Opinion

Edito de Seneplus: Les agneaux de la farce-Par Demba NDIAYE


Mercredi 23 Mai 2018

Baydallaye Kane, Recteur de l’UCAD, et Ibrahima Diao, directeur du Crous de Saint-Louis, sont donc les deux premières victimes de la mort de l’étudiant Fallou Sène. En attendant l’interpellation du tireur et les suites judiciaires attendues et espérées, les étudiants de Saint-Louis vont ils se contenter de ces deux sacrifices plus rituels qu’expiatoires, voire dissuasifs ?


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En écho à ces limogeages qualifiés par le gouvernement comme des calmants à la fièvre qui a gagné le monde étudiant depuis ce 15 mai dramatique, les pensionnaires de l’UGB eux, semblent en avoir une autre lecture : « Nous saluons ces mesures, mais notre colère est loin d’être calmée. Le Recteur et le DG ne sont pas les seuls responsables », martèle Jeanne Gomis, une des porte-parole de la Cels, lors d’une assemblée générale tenue après l’annonce du double limogeage. Ils en veulent aussi, à Mary Tew Niane, ministre de l’Enseignement supérieur, Amadou Ba, l’argentier du pays, Aly Ngouille Ndiaye, ministre de l’Intérieur. Et Augustin Tine ministre des Forces armées.

Durant ce long week-end, plusieurs voix, via les radios et les réseaux sociaux, ont saisi l’occasion de ces premières mesures pour faire état de leur satisfaction et commencer à vilipender les étudiants qui seraient « trop gourmands » en réclamant le limogeage des ministres. Ainsi, une insidieuse opération de diabolisation des étudiants est en cours, pour les discréditer et rabaisser leur combat au seul limogeage des lampions égorgés sur l’autel du retour à marche forcée du calme dans nos universités.

Une froide analyse des causes de ce qui est arrivé à Saint-Louis, ne pourrait cependant pas fermer les yeux sur un entrelacs de responsabilités qui relèvent du gouvernement. En 2013, un an après son arrivée au pouvoir, il organise les états généraux de l’Enseignement supérieur, dont est issue le Programme de réformes prioritaires de l’Enseignement supérieur et de la recherche. À cette occasion, il promet aux étudiants que désormais, « le paiement tardif des bourses ne sera plus qu’un mauvais souvenir ». Pour cela, il promet d’augmenter de 0, 2% du PIB de 2013 à 2017 les ressources allouées à l’Enseignement supérieur. Magnanime et euphorique, il ajoutait « qu’il maintiendrait la part de 25% dévolue à l’Enseignement supérieur ». Sur ces engagements, le président et son gouvernement n’ont pas tenu parole. Comme sur la réduction du mandat.

De ce point de vue, le retard du paiement des bourses, en devenant chroniques relève bien d’une responsabilité gouvernementale  et, surtout, des ministres concernés : l’Economie et l’Enseignement supérieur. Le généreux argentier du dimanche lors des rencontres politiques, cérémonies religieuses et autres lieux de pêche de voix, Amadou Bâ, ne peux aucunement se soustraire de cette responsabilité-solidarité gouvernementale. Si on était dans une République qui marche sur les pieds et non sur la tête, avec des devoirs sacrés pour ceux que le chef de l’État a choisi au nom du mandat à lui donné par les citoyens, pour exécuter sa politique promise, pour la satisfaction des besoins élémentaires du peuple. Lui, non coupable ? Il ne peut et ne devrait bénéficier d’aucun « doute légitime ».

Des brimades, bastonnades, humiliations de toutes sortes, et mutilations à vie, dont, très souvent, trop souvent, sont victimes les citoyens qui veulent exercer des droits reconnus par nos textes fondamentaux. De la part des forces de l’ordre, qui à force, sont devenues non seulement des forces de désordre, mais surtout, des forces de répression à outrance avec une sorte d’autorisation, de permis d’humilier, réprimer, torturés, blesser, mutiler, voire même tuer, comme en 2001, 2014 et 2018. 
        
Qui autorise ces guerres de rues contre les citoyens ? Qui autorise des balles réelles contre des manifestants qui, au pire, ne sont armés que de pierres et autres armes du néophyte ? Oui qui autorise ? Des enseignants malmenés et humiliés à Ziguinchor pour exiger du gouvernement qu’il respecte ses engagements. Des élèves réprimés sauvagement à Thiès avec pour l’un d’entre eux, la perte à jamais de son œil. Des grenades lancées jusque dans les chambres des étudiantes à l’Ucad ; des franchises universitaires qui sont devenues des champs de bataille à la moindre manifestation d’humeur des étudiants. 

A croire que les forces de l’’ordre préfèrent le champ clos des campus à l’intimida des rues. Éduquons nos forces de l’ordre, à défendre les citoyens, leurs droits et libertés et non à contribuer à les leur enlever pour entrer dans les bonnes grâces des gouvernants du moment. Les gouvernants passent les services publics restent. Parce qu’ils sont, (ils devraient être) les garants de notre volonté de vie commune, dans une République. Et non une monarchie en marche.

Oui, si on y regarde de près, avec l’objectivité et l’honnêteté intellectuelles requises, le verdict ne peut être que celui-ci : le président et son gouvernement sont responsables. Ils sont responsables quand les bourses n’arrivent pas à l’heure alors que ministres, députés, Dg et autres non nécessiteux de la République sont les premiers servis et passent à la caisse avant la fin du mois. Un Ministre est responsable quand il y a un manquement dans le fonctionnement de son département. S’il y’a faute, il est le premier responsable et les subordonnés après. Il n’y a pas justice quand on défenestre les lampions et que lui garde son poste et continue à faire état de son incompétence. Et avec arrogance.

Quand ceux qui sont chargés de protéger les citoyens apparaissent aux yeux de ces derniers comme des dangers et non des protecteurs, il y a problème dans le commandement. Quand de surcroît on les autoriser à « rétablir » l’ordre avec des balles réelles face à des foules qui peuvent leur faire perdre leur sang-froid et leur formation, on ne peut, on ne devrait pas être absous, encore moins lavé de toute faute. Difficile de trouver un jury populaire qui ne prononcerait pas : « Coupable ! » au ministre dont dépend le tireur. Alors qu’on arrête cette sale campagne de culpabilisation des étudiants et qu’on sanctionne les vrais coupables. Au-delà des lampions.


Abdoul Aziz Diop