Traite des noirs en Libye: Un appel à l'action- Par Alymana Bathily

La vidéo diffusée par CNN le 14 novembre dernier et reprise par les télévisions et les médias sociaux de par le monde a suscité émotion et révolte partout, particulièrement en Afrique et dans les diasporas noires. Il faut pourtant aller au-delà de l’émotion et s’attaquer aux racines du scandale. D’autant plus qu’il s’agit visiblement d’un phénomène ancien qui a été amplement documenté bien avant la vidéo de CNN.

Le Monde Afrique dans sa livraison du 7 Septembre 2011 faisait état déjà de « témoignages et rapports de Human Rights Watch » sur des «  centaines de civils tués ou torturés en raison de leur couleur de peau ».

Dans un rapport publié le 11 Avril 2017, l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM) révélait qu’un “un nombre croissant de migrants transitant par la Libye sont vendus sur des « marchés aux esclaves » avant d’être soumis au travail forcé ou à l’exploitation sexuelle.”

Dans ce rapport, des migrants Sénégalais, Nigérians, Gambiens et Ghanéens indiquaient  “avoir été achetés et revendus dans des garages et des parkings de la ville de Sabha, localité du sud de la Libye par laquelle passent de nombreux candidats à l’exil”. L’OIM précisait même que les esclaves étaient achetés entre 200 à 300 dollars pour  deux à trois mois.

Ce sont les Etats africains, « d’Afrique subsaharienne », qui sont responsables en tout premier lieu de ce scandale. C’est leur faillite provoquée par la patrimonialisation des ressources par des élites corrompues qui explique leur incapacité à fournir à leurs jeunesses éducation et emploi et force ainsi ceux ci à la  migration.

Une étude de la Banque africaine de développement (BAD), le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), la Commission économique pour l’Afrique (CEA) et l’Organisation de coopération et de développement économiques des pays industrialisés (OCDE) indique que plus de 70% des 200 millions d’Africains âgés de 14 à 24 ans, vivent au dessous du seuil de pauvreté, avec moins de deux dollars par jours.

L’autre cause de la nouvelle traite des Nègres à laquelle il convient de s’attaquer c’est le militarisme  de la France et de l’Europe en Afrique.

C’est l’intervention militaire de la France et de l’OTAN contre le régime du Colonel Mouammar Kadhafi qui a déstabilisé la Libye et favorisé la prolifération des milices qui contrôlent les trafics de migrants et organisent les marchés d’esclaves.
Il y’a ensuite le honteux deal que la Commission de l’Union Européenne d’une part et le gouvernement de l’Italie d’autre part ont conclu avec

Il y’a d’abord le rôle de l’Europe : son action criminelle à travers l’OTAN contre le régime