Connectez-vous
Opinion

Cette nébuleuse affaire de 7 milliards ne relève d’aucun secret d’État


Vendredi 9 Décembre 2011

Le candidat Idrissa Seck invite son homologue Macky Sall à la transparence. Oui, c’est bien de cela qu’il s’agit : Idrissa Seck invitant, non pas seulement son rival libéral, mais tous nos compatriotes qui ont eu à gérer des finances publiques à rendre compte de leur gestion. Ma position sans équivoque par rapport à M. Seck en général et à sa candidature en particulier est connue. Cependant, j’approuve son initiative même si, il l’imagine bien, je ne m’arrêterai pas en si bon chemin.


Cette nébuleuse affaire de 7 milliards ne relève d’aucun secret d’État

J’ai été l’un des premiers, peut-être le premier à avoir interpellé l’ancien Premier ministre Macky Sall sur ces fameux 7 milliards de francs Cfa, que le président Wade aurait donnés au gouvernement du Sénégal. On se souvient de ce fameux communiqué du Conseil des Ministres du 5 janvier 2006. Il portait à notre connaissance que le président de la République a informé ledit Conseil « avoir reçu d’un ami un don personnel de 6 milliards de francs Cfa », don qu’il « a décidé de réinvestir dans les secteurs sociaux ». Quelques jours plus tard, le Premier Ministre de l’époque, Macky Sall, organise une cérémonie de « remise d’attestations » à un certain nombre de ministres gérant des secteurs sociaux. Je restais sceptique face à cette cérémonie que je considérais plutôt comme une mise en scène destinée à nous jeter encore la poudre aux yeux. Je ne croyais pas un seul instant que les 6 milliards aient franchi les frontières nationales et été distribués à qui que ce fût. Á la décharge donc de l’ancien Premier ministre Macky Sall, il a bien distribué de l’argent à des ministres. Dans une contribution publiée à « L’AS » du vendredi 25 novembre 2011, son ancien proche collaborateur et actuel membre du Directoire politique de l’Apr Diène Farba Sarr écrit : « (…) Le débat sur les 7 milliards de Taïwan est maintenant clos car des arguments pertinents ont été déjà fournis. Je suis le mieux placé pour le dire car c’est moi-même qui ai remis les chèques aux Ministères qui avaient bénéficié de ces fonds après l’arbitrage du Premier Ministre suite à un conseil ministériel instruit à cet effet par le président de la République (…). »



La cause est donc entendue surtout si on fait état d’un autre témoignage de poids, celui de Djibo Ka. Invité à l’émission « Grand Jury » de la Rfm du dimanche 20 novembre 2011, M. Ka reconnaît bien faire partie des ministres qui ont bénéficié du « généreux don ». Il se fait plus précis en affirmant avoir reçu « 400 millions et quelques » avec lesquels il a acheté 9 camions frigorifiques. Il était alors Ministre d’État, Ministre de l’Économie maritime.



La question que je me suis posée très tôt a donc trouvé réponse : les fameux 6 milliards annoncés en Conseil des Ministres du 5 décembre 2006, sûrement le reliquat des 15 millions de dollars de Taïwan,  sont bien arrivés au Sénégal. J’y reviendrai d’ailleurs. En attendant, sous quelle forme les milliards sont-ils arrivés au pays ? Où ont-il été logés ? Si c’est dans une banque, laquelle ? Quels sont les ministres qui en ont bénéficié ? Combien ont-ils reçu chacun et quels projets sociaux ont-ils réalisés avec ? Quelles preuves peuvent-ils en donner ?



Le ministre Djibo Ka affirme avoir reçu 400 millions et quelques. C’est vague, 400 millions et quelques ! Combien a-t-il reçu exactement ? Il affirme aussi avoir acheté neuf (9) camions frigorifiques avec ses 400, 420, 450 millions, peut-être plus ! Dans quelles conditions a-t-il acheté ces camions ? Après un appel d’offres ou à la suite d’un marché de gré à gré ? Á quel coût l’unité et à quelles personnes physiques ou morales les a-t-il distribués ? Tous les ministres qui ont bénéficié du « généreux don » doivent répondre impérativement à toutes ces questions-là.



Pour revenir à M. Ka, l’homme du 14 mars 2000, il nous renvoie aux archives pour vérifier ! Quelles archives ? Si les fameux 6 milliards avaient été gérés conformément aux lois et règlements en vigueur, les archives auraient été bien en bonne place dans les services du Ministère de l’Économie et des Finances, notamment au Trésor public, aux services des engagements, dans des banques bien connues, etc.



