Opinion

Edito de Seneplus: Le sort de Khalifa-Par Momar Seyni Ndiaye


Lundi 4 Décembre 2017

Le spectre de la déchéance de ses responsabilités politiques plane - Lui ouvre-t-il les portes du Palais présidentiel ou celles du purgatoire? Question terriblement lancinante!


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Au rythme où vont les procédures, il n’y a aucune raison que Khalifa Sall en détention depuis mars échappe au destin  carcéral qui s’ouvre à lui. La levée de son immunité parlementaire,  dernier obstacle à cette issue malheureuse a été franchie au mépris de ses droits. Faute de n’avoir pu et aussi voulu se, défendre,  devant ses pairs, ne serait-ce que par voie épistolaire, sa seule armure parlementaire à été fendue à la faveur d’une majorité mécanique et numérique. Auparavant, le règlement intérieur de l’assemblée nationale, qui lui garantissait automatiquement un sursis des poursuites pour une liberté recouvrée, ne lui pas été appliqué.

Les nombreux recours actionnés par ses avocats, devant les instances juridictionnelles appropriées sont restées lettre morte.  

A moins que, comme annoncé par un des avocats du maire en détention, le Conseil Constitutionnel, chargé du contrôle de la légalité des lois soit saisi et exige le respect intégral du règlement intérieur de l’assemblée nationale. L’espoir est bien mince, car la possibilité des Sages de donner un avis ou une décision sur l’application d’une disposition interne au parlement est sujette à caution selon certains spécialistes du droit constitutionnel. Il ne faut pas espérer pour entreprendre, dit-on. Et s’il n’y avait qu’une once d’espoir pour exploiter cette faille, les conseils de Khalifa aux recours si infructueux n’hésiteraient pas à s’e, emparer.

Et pour ne rien arranger, le Procureur  de la République maître des poursuites vient de déposer son fameux réquisitoire à charge devant le doyen des juges. Il ne reste plus qu’à ses avocats de formuler leurs argumentaires de défense, pour déclencher l’instant fatidique de l’audience. Sans doute dans les meilleurs délais, sans qu’on puisse s’aventurer à fixer une date.

En effet, les avocats ont encore de petits délais de grâce pour échafauder d’autres recours dont on peut déjà deviner le sort. Ce même exercice pourra être renouvelé lors des audiences au cours desquelles, on peut bien imaginer que les conseils de Khalifa vont envoyer une pluie de recours en nullité à la lumière des dysfonctionnements et autres manquements constatés lors des étapes précédentes.

Khalifa et ses codétenus n’auraient plus qu’à s’accrocher à un juge d’instruction, qui décelant des irrégularités dans  les  procédures, proclame une mise en liberté conditionnelle. Ou alors, divine surprise, un non-lieu. Sans doute un juge des libertés  indépendant aurait, comme prévu dans les réformes judiciaires, pu mettre les filtres nécessaires, pour proposer l’arrêt des poursuites contre le Maire de Dakar, faute de charges suffisantes et accablantes. On en est encore loin.

L’audience reste donc la seule issue en vue, après cet imbroglio politico-judiciaire, derrière lequel pourraient se cacher d’autres batailles de procédures. Neuf mois après son incarcération, le maire de Dakar n’est toujours pas fixé sur son sort. Si l’on avait suivi l’ancien Ministre de la Justice, Sidiki Kaba, les dés étaient dejà jetés depuis, car le temps du procès serait raccourci, puisque l’étape de la levée de l’immunité parlementaire serait sautée.

Grave erreur, vite rectifiée par son successeur, qui, selon les avocats de la défense, s’en est mêlé les pinceaux en annonçant prématurément la perspective du procès, avant même que le Doyen des juges n’ait été saisi. Tout cela dénote d’un réel empressement à envoyer le maire de Dakar devant ses juges.

Sans doute l’acharnement avec lequel l’opposition avait voulu empêcher vaille que vaille la tenue d’un procès, ressemble à bien des égards à une licence faite à une personnalité politique mise en cause pour des actes d’une extrême gravité. Il se dégage une désagréable sensation que tout est fait pour le soustraire du devoir de reddition. Chose d’autant plus inadmissible que le prévenu est un candidat déclaré à l’élection présidentielle de 2019. La primauté des droits du maire est essentielle, mais faire obstruction à la justice constitue à cet égard une caution à l’impunité des hommes politiques.

Le devoir d’exemplarité, le haut niveau exigence de  la part d’un présidentiable, sont assurément aussi importants que le respect de ses droits. Et le maire devrait le premier exiger de passer devant le juge pour tenter de laver les graves soupçons qui pèsent sur lui comme en attestent les chefs d’accusation. Le risque est grand pour Khalifa, car il peut tout perdre dans ce procès, qu’il aura tant fait pour l’éviter : la mairie, sa députation, ses droits civiques et politiques, son honorabilité, en plus des rigueurs carcérales. Mais il aurait pu comme Wade en 1993, Abdoul Aziz Tall, Ibrahima Gaye, Khady Diagne entre autres en 2003 croiser  lors des audiences un juge courageux et professionnel, pour lui accorder un salutaire non-lieu.

Le spectre de la déchéance de ses responsabilités politiques plane. Lui ouvre-t-il les portes du Palais présidentiel ou celles du purgatoire ? Question terriblement lancinante !


Abdoul Aziz Diop