Opinion

Edito de Seneplus: Otage de la médiocratie-Par Ibe Niang Ardo


Lundi 24 Juillet 2017

Pourvu que ces prochaines élections législatives se déroulent dans la transparence et la paix - Pourvu que tous ceux qui se sont inscrits pour leur carte d'identité puissent en disposer à temps pour aller voter



Au Sénégal l'on s'achemine vers des élections législatives le 30 Juillet 2017, qui détiennent le record grotesque de partis en lice, énième indice d'alerte d'une décrédibilisation continuelle de nos institutions. Gageons que l'abstention en sortira victorieuse, car en plus de ce facteur démotivant, les discours et promesses des candidats sont insipides et incapables à conduire les électeurs indécis, à aller aux urnes. Mais au vu des aléas des investitures dans les différentes formations, il y a pire à craindre, du fait de l'évidence manifeste qu'à ce stade du processus, aucun gage de changements qualitatifs au sein de cette auguste institution qu'est l'Assemblée Nationale, n'est même présumable. Aujourd'hui plus que jamais, c'est vraiment au petit bonheur la chance qu'un individu est investi sur une liste. Les nouvelles listes et coalitions pléthoriques pêchent leurs candidats, chemin faisant sans conviction, ni souci de leurs prestations à l'Assemblée une fois élu.

L'actuelle législature a été décriée pour sa médiocrité par les cadres de la majorité au pouvoir eux- mêmes, pire sera la prochaine si l'on n'y prend garde, parce que le système est vicié, otage de la médiocratie. Entre autres vices je me contenterai ici d'en relever deux :

Le premier vice qui grève l'efficience de l'Assemblée Nationale est la loi sur la parité. Il faut se rendre à l'évidence que le combat légitime des femmes pour leur droit à l'émancipation et l'égalité républicaine avec les hommes a été récupéré et mené vers une impasse politico-sociale.

Il suffit de se poser la question suivante pour en être édifié : - Pourquoi les femmes ne pourraient-elles pas, dans un avenir plus ou moins proche, dominer en nombre les hommes au sein des institutions de la République, alors que l'inverse se serait perpétué pendant plus d'un demi siècle ?

C'est dire que cette loi, vu sous l'angle des perspectives à long terme plafonne l'accès des femmes aux rôles de dirigeants. Face à la prise d'assaut de postes de dirigeants par le sexe faible ces dernières décennies, il nous faut questionner judicieusement de tels actes anticipatoires, proposés en guise de promotion. Celle-ci n'est in fine qu'une loi conservatoire propre à maintenir aux hommes un statut honorable, quoiqu'il arrive demain. Une telle loi est une hérésie en démocratie, qui devrait être abrogée et extirpée de notre législation. Les femmes, de par leur mérite gagnent le respect dans notre société et à une très bonne cadence, elles n' en avaient pas besoin. Seules des lois incitatives pour l'accès à la scolarisation dans les milieux démunis et à des infrastructures qui les libèrent des tâches domestiques contraignantes suffisaient. J'espère que la prochaine législature saura soulever ce problème, bien l'argumenter et convaincre l'Assemblée de nous en débarrasser et proposer en lieu et place :

1- une égalité des traitements pour le même poste et,

2- l'institution au sein de l'assemblée d'une commission d'enquête dirigée par une femme, qui aura pour mission de: "se saisir de tous les cas litigieux ou non transparents de femme qui serait discriminée par rapport à une nomination et proposer les sanctions idoines".

Enfin selon cette loi scélérate, une position sur deux sur les listes est réservée aux femmes, donnant ainsi la priorité au critère genre, pour l'une des instances qui a le plus besoin de compétence et de probité. Qui plus est, dans la pratique combler ces positions lors des investitures est si laborieux pour les partis, que l'on finit par en venir à la formule en veux-tu, en voilà. Ce, dans le renoncement total de tout critère de valeur. Alors ne vous étonnez pas d'en voir de toutes les couleurs à l'Assemblée Nationale, quid des repris de justice, des escrocs notoires, des farfelus à vous faire tomber à la renverse etc. On ne peut pas itérativement prendre des vessies pour des lanternes et croire qu'une solution en sortira.

Le second vice est l'élaboration ouvertement d'une liste par le président lui-même. L'on n'avait plus vu ça depuis le temps des tsars. Quand le président d'une République qui se targue d'être une des plus grandes démocraties du continent, dit publiquement aux militants de son parti : "puisque vous vous querellez pour établir les listes des investis, laissez moi m'en charger tout seul", c'est un séisme qui est provoqué. Sitôt dit sitôt fait et tant et si bien que même ses alliés furent frustrés de n'avoir été à aucun moment consultés. C'est triste que de le faire, mais qu'il n'y ait aucun intellectuel pour s'en indigner est une toute autre chose, pire et très dramatique. C'est comme s'il y avait quelque part dans l'air de ce pays un virus corrosif qui dépouille les intellectuels de leur esprit critique. Figurez-vous que l'Assemblée est investie entre autres de la mission de contrôle de l'exécutif et, le chef même de l'exécutif ne nous propose ici rien d'autre que de lui concéder la souveraineté, pour ce qui est du choix de ses futurs élus. Peut-on l'accepter sans sourciller, comme une sentence d'immolation collective ?

C'est triste que nous en soyons arrivés là, à une société si dangereusement proche de la masse critique, ce point où tout épiphénomène peut nous entraîner dans un cycle de violence inouï et qu'il n'y ait pas un sursaut de résilience.

Les signes d'alerte n'en finissent pas de clignoter et des nuages de cygnes noirs d'assombrir notre ciel. La violence et les catastrophes morbides qui vont crescendo, n'émeuvent même plus tellement l'on baigne dans l'agressivité permanente, avec tous ces trottoirs sales et tant encombrés, qui n'offrent au piéton que le calvaire de se faufiler entre les automobiles sur la chaussée; ce tapage sonore nocturne qui a fait de tous les citadins des zombies tellement ils leur est impossible de trouver un moment de sommeil dans les vingt quatre heures d'une journée et j'en passe. Tout cela témoigne d'une inertie et inconséquence politiques qui n'augurent rien de rassurant. Pourvu en tout cas que ces prochaines élections législatives se déroulent dans la transparence et la paix. Pourvu que tous ceux qui se sont inscrits pour leur carte d'identité puissent en disposer à temps pour aller voter et, qu'ils aient bien conscience des conséquences de l'acte qu'ils posent, au moment de mettre leur carte dans l'urne.



Abdoul Aziz Diop