Opinion

Les lundis de Madiambal: Mahammad Dionne, le seul choix raisonnable


Lundi 27 Février 2017

Les jeux d'influence font rage dans les chaumières politiques pour savoir qui va diriger telle ou telle coalition électorale aux prochaines Législatives. Pour ce qui est de la majorité parlementaire sortant, le président de l'Assemblée nationale, Moustapha Niasse, semble se mettre dans une logique de dévotion à la cause de la Coalition Benno Bokk Yaakaar (Bby), pour diriger sa liste comme cela avait été le cas lors des élections législatives de 2012. Si Moustapha Niasse avait toute la légitimité pour être tête de liste à ces élections remportées très majoritairement par sa coalition, cela ne semble plus être le cas. Les élections législatives de 2017 risquent d'être celles de trop pour Moustapha Niasse.


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Qu'on ne se voile pas la face ! Moustapha Niasse n'a plus la forme sur le plan physique pour battre campagne et conduire une liste à des élections législatives. Il s'y ajoute que le poids que représentait sa propre formation politique, l'Alliance des forces pour le progrès (Afp), s'est beaucoup étiolé durant les cinq dernières années. En effet, la quasi-totalité des responsables politiques de l'Afp ont rompu les amarres avec Moustapha Niasse, au profit du Grand Parti d'El Hadji Malick Gakou. L'ancien numéro 2 du parti de Moustapha Niasse a vidé ou cannibalisé l'Afp. Qui peut montrer sur la carte du Sénégal un fief politique toujours acquis à Moustapha Niasse et où il pourrait tenir un rassemblement politique d'envergure ?

On pourra dire que Moustapha Niasse dirigeait la coalition Bby en 2012, notamment en raison de son titre de leader de sa coalition électorale Benno Siggil Senegal (Bss), laquelle coalition avait soutenu le candidat Macky Sall au second tour de l'élection présidentielle face à Abdoulaye Wade. Que reste-t-il de la Coalition Bss, à part les étiquettes des organisations et partis qui la composaient ? Le temps a aussi fait son œuvre sur la représentativité des formations politiques de cette coalition et les opportunismes politiques ont fait que de nombreuses bases de ces différents partis politiques ont migré dans le giron du parti du président Macky Sall, l'Alliance pour la République (Apr). En effet, l'Apr a accueilli avec beaucoup d'hospitalité les responsables des partis membres de sa majorité parlementaire et qui avaient décidé de rejoindre les rangs du parti du président de la République. La carte politique a fondamentalement changé avec la dynamique de massification engagée par l'Apr, favorisée par les moyens et instruments que lui confère le contrôle des rouages essentiels de l'État. 

De toute façon, il apparaît que l'apport électoral que Moustapha Niasse fournirait à la coalition politique qui défendra les couleurs du régime du président Macky Sall, sera assez faible. On peut même craindre qu'un choix porté sur la personne de Moustapha Niasse se révèle contre-productif, ou bien même risque fortement de produire un résultat négatif. Moustapha Niasse sera fatalement un handicap pour une telle coalition, pour différentes raisons. Il faut dire que l'opinion publique sénégalaise ressent de plus en plus mal, le fait que le président Macky Sall s'entoure de personnalités politiques d'un autre âge que lui. Les institutions de la République sont incarnées par des visages d'un autre âge et d'aucuns considéreraient que le chef de l'État devrait gouverner avec des personnalités de sa génération.

C'est comme qui dirait que le Président Macky Sall trouverait un immense plaisir personnel à avoir sous ses ordres des personnalités qui naguère lui inspiraient de l'envie ou de l'admiration. Il l'aura lui-même avoué, quand il témoignait l'admiration qu'il avait toujours eue, du temps de sa jeunesse, pour un Moustapha Niasse par exemple. Seulement, une telle approche n'aura-t-elle pas pour conséquence de rebuter les populations sénégalaises composées à plus de 65% de personnes âgées de moins de 30 ans ? En outre, les personnalités qui incarnent aujourd'hui les institutions, apparaissent comme des caciques de toujours des régimes de Léopold Sédar Senghor, d'Abdou Diouf et d'Abdoulaye Wade. Le début de leur parcours et carrière politiques remonte jusqu'au temps où la redingote était l'habit des gouvernants. Ils ont donc traversé tous les régimes politiques au Sénégal et ne sauraient donc symboliser le renouveau ou la rupture que le Président Macky Sall incarnerait. Choisir Moustapha Niasse comme tête de liste pour les élections législatives de juillet 2017, ce serait déjà annoncer qu'il rem

pilera à la tête de l‘Assemblée nationale. Une telle perspective bloquera de nombreux responsables de l'Apr qui peuvent légitimement prétendre à la fonction. Il est à se demander même si ce ne serait pas à Moustapha Niasse de faciliter la tâche à Macky Sall en offrant son désistement pour un éventuel choix portant sur sa personne pour briguer un mandat de député, encore moins le perchoir. Le bilan de Moustapha Niasse, durant ses cinq années à la tête de l'Assemble nationale, n'a pas été un grand succès tant du point de vue de la vie parlementaire que du fonctionnement démocratique de cette institution ou de son renouveau. La position de Moustapha Niasse comme président de l'Assemblée nationale avait été vivement contestée par des responsables de l'Apr et on peut bien s'attendre à ce que ce phénomène de remise en cause de l'autorité de Moustapha Niasse sera encore plus grand s'il lui arrivait de rempiler. Un autre chef de parti politique, membre de la coalition politique qui soutient le président Macky Sall, ne se montre à même de jouer au supplétif surtout qu'un Ousmane Tanor Dieng est déjà porté à la tête du Haut conseil des collectivités territoriales (Hcct). 

Macky Sall met son Premier ministre en condition 

Le président Macky Sall est condamné à chercher dans sa propre formation politique, l'Apr, la personnalité politique qui va diriger sa coalition électorale aux prochaines élections législatives. C'est un postulat de base et il n'apparaît nullement que le président Macky Sall a une autre alternative possible. S'il le veut bien, sa tâche sera aisée. Il lui faudra simplement être pragmatique et ferme dans ses choix et surtout ne pas se laisser marcher sur les pieds, comme d'ailleurs savent bien le faire de nombreux responsables de son parti. Les ambitieux et les prétentieux sont nombreux au sein de l'Apr mais en son for intérieur, chacun sait mieux que quiconque, ses limites objectives. Il reste que la responsabilité du Président Macky Sall demeure entière dans la cacophonie observée dans les rangs de sa formation politique, car il n'a pas encore trouvé opportun de structurer son parti et que dans une pareille situation, chacun peut se croire investi de tous les pouvoirs et de tous les rôles. Ils peuvent aussi être nombreux, les responsables qui revendiquent une certaine légitimité historique qui leur conférerait le droit d'être servis avant tout le monde et d'obtenir les meilleures parts.

Seulement, la logique en politique demeure la massification, aussi longtemps que les électeurs au suffrage universel décerneront les places et plus d'une fois, des responsables de l'Apr ont eu à constater avec amertume leurs limites auprès des bases militantes. Le Premier ministre Mahammad Dionne apparaît comme la personnalité qui se révélerait la plus consensuelle au sein de l'Apr pour diriger la liste aux élections législatives. L'autre argument et on ne peut plus déterminant, est que le Premier ministre Dionne portera ainsi la campagne pour défendre le bilan de son gouvernement. Il ne se trouve pas une personnalité mieux indiquée pour défendre le bilan du gouvernement que le chef même de ce gouvernement. Le président Wade avait jeté son dévolu sur son Premier ministre d'alors, Macky Sall, pour défendre son bilan en 2007. 

Dans tous les cas, tout choix porté sur un autre responsable de l'Apr pour diriger la liste aux élections législatives dévoilerait, avant l'heure, les intentions du Président Macky Sall sur la structuration de son gouvernement après les élections législatives du 30 juillet 2017. On pourrait aisément deviner que la tête de liste, qui ne serait pas l'actuel Premier ministre, jouera les premiers rôles à l'issue du scrutin. Quel est le chef d'État qui abattrait ainsi très prématurément ses cartes ? Mahammad Dionne constitue incontestablement le choix de la raison.

Seulement, Jean Joubert indiquait que "la raison peut nous avertir de ce qu'il faut éviter, le cœur seul peut nous dire ce qu'il faut faire". Il n'en demeure pas moins que le Président Macky Sall semble préparer Mahammad Dionne à la mission de devoir diriger les troupes aux prochaines élections législatives. Le Premier ministre se voit désormais confier des tâches politiques, comme diriger des meetings et autres manifestations politiques, ou même jouer au médiateur entre factions rivales de l'Apr. Cette approche pourrait conférer davantage de légitimité politique à Mahammad Dionne au sein du parti et il ne se trouvera pas un responsable qui pourrait lui dénier d'être un militant de premier plan.


Abdoul Aziz Diop