M. Ka a osé  qualifier de transparente cette gestion singulière. L’homme a été sans désemparer ministre du 2 janvier 1981 au 15 mars 1995. Il sait parfaitement que cette gestion rocambolesque ne pouvait se faire ni sous Senghor, ni sous Diouf, ni dans aucun autre pays où les gouvernants ont tant soit peu de respect pour les gouvernés. M. Ka est allé jusqu’à qualifier Me Wade de président transparent. Je ne m’appesantirai vraiment pas sur cette affirmation manifestement mensongère, que seul l’homme du 14 mars 2000 est capable de faire sans sourcilier, dans une émission aussi bien écoutée que « Le Grand Jury » de la Rfm.



Pour ce qui est de l’origine des 6 milliards « généreusement donnés » par le président Wade, elle relève du secret de Polichinelle. Tout le monde sait qu’il s’agit du reliquat des 15 millions de dollars de Taïwan. Monsieur Mamadou Oumar Ndiaye, directeur de l’Hebdomadaire « Le Témoin » a expliqué, étape après étape, comment ces 15 millions ont été négociés «  pour le financement de projets sociaux au Sénégal », par-dessus la tête du Ministère de l’Économie et des Finances, qui n’a fait que signer, quand le processus est arrivé à son terme. M. Ndiaye a également expliqué, preuves irréfutables à l’appui, le rôle privilégié que le sulfureux conseiller du président Wade, l’apatride Pierre Aïm  a joué dans cette affaire. Je renvoie le lecteur intéressé à deux textes importants publiés par le talentueux journaliste, qui confond tous les délinquants ayant trempé dans cette honteuse affaire. Je les ai repris in extenso dans mon dernier livre et largement commentés. Le premier texte, intitulé « Comment de l’argent destiné au Sénégal s’est retrouvé dans un compte privé à Chypre ? », a été repris par « Nettali.com » le 16 décembre 2006. L’autre, « Le scandale des fonds taïwanais (suite) », a été également repris par « Nettali.com » du 26 décembre 2006.



M. Ndiaye a reproduit la lettre du président Wade à son homologue chinois Chen Shui-Bian. Cette lettre, en date du 3 décembre 2004, donnait carte blanche au sulfureux conseiller spécial Pierre Aïm. Dans la lettre, le président transparent (Djibo Ka dixit) écrit notamment : « (…) J’ai également instruit mon Emissaire en lui conférant les pleins pouvoirs à l’effet de négocier, dans tous ses aspects, le Nouvel Accord Quinquennal de Coopération entre la République de Chine et la République du Sénégal. Je vous remercie de bien vouloir recevoir mon Emissaire et Vous prie d’accorder foi et créance à tout ce qu’il Vous dira de ma part (…). »



S’agissant des négociations sur le Nouvel Accord Quinquennal entre Taïwan et le Sénégal auquel le chef de l’État fait allusion dans sa lettre, M. Ndiaye en retrace avec précision les principales étapes que voici :



  • Le 28 septembre 2004, M. Salif Bâ, ancien ministre et ancien directeur général du Pcrpe, envoie une nouvelle proposition à l’ambassadeur de Taïwan à Dakar, M. Huang.
  • Du 29 novembre au 3 décembre 2004, le ministre Cheikh Tidiane Sy effectue une visite à Taïwan.
  • Du 14 au 17 décembre 2004, M. Pierre Aïm, Conseiller Spécial du président Wade, effectue sa première mission à Taïwan pour la  ?Mission Spéciale?.
  • Le 17 janvier 2005, rencontre de M. Pierre Aïm avec M. Bruno Shen, 1er conseiller de l’ambassade de Taïwan à Dakar.
  • Le 14 février 2005 : Discussion sur la distribution de l’aide aux nouveaux Projets de Coopération entre M. El Hadj Diouf du Pcrpe et M. Bruno Shen de l’ambassade de Taïwan à Dakar.
  • Le 17 mars 2005 : Signature du Nouvel Accord Quinquennal par le ministre des Finances, M. Abdoulaye Diop, et l’ambassadeur Huang à Dakar.
  • Du 22 au 23 mars 2005 : 2e visite de M. Pierre Aïm à Taïwan, pour la ?Mission Spéciale?.
  • Le 27 juin 2005, un premier virement de 5 000 000 de dollars Us tombe dans le compte bancaire de Fitem Entreprises, ouvert à la société Générale de Nicosie, à Chypre.

Le journaliste Ndiaye précise que deux autres virements du même montant chacun suivront et que M. Pierre Aïm avait reçu une somme d’un million de dollars, soit 500 millions de francs cfa, représentant la rémunération de sa ?prestation de service et conseil? dans les relations entre la Chine et le Sénégal.



Le lecteur se rendra compte, en se reportant aux deux textes de M. Ndiaye dont je viens de donner quelques extraits, que le président Wade y était carrément accusé de détournements de fonds publics « destinés à la réalisation de projets sociaux au Sénégal » et s’étonnera de son silence assourdissant alors que, pour peu, il menaçait des citoyens de plainte, envoyait d’autres à la Dic ou en prison. Messieurs Mame Less Camara, Moustapha Niasse et Abdourahim Agne ne me démentiront pas.



On le constate donc, cet argent a été négocié par des gens non habilités. Quand le fruit est mûr, le président de la République donne carte blanche à son sulfureux  conseiller spécial. Quelque temps après, l’affaire gravissime est oubliée et on passe à d’autres scandales, puisque les Sénégalais donnent l’impression de n’avoir plus de mémoire, ni de capacité d’indignation : ils sont prêts à tout oublier et à avaler toutes les couleuvres du monde. Heureusement, des circonstances imprévues vont mettre la puce à l’oreille de certains journalistes et observateurs. D’abord, on se souvient que le Sénégal avait sans crier gare rompu ses relations diplomatiques avec Taïwan, pour renouer avec la République populaire de Chine. La visite du Ministre sénégalais des Affaires étrangères à son homologue chinois fut sanctionnée par un communiqué officiel où le Sénégal reconnaît Taïwan comme faisant partie intégrante de la Chine continentale. Les Taïwanais, qui n’avaient pas encore définitivement quitté notre pays n’ont pas, naturellement, apprécié ce retournement soudain et cette ingratitude du Sénégal. On raconte que c’est à ce moment-là que l’idée leur est venue de vendre la mèche des fameux 15 millions de dollars. Avec les révélations des journalistes et principalement de Mamadou Oumar Ndiaye, le président Wade prend peur et annonce son fameux don. Personne n’est donc dupe : il s’agit bien du reliquat des 15 millions de dollars de Taïwan.



Cette affaire mérite d’être éclaircie, comme de nombreuses autres. L’ancien Premier ministre, Macky Sall, qui n’était quand même pas un comptable public, est très attendu sur ce terrain. Le secret d’État n’a rien à faire dans cette affaire : il s’agit de notre argent et nous avons le droit d’en connaître les tenants et les aboutissants. Il en est de même de toutes les autres affaires qui ont jalonné la gouvernance des Wade comme la gestion des fonds spéciaux du président de la République qui ont alimenté la fortune d’Idrissa Seck – c’est lui-même qui l’a publiquement reconnu –, « Le Protocole de Reubeusse » dont personne ne nous fera avaler que c’est une affaire qui relève d’accusations gratuites, les milliards de l’Anoci, le montage financier du Monument dit de la Renaissance africaine, les milliards engloutis par le Fesman, etc. Le candidat Idrissa Seck en particulier nous doit des explications sur bien des affaires, lui qui appelle à la transparence. Qu’il cesse surtout de nous opposer ses non-lieux ! Être blanchi dans ce pays ne prouve rien !



La presse annonce une autre candidature : celle de Djibril Ngom. Celui-là nous devra, lui aussi, des explications sur sa gestion des Industries chimiques du Sénégal (Ics), cet ancien fleuron de notre industrie qui se débat aujourd’hui dans mille difficultés.



Pour ce qui me concerne en tout cas, je ne voterai, le 26 février 2111, pour aucun candidat, pour aucune candidate qui traîne des antécédents sérieux de mauvaise gestion. Cinquante deux (52) ans après l’indépendance de notre pays, nous n’avons jamais goûté aux fruits de la transparence gouvernementale. Il est temps, grand temps que notre pays soit enfin gouverné autrement, par les plus compétents et les plus vertueux d’entre nous !
Dakar, le 4 décembre 2011



Mody Niang, e-mail : modyniang@arc.sn


La Rédaction



1.Posté par jaco le 09/12/2011 05:01
toi la tu es un mecontent apparemment, tu ne fais que du denigrement. jai pratiquement lu toutes tes contributions mais il n y a rien de positif. Alors arrete de nous fatiguer et va te presenter si tu es clean. Espece de asshole; pas de couilles pas de gloire

2.Posté par amadou le 09/12/2011 13:15
Voilà des sénégalais dignes qui doivent servir d'exemple, le texte est clair. Tous les autres candidats doivent demander des comptes à ces gens, c'est trop facile de voler de l'argent et de se déclarer candidat à l'élection présidentielle

3.Posté par faye le 09/12/2011 13:20
C'est vraiment clair mais je ne vois pas en quoi Macky est concerné, il faut demander des comptes à Wade sur la provenance. Macky a expliqué et assume sa destination

Nouveau commentaire :
Facebook

Senxibar | SenArchive | Sen Tv | Flash actualité - Dernière minute | Politique | Société | Economie | Culture | Sport | Chronique | Faits Divers | Opinion | International | Sciences et Santé | Médias | Ils l'avaient dit | Emploi | Ramadan | Perdu de vue | Echos du tribunal | A la une | Achaud | resultats2012 | JOB | Theatre