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L’intégralité de l’interview que Macky Sall a accordée à Rfi lors de son passage à Paris


Mardi 4 Mars 2014

Macky Sall, le chef de l’Etat sénégalais, a assisté, lundi 24 février, à Paris à une réunion du Groupe consultatif de la Banque mondiale. Il s’agissait pour lui de présenter le Plan Sénégal émergent (PSE), qui a notamment pour but d’aider le pays à réaliser une croissance d’au moins 7%. Par ailleurs, le président sénégalais a évoqué plusieurs autres dossiers au micro de RFI : où en est la lutte contre la corruption ? Combien de temps Karim Wade va-t-il rester en prison ? Le président Macky Sall répond aux questions de Christophe Boisbouvier.

RFI : Est-ce que vous êtes satisfait de cette réunion du groupe consultatif ?

Macky Sall : Plus que satisfait, d’abord par l’engagement de la communauté, des partenaires techniques et financiers sur la validation du Plan Sénégal émergent, et surtout leur engagement financier consistant, qui va au-delà de ce que nous attendions.

Il y a un nouvel engagement à hauteur de quelque 5 milliards d’euros, mais le Plan Sénégal émergent coûte 15 milliards d’euros ?

Ce qui se passe, c’est que le programme c’est à peu près 20 milliards de dollars, donc à peu près 15 milliards d’euros peut-être. Mais nous avions déjà avant de venir ici à peu près 69% de ce financement. Nous étions venus rechercher ce qui manquait.

C’est-à-dire que le Sénégal assurait les deux tiers du financement ?

Pas tout à fait les deux tiers, mais c’était à peu près 62% du financement. Mais avec les engagements que nous avons, notre contribution pourra baisser à hauteur de 48%, moitié-moitié. Et nous avons eu vraiment aujourd’hui un engagement de l’ordre de plus de 2 milliards et demi de dollars. Ce qui fait que la différence a été totalement absorbée. Même la partie qui devait revenir au secteur privé a déjà été financée. A terme, un équilibre a été programmé pour que la dette soit soutenable.

D’après la Banque mondiale, le climat des affaires n’est pas bon au Sénégal. Qu’est-ce que vous allez faire pour que ça s’améliore et que la corruption diminue ?

Il faut être moins critique. Il est vrai que le classement du Sénégal sur l’indice du Doing Business n’a pas été bon cette année puisqu’il y a des paramètres clés qui n’ont pas été satisfaits. Depuis lors, il y a eu de très grosses avancées qui ont été faites sur les permis de construire, sur les transferts de propriété, sur l’accès au raccordement à l’électricité. Ce sont des paramètres importants sur le classement et je suis convaincu qu’au prochain Doing Business 2014, vous verrez le bond que le Sénégal a réussi. Entre temps, nous avons engagé des réformes majeures sur la gouvernance avec la loi portant sur la déclaration du patrimoine pour l’ensemble des ordonnateurs du budget et administrateurs de crédit qui gèrent un budget supérieur à un million et demi d’euros. Donc ils sont assujettis à cette déclaration avant et après leur entrée en service, mais aussi nous avons mis en place un office de lutte contre la fraude et la corruption pour les gestionnaires actuels. Et cet office a tous les pouvoirs d’auto-saisine et pour transmettre ce rapport directement à la justice. C’est dire que des mesures de sauvegarde ont été prises qui inéluctablement vont améliorer la gouvernance.

Vous-même avez déclaré votre patrimoine après votre élection et je crois que c’est une première dans l’histoire du Sénégal ?

Oui, c’est une première. Je suis le premier président du Sénégal élu qui ait fait cette obligation, pourtant qui est constitutionnelle.

Vous promettez de mettre les institutions sénégalaises aux standards internationaux. En 2012, vous avez été élu pour un mandat de sept ans. Est-ce que vous allez modifier la durée du mandat ?

Oui, j’ai déjà indiqué que j’avais l’intention de modifier la durée du mandat, de ramener le septennat à un quinquennat. Pour cela, j’ai décidé effectivement moi-même de m’appliquer cette réduction, ce qui est aussi quelque chose d’exceptionnelle puisque j’ai voulu simplement donner l’exemple. Donc désormais, ce sont des mandats de cinq ans renouvelables une seule fois.

Dans le cadre de la lutte judiciaire contre les détournements, Karim Wade est en prison pour détournements présumés de biens publics. Que répondez-vous à la Rencontre africaine pour la défense des droits de l’Homme (la Raddho) et aux chefs d’Etat africains qui vous demandent un geste de clémence ?

Aucun chef d’Etat africain ne m’a demandé un geste de clémence tout au plus, il arrive qu’ils me demandent ce qui se passe au Sénégal. Parce que vous comprendrez bien qu’ils ne puissent pas faire de l’ingérence dans les affaires intérieures du Sénégal parce que le Sénégal est un modèle de démocratie et de droits de l’homme, un modèle d’Etat de droit aussi. Ce qui se passe, c’est qu’il y a des personnes qui ont été arrêtées dans le cadre de la lutte contre l’enrichissement illicite où une Cour spécialement dédiée qui a été instaurée au Sénégal, je le rappelle, depuis 1981 par le président Abdou Diouf. Je n’ai fait que la réactiver en nommant les magistrats. Cette Cour a engagé une procédure, donc il faut laisser la justice faire son cours. Il n’appartient pas aux hommes politiques, encore moins aux associations de droits de l’homme, d’apprécier le travail de la justice dans une démocratie. Je m’en limite à ce que la Cour dira mais pour le moment, je n’ai pas d’autres commentaires à faire.

Les élections locales, c’est au mois de juin prochain. Le parti Rewmi d’Idrissa Seck a déjà quitté la majorité présidentielle. Est-ce que vous ne craignez pas d’autres défections d’ici cette échéance ?

Vous pensez que j’ai l’impression d’être un président qui a perdu du poids électoral ? Non, je pense que la politique c’est comme le train. A chaque gare, il y en a qui descendent et d’autres embarquent. Pour le moment, je suis encore beaucoup plus fort qu’en 2012 et c’est cela qui est essentiel.

LERAL



Abdoul Aziz Diop