Opinion

Idy, Karim et Macky: La guerre de troie-Par Serigne Saliou Guèye


Jeudi 7 Juillet 2016

L'ancien PM ne se prive pas d'écorcher les Wade. Et à chaque fois, l'effet est ressenti comme un séisme politique au sein de l'APR au point que des hurluberlus se déchainent



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L'une des missions de l'homme ou la femme politique consiste à parler aux gens, à échanger avec eux, et à expliquer, bref à communiquer. L'un des principes fondamentaux de la communication des acteurs de la vie politique, c'est remporter la bataille des idées dans n'importe quelle occurrence.

Certains pour retrouver une crédibilité perdue, d'autres pour la conserver soigneusement. Au Sénégal, force est de constater que la communication politique est le talon d'Achille de nos hommes et femmes politiques. Les uns et les autres ne parviennent pas à tracer une ligne de démarcation distinctive entre propagande et communication politique. 

Pire, depuis la réduction du mandat présidentiel passant par le dialogue national jusqu'à la cascade de libération de Karim Wade et de ses codétenus de Rebeuss, la scène politique est secouée par le tourbillon d'un genre nouveau d'expression politique, une communication au rabais, une communication de caniveau, une intoxication insolente faite d'invectives, d'attaques ad hominem, de médisances, de graves accusations et de contre-accusation.

Le jeu politique est ainsi fait au Sénégal et les médias raffolent des fausses polémiques. On est toujours dans la conflictualité, comme si le Sénégal voulait sans cesse être au bord de la guerre civile politique, mais jamais dans une démocratie apaisée où l'on discuterait dans le respect de l'autre des vrais problèmes qui intéressent les citoyens. C'est vraiment pathétique que ceux qui sont censés nous gouverner avec des idées et des actes en arrivent à transformer la République en borne-fontaine où seules les querelles insultantes et les coups félons comptent. Il appert que le débat d'idées n'a jamais été le point fort de nos acteurs politiques mais l'insolence a atteint un niveau paroxystique inquiétant au point que pour le peuple, la politique est une affaire d'ignominie, de vilénie et de contrevaleurs. 

Aujourd'hui au Sénégal, les enjeux politiques ont donné lieu dans le champ de la communication à une guerre de Troie entre trois candidats à la prochaine présidentielle : Macky Sall, Idrissa Seck et Karim Wade. Ousmane Tanor Dieng, étant occupé et préoccupé par le Haut Conseil des Collectivités territoriale et l'incendie de la division qui ravage son parti, et Moustapha Niasse, étant englué dans les impôts impayés de ses députés, se sont auto-exclus de cette bataille de communication qui rythme la vie politique sénégalaise. 

De ces hommes politiques susnommés, il y a Idrissa Seck qui donne le tempo aux autres. Ainsi en revendiquant la défense des intérêts d'un Sénégal que "le président Macky Sall aurait mis en danger et détruit à cause de son incompétence et de ses palinodies", il s'auto-pose ou s'impose comme le protecteur politique attitré du Sénégal. Et dans sa stratégie de communication, le leader de Rewmi n'hésite pas à critiquer avec véhémence voir chapitrer comme un écolier incorrigible le président de la République sur les initiatives qu'il prend. Dans la même veine, il ne se prive pas d'écorcher l'ancien président Abdoulaye Wade et son fils Karim. Et à chaque fois, l'effet est ressenti comme un séisme politique au sein de l'Alliance pour la République (Apr) au point que des hurluberlus se déchainent uniquement pour abreuver le contempteur de leur mentor d'une palanquée d'insultes.  

Depuis qu'Idrissa Seck a parlé de deal lors du dialogue national, les passions des hommes et femmes du président de la République et de son prédécesseur se sont déchaînés sur lui pour défendre leur leader. Toutefois il est à préciser que le leader de Rewmi n'en est pas à son coup d'essai. Quand le président Macky Sall est revenu sur l'engagement de réduire son mandat, il n'a pas hésité à déclarer qu'à "l'incompétence qu'on lui reconnaissait, Macky Sall vient d'ajouter le déshonneur, qu'avec Macky Sall, la parole politique a perdu toute sa crédibilité face aux contrevaleurs sécrétées par le présent régime".

El Hadji Kassé le conseiller en communication du président était monté en premier au créneau pour crucifier Idrissa Seck avant de laisser ses camarades de parti déverser leur bile sur le dénigreur caustique et machiavélique de leur leader. C'est la même stratégie de communication proactive que le président du Conseil départemental de Thiès utilise pour occuper le terrain médiatique en comparant le président Macky Sall au virus Ebola du Sénégal ou en flétrissant le dialogue national et la libération "conditionnelle" de Karim Wade. 

Ainsi l'effet médiatique qui devait positivement accompagner le dialogue national de Macky Sall aura été un feu de paille puisque dès le lendemain, les hommes et femmes de l'Apr de même que ceux du Pds, au lieu d'adopter une stratégie de communication tendant à valoriser le bien-fondé du dialogue national, se sont rués comme une meute de chiens affamés sur le leader de Rewmi pour l'accuser de dealer sans vergogne, de combinard fieffé.

Et le protocole de Rebeuss fut exhumé de nouveau pour clouer au pilori leur adversaire rewmiste. Finalement comme des enfants de chœurs suggestibles, les apéristes sont tombés dans le piège communicationnel d'Idy qui les éloigne chaque fois de l'essentiel qui intéresse les Sénégalais. 

Ainsi il adopte la stratégie de diversion qui consiste à détourner l'attention de ses adversaires des problèmes importants grâce à une flopée abondante de distractions et d'informations futiles. Mais pendant trois jours, Karim Wade dont la libération est intervenue dans les conditions que l'on sait a ravi la vedette médiatique au chef de Rewmi parce que faisant la une des journaux et des réseaux sociaux. Et depuis Touba où il est allé présenter ses condoléances au khalife des Mourides, il lui a repris l'exclusivité de la une des journaux en affirmant que "le président de la République dans la libération de Karim Wade a obtempéré à un donneur d'ordre international".

Et voilà c'est reparti pour quelques jours d'invectives et d'insolences émanant des écuries du Pds et de l'Apr. Et le point d'orgue de cette bataille de communication, c'est lorsque Karim Wade a voulu, depuis Doha, par voie épistolaire ou téléphonique, rythmer la vie politique du pays en remerciant ceux qui ont compati à son emprisonnement et en donnant des directives politiques à ses partisans. Idy n'a pas hésité un instant à inviter les journalistes à un ndogou-presse pour réchauffer les propos qu'il avait déjà émis depuis la capitale du mouridisme et pilonner de nouveau le président Sall.

Et là aussi, la communication réactive des militants l'Apr et du Pds ne s'est pas fait attendre. Les plus en vue sont Youssou Touré et auparavant Samuel Sarr avec en prime les agitations stériles des seconds couteaux. Seuls Aminata Touré et le Premier ministre ont répliqué à leur ancien homologue sans verser dans la surenchère des sordidités et des insanités. 

Idrissa Seck rythme le moment politique en imposant une stratégie de communication enrubannée dans un discours soi-disant républicain. Sa communication offensive articulée sur la confrontation et la diversion déstabilise ses adversaires. Ainsi il fait bouger les lignes en imposant son style, son vocabulaire et sa verve à ses adversaires, à la presse et au peuple.

Cette bataille de communication fait entrevoir aussi une certaine considération, une certaine prise en compte, bonne ou mauvaise, de ses idées politiques. De ce fait, Idrissa Seck est en train de gagner subtilement la bataille de la communication politique, qu'Antonio Gramsci, le philosophe italien des années 30, considère comme le primum movens de toute bataille électorale.

SENEPLUS


Abdoul Aziz Diop