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Annexion de territoires en Cisjordanie : le plan des Palestiniens pour faire reculer Israël


Jeudi 11 Juin 2020

Un manifestant brandit un drapeau palestinien devant les forces israéliennes lors d'une manifestation contre le plan d'annexion de certaines parties de la Cisjordanie occupée, près de Tulkarem, le 5 juin 2020.


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Fragilisée par le plan de paix "historique" de Donald Trump, l’Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas essaye de mobiliser la communauté internationale contre le projet du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu d'annexer un tiers de la Cisjordanie occupée. C'est dans ce contexte que les Palestiniens ont lancé, mardi, une contre-offensive diplomatique, combinée à une suspension de la coopération sécuritaire avec l'État hébreu.  

Le temps presse pour les Palestiniens, alors que le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu  a promis de lancer, le 1er juillet, le processus d’annexion de larges portions de la Cisjordanie occupée, en particulier les blocs de colonies juives et la vallée du Jourdain. 

Une initiative unilatérale, perçue dans les Territoires palestiniens comme "une menace existentielle pour [leur] avenir", qui fragmenterait un peu plus une Cisjordanie morcelée, et qui scellerait la fin de la solution des deux États, à laquelle s’accrochent toujours l’Autorité palestinienne (AP)

Alors que leur marge de manœuvre semble limitée, les responsables palestiniens cherchent à mobiliser la communauté internationale. "Il s’agit de remettre la question palestinienne en première page de l’agenda international, accaparé par le coronavirus, pour contrecarrer les plans de Netanyahu", explique à France 24 une source diplomatique palestinienne à France 24, sous couvert d'anonymat.   

Des plans israéliens qui s'inscrivent dans la logique du "plan de paix" présenté par Donald Trump fin janvier, qui, outre l’annexion de la vallée du Jourdain, comprend également la création d’un État palestinien démilitarisé sur un territoire limité et non contigu, et sans Jérusalem-Est pour capitale.   

 

"L’AP n’a pas beaucoup d’options pour se faire entendre au moment où le monde arabe et la communauté internationale se tiennent à l’écart de ce dossier", résume dans une chronique  Marwan Muasher, vice-président à la fondation Carnegie pour la paix internationale. 

"Une coalition internationale contre l'annexion" 
 

C’est dans ce contexte que la contre-offensive diplomatique palestinienne a été lancée, mardi 9 juin, par le Premier ministre Mohammed Shtayyeh, avec l’annonce de la transmission d’une "contre-proposition" au plan américain pour le Proche-Orient au Quartette composé de l’Union européenne (UE), de l’Onu, de la Russie et des États-Unis, proposant la création d'un "État palestinien souverain, indépendant et démilitarisé".  

De son côté, le secrétaire général de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), Saëb Erakat, a précisé mardi qu'il avait rencontré des représentants de la Russie, de l'Union européenne (UE) et de l'ONU pour discuter du projet d'annexion. Il leur a également remis une lettre du président de l'AP Mahmoud Abbas "exigeant la formation d'une coalition internationale contre l'annexion et une réunion de tous les pays qui s'y opposent".  

Ayant rompu, début février, "toutes leurs relations" avec Washington, après l’annonce du plan de paix "historique" du président Donald Trump, et constatant que les principales puissances arabes ne donnent plus la primauté à la question palestinienne comme par le passé, l'AP concentre ses efforts en direction des Européens. L’UE, premiers partenaire commercial d’Israël, a ouvertement exprimé son opposition au plan d’annexion, et demandé au gouvernement israélien d'y renoncer.   

Mais les Palestiniens en demandent plus et appellent l'UE à prendre des mesures "sérieuses et pratiques" pour faire face à l'annexion, en imposant des sanctions à l’État hébreu, sur le modèle des sanctions infligées à la Russie après l’annexion de la Crimée en 2014. "Pour la première fois, les alliés politiques européens discutent de 

sanctions contre Israël", a assuré mardi le Premier ministre palestinien Mohammed Shtayyeh, disant souhaiter qu'"Israël ressente la pression internationale".   

L’AP milite également en faveur d’une reconnaissance par l’UE de l'État de Palestine aux frontières de 1967, avec Jérusalem-Est comme capitale, afin d'empêcher le gouvernement Netanyahu, d’annexer des pans d’un État souverain et internationalement reconnu.   

Le 20 mai, le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian avait indiqué que les Européens travaillaient "pour une action commune de prévention et éventuellement de riposte si d’aventure cette décision d’annexion était prise". Dans les médias palestiniens, le  scepticisme domine concernant les chances que les membres d’une UE, complètement mise à l’écart du dossier israélo-palestinien par une administration Trump omniprésente, de parvenir à s’accorder sur une riposte commune et sur d’éventuelles sanctions.  

"Nous savons qu’il ne faut pas s’attendre à une déflagration diplomatique de la part des Européens qui sont divisés sur la manière de traiter avec Israël, mais nous attendons un geste significatif fort comme la reconnaissance de la Palestine, car cela permettra vraiment de compliquer le processus d’annexion", confie la source palestinienne précitée.  

La carte sécuritaire 

Ne misant pas uniquement sur la pression internationale pour faire céder le gouvernement israélien, les Palestiniens tentent également de faire pression localement sur le gouvernement israélien. C’est dans cet objectif que, le président Mahmoud Abbas a mis ses menaces maintes fois répétées  à exécution en annonçant, 

le 20 mai, ne plus être lié par les accords signés avec Israël et les États-Unis, en protestation contre le projet d'annexion de Benjamin Netanyahu.   

Estimant qu’Israël a violé le droit international, ainsi que tous les accords signés avec l’AP, il a jugé que les Palestiniens n'étaient plus liés par ces accords, y compris ceux relatifs à la sécurité, un sujet sensible aux yeux des Israéliens, pour lesquels la coopération sécuritaire est essentiel pour le contrôle sur la Cisjordanie occupée.  

"Il n’y a eu aucune coopération sécuritaire israélo-palestinienne, à aucun niveau", a confirmé le premier ministre Mohamed Shtayyeh, lors d’une conférence de presse à Ramallah, mardi 9 juin.  

"Cette stratégie est une manière de tirer la sonnette d’alarme, non seulement en direction d’Israël, mais aussi de la communauté internationale, et de remettre la question des droits des Palestiniens et l’occupation sur le devant de la scène", souligne de son côté Marwan Muasher. 

En Israël, les médias rapportent qu’en coulisses, un certain nombre de responsables sécuritaires israéliens, en poste ou à la retraite, s'opposent à l'annexion en général, et en particulier en tant que mesure unilatérale, redoutant des répercussions sur le terrain, voire même un effondrement de l’Autorité palestinienne qui plongerait le territoire dans le chaos.   

"Il faut que les Israéliens renoncent à l’annexion, c’est la condition pour que la coopération reprenne comme avant. S’ils vont au bout de leur projet, ils devront alors assumer aux yeux du monde qu’ils sont redevenus une puissance occupante sur l'ensemble de la Cisjordanie", conclut la source diplomatique palestinienne. 


aadkr