Opinion

Chronique : Coupable indifférence : Les «Sall» corvées !


Lundi 16 Janvier 2017

Parce que ce ne sont pas des membres de l’Apr, on a laissé la justice «faire son travail», on a laissé des procureurs se compromettre dans le but d’assouvir les caprices d’un Prince prêt à réduire au silence toute velléité de résistance. L’indifférence du président Macky Sall devant la tragédie qui se joue sur le théâtre socialiste, est coupable. Complice à tous les niveaux.


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Des affaires internes au Parti socialiste (Ps), on est passé à une vitesse supérieure, à une affaire d’Etat qui dénote de l’état de pourrissement avancé de la société sénégalaise, de la bassesse du niveau de ses hommes politiques si prompts à exercer une influence sur les membres de la «Mackystrature». La justice sénégalaise, celle de Macky Sall devrait-on dire, s’est mêlée de ce qui ne la regarde pas, alors qu’elle devait, en toute impartialité, refuser d’être le bras armé d’un chef de parti-Etat qui, en quatre ans, aura réussi une prouesse : celle de réduire à sa plus faible expression, une opposition prise entre le marteau de la corruption et l’enclume de l’intimidation.
A ce jeu, l’actuel président de la République est très doué. Souvent sous-estimé par ses adversaires qui, à la veille de la présidentielle de 2012, étaient incapables de voir en lui un challenger sérieux, encore moins un héritier futur d’Abdoulaye Wade. De ce dernier Macky Sall a hérité des qualités, mais surtout des tares lorsque la patrie tout à l’inverse du slogan, se noie dans le parti. Dans ce feuilleton socialiste au casting raté, il cherche à neutraliser des adversaires politiques sans pour autant se salir les mains. Dorénavant, les formations politiques alliées du pouvoir, en contrepartie des positions de privilège dont elles bénéficient, se chargent elles-mêmes d’exécuter la corvée, d’éliminer en leur sein les «ennemies intimes» d’un exécutif qui entretient leurs chefs financièrement, donc les tient en laisse. Si ces alliés ne s’exécutent pas, l’argent de la corruption, à défaut l’intimation, auront souvent raison de ceux parmi eux qui monnaient leur ralliement. C’est ainsi que le parti-Etat a fait souffler sur les bords du Rewmi, un vent de rébellion destructeur, une dislocation encouragée par l’inaccessibilité et la gestion quasi-solitaire d’un chef perçu toutefois comme l’opposant le plus redoutable du fait de sa capacité de nuisance. Victime d’une politique de débauchage de ses militants, de la transhumance de ses figures les plus emblématiques grassement rétribuées en termes de privilèges, une fois le ralliement effectif. Rewmi dépeuplé, pari réussi. Ce fut ensuite au tour de l’Alliance des forces de progrès (Afp), contrainte de geler ses ambitions présidentielles dans le fleuve Apr, occasionnant les départs, sinon l’exclusion de ses voix discordantes qui refusent toute compromission avec le pouvoir. Il en est de même pour la formation politique de l’ancien président Abdoulaye Wade, la première d’ailleurs à être pendue à un croc de boucher. Acharnement inédit, traque sans répit, levée d’immunité parlementaire, convocations tous azimuts, emprisonnements, débauchage-transhumance, tout y passe dans un Pds passé du sommet de la gloire aux tréfonds de la décadence, s’agitant énergiquement dans les eaux troubles de l’opposition.
Mais pour y parvenir, il aura fallu la collaboration d’une police politique aux ordres, et de députés aux ordres qui revendiquent leurs relations incestueuses avec le parti au pouvoir. Des parlementaires qui crachent sur leur indépendance quand il s’agit de défendre les plus faibles devant la machine à détruire d’un pouvoir répressif à tout niveau. Sur la route cahoteuse des législatives de 2017 et de la présidentielle de 2019, le pouvoir n’a pas fini de marcher sur des «cadavres politiques» encombrants, socialistes, progressistes, libéraux ou autres, qu’il envisage d’enterrer tous dans une fosse commune.
Mieux qu'Abdoulaye Wade, Macky Sall, faut-il le reconnaître, a théorisé et réussi la dislocation programmée des partis politiques représentatifs, aujourd’hui en proie à un émiettement de leur électorat. Il a fait de Moustapha Niasse et d’Ousmane Tanor Dieng les bourreaux passifs de l’Afp et du Ps. Le Ps justement, devenu le théâtre d’une scène de violence où les acteurs s’entre-tuent, sous le regard complice et très intéressé d’un président à l’indifférence coupable. C'est donc une lapalissade de dire que si Khalifa, Bamba et Cie avaient accepté d’être des «Wilane» de Macky, ni Tanor ni les «mackystrats» n’auraient besoin de se salir les mains pour exécuter les «Sall» corvées.

ABDOUL KADER Ba