remettrait tous les mois ! Quel terrible contraste avec les prétendus «sacs de riz de la Cap21». Ou «les deux cent mille francs de dotation mensuelle» à ses chefs de partis! Et quel formidable pied de nez à l’opinion, qu’on n’arrête pas d’abuser avec des notions décidément vide de sens, comme «rupture», «gouvernance vertueuse», etc. 
Trouvant un malin plaisir à dauber sur cette défunte coalition de Wade, le porte-parole du chef de l’Etat, au lieu d’éclairer la lanterne de l’opinion au sujet de cette scandaleuse «tontine», version deuxième alternance, a préféré faire dans la diversion en défendant son régime de vouloir plagier la Cap21, à travers la nouvelle démarche de son mentor, consistant à chercher à s’entourer de nouvelles ressources humaines politiques aux fins de constituer un nouveau pôle présidentiel, en disant : «qu’on ne peut pas faire référence à la Cap 21, qui a échoué» (L’Obs du 15/11/2013). Pourtant, à l’instar de tous les Sénégalais, il a vu, pendant une bonne dizaine d’année, les leaders de la Cap 21 se déployer régulièrement sur les plateaux de télévision, les studios des stations radios, et sur le terrain, pour rendre visibles les réalisations du président Wade et défendre son bilan. La Cap 21 aura, ce faisant, incontestablement contribué à faire réélire, en 2007, Abdoulaye Wade pour un second  mandat. Et au premier tour, s’il vous plaît ! Si c’est cela que le porteur de la parole du président Sall appelle un «échec», alors il convient franchement d’admettre que c’est le plus bel «échec» que puisse se souhaiter une coalition politique ! 
Contrairement à «son» Macky 2012 qui, traversée depuis sa création par une turbulence chronique, s’est finalement muée en une fronde quasi-permanente de «demandeurs de postes», qui tirent sans sommation sur tout ce qui bouge. Et même dans leur propre camp. De la présumée «taupe, tapie au cœur de la Présidence» à la «tontine» des «leaders-usurpateurs» de Bby, en passant par l’ex-égérie du Pds et actuelle patronne du Conseil économique social et environnemental (Cese), les snipers de Macky2012 n’épargnent personne ! Surtout ceux qu’ils soupçonneraient de constituer le moindre obstacle à la satisfaction de leurs rêves : des postes, encore des postes et toujours des postes ! Or chacun sait que plusieurs leaders de partis de la défunte Cap21 ont accompagné, avec abnégation et conviction, le président Wade, pendant une dizaine d’année, jusqu’à la fin de son magistère, sans jamais avoir bénéficié du moindre strapontin ! Et on ne les a pour autant jamais entendus s’en plaindre dans les médias. C’est cela l’engagement militant et patriotique ! 
Adji Bergane Kanouté, secrétaire générale de Uds-Rénovation, parti membre de Macky2012, avec une surprenante franchise, a bien résumé la situation, lors de son passage à l’émission «Li xéw si deuk-bi», du 17 novembre dernier, sur «Rewmi-fm» : «C’est un petit groupe de trois ou quatre personnes qui fait tout ce bruit. Le plus regrettable est que lorsqu’ils sortent une déclaration ou font un point de presse, ils le font au nom de Macky2102, et donc forcément ça engage tout le monde. Ils ne sont préoccupés que par des postes. Je vous dis que si jamais ils bénéficiaient de ces nominations, vous ne les entendrez plus» ! C’est ce qu’à peut-être compris, bien que tardivement, le chef de l’Etat, qui serait furieux, suite aux récents déballages ayant émaillé le dernier point de presse de Macky2012, concernant notamment les 20 millions que lui-même verserait mensuellement à chaque leader de Bby, et les 7 logements de fonction dont bénéficierait la nouvelle dame de fer du Cese, «pour ses nièces, cousines et domestiques». 
Concomitamment au sauve-qui-peut, qui n’arrête pas de dégarnir les rangs du camp présidentiel de ses matières grises, apparemment déterminé à laisser à Macky Sall la responsabilité de défendre son bilan, et déconcerté par la nuisance de Macky2012, le leader de l’Apr semble donc résolu à prendre les devants pour s’entourer de toutes les garanties de succès, pour un second mandat présidentiel, plutôt que de se laisser passivement conduire à l’échafaud, par «ses faux alliés» de Bby, tous candidats potentiels, dans la perspective de la présidentielle de 2017. Aussi, entreprend-t-il de faire d’une pierre… trois coups : laisser Bby mourir de sa propre mort, dissoudre cette micro-coalition qu’est Macky2012 qui lui cause plus de problèmes qu’il ne lui en résout, et enfin bâtir un nouveau pôle présidentiel, «pour qu’au-delà de Bby d’autres organisations politiques et citoyennes soient associées, afin de donner au président de la République la base la plus large possible» (Seydou Guèye, Sg du Gouvernement, porte-parole de l’Apr - l’Obs du 21 nov. 2013). 
Ainsi donc, le Président Macky Sall, patron de l’Alliance pour la République (Apr), conscient que ce ne sont pas les leaders de Bby qui lui feront l’honneur de promouvoir sa candidature pour sa réélection en 2017, a choisi de prendre l’initiative de déclencher lui-même l’inéluctable recomposition politique, dans laquelle est présentement engagé le landerneau sénégalais. La création d’un nouveau pôle présidentiel, qu’il aura lui-même souverainement construit, et sur le fonctionnement de laquelle il aura la haute main, lui tient à cœur. En mandatant un homme du sérail rompu aux missions secrètes, comme Maître Ousmane Séye, pour faire office de sergent-recruteur, il est à peu prés certain qu’il aura, à terme, l’embarras du choix. Au point de devoir procéder à un tri. L’essentiel étant de disposer d’un pôle présidentiel fort, fédérant autour de sa personne des forces nouvelles, partageant sa vision, susceptibles de défendre, sans complexe, son bilan et de porter sans faux-fuyant sa candidature pour 2017. Après lui avoir préalablement permis de relever triomphalement le défit des Locales toutes proches, de 2014. Ce qui semble la seule issue plausible, susceptible de libérer Macky Sall du joug de Bby et des chantages indécents de Macky2012. 
  
Bassirou Thioune 
Enseignant à la Retraite 
Pikine Tally Icotaf, Plle 843

Williams Logan