Abdoulaye Wade sort ainsi par la petite porte, sans gloire et sans les honneurs. Il aurait pu se réserver un autre destin. Depuis plus de trois ans, des personnes qui ne lui voudraient que du bien s’échinaient à lui faire comprendre qu’il n’avait pas à être candidat à la Présidentielle de 2012 ; que ce serait l’élection de trop. Au-delà de la question de l’irrecevabilité constitutionnelle de sa candidature, son âge ne l’autorisait plus à demander le suffrage de ses concitoyens. Est-il concevable dans un Etat moderne qu’un vieux grabataire, aspire à diriger une population composée à plus de 65% de jeunes de moins de vingt cinq ans ? Abdoulaye Wade a vécu dans une tour d’ivoire. Il a perdu toute idée de la réalité que vivent ses concitoyens. Pendant que la plupart des familles n’ont pas plus d’un repas par jour, pendant que tous les organismes de coopération alertaient sur la famine qui menace encore son pays précisant que 850 mille personnes dont 150 mille à Dakar et dans sa banlieue sont menacées de famine, Abdoulaye Wade continuait de brandir des chiffres faisant croire à une autosuffisance alimentaire et un accroissement du revenu per capita. Quand des «impertinents» lui faisaient remarquer que la présence à ses côtés de son fils et de sa fille dans la gestion des affaires publiques était désastreuse pour son image et la perception que les Sénégalais auront de sa gouvernance, Abdoulaye Wade se sentait obligé de vanter sur toutes les tribunes le génie de Karim Wade. Les aéroports Mohamed V de Casablanca ou Le Bourget de Paris seront-ils assez grands pour accueillir le jet privé de Karim Wade ?
Tout a joué contre Abdoulaye Wade et tout le donnait perdant. Il était le seul à croire après le premier tour qu’il pouvait arriver à renverser les tendances du choix des Sénégalais. Ceux qui le lui faisaient croire lui pompaient simplement son argent. L’argent distribué à tous les visiteurs du jour, du soir et du petit matin n’a servi à rien. La Coalition Fal2012 n’a pas empêché le parfait report de vote des électeurs des autres candidats malheureux au premier tour. Les opérations d’achat de consciences se sont révélées être un coup d’épée dans l’eau. Abdoulaye Wade qui espérait mobiliser les abstentionnistes du premier tour pour coiffer Macky Sall au poteau a aussi échoué dans son pari. Les électeurs se sont déplacés au même rythme entre les deux tours du scrutin avec un taux de participation de l’ordre de 52%. Abdoulaye Wade doit être déçu lui qui croyait à la vague déferlante des thiantacounes de Cheikh Bethio Thioune. Le soutien acquis au prix fort s’est révélé infructueux. Abdoulaye Wade a eu le grand mérite de nous révéler la véritable nature de nos chefs religieux. Ils sont aussi faillibles que nous autres disciples.
Il était écrit que Abdoulaye Wade devait perdre et de façon pitoyable. Il a mené une campagne de second tour bien désastreuse. Quelle mouche l’avait piqué pour insulter la mémoire des soldats tombés sur le champ d’honneur en Casamance en mission de défense de l’intégrité territoriale ? En effet, le chef suprême des armées n’a pas eu de scrupule pour dire à la face du monde qu’il nourrissait et en conséquence il donnait des forces aux rebelles qui ont pris les armes contre la Nation. Les militaires se sont sentis insultés. A beau chasser le naturel, il revient au galop. Abdoulaye Wade a toujours fait montre d’un mauvais caractère d’homme irascible et vindicatif. N’est-ce pas lui qui décida de bloquer l’aide à la presse en 2006 au motif qu’il ne donnerait pas de l’argent à des journaux qui l’insultent. L’argent public, voté et inscrit dans le budget de l’Etat était sa propriété. La même logique l’a guidé pour qu’il menaçât les populations du Fouta de représailles, de leur prendre les projets en cours car elles voteraient pour Macky Sall. Comment un chef d’Etat sortant, qui a dirigé son pays pendant douze ans avec, sans discontinuité, «le meilleur ministre des Finances d’Afrique» peut-il se réveiller un beau jour pour annoncer à ses concitoyens que s’il perdait l’élection son successeur ne paierait pas les salaires des fonctionnaires à la fin du mois ? Un aveu d’échec ne peut être plus retentissant. Pourtant, à son arrivée au pouvoir en 2000, Abdoulaye Wade se disait publiquement surpris de la bonne santé financière dans laquelle il avait trouvé les comptes de l’Etat avec plus de 200 milliards de francs Cfa en liquidités et des financements bouclés pour des projets à hauteur de 1000 milliards. Abdoulaye Wade a assurément fait moins que Abdou Diouf sur cette question. Il se faisait un point d’honneur de ne pas faire moins que son prédécesseur. Il a tenu parole. Vu l’ampleur de la défaite, il n’a pas hésité dès la soirée d’hier, après une entrevue avec les chefs d’Etat major de l’Armée et de la gendarmerie, d’appeler son rival pour le féliciter. Abdoulaye Wade a gouverné avec une arrogance non dissimulée et il se faisait entourer de personnes à la langue pendue. Quelle sera ce matin la tête des Aïda Mbodji, Iba Der Thiam, Serigne Mbacké Ndiaye, Farba Senghor, Mouhamed Massaly, Aliou Sow, Bara Gaye, etc. ?
Faut dire néanmoins que le combat entre Macky Sall et Abdoulaye Wade était inégal. Corneille disait que «vaincre sans péril on triomphe sans gloire». Les électeurs ont plus sanctionné Abdoulaye Wade qu’ils n’ont adhéré à un projet proposé par Macky Sall.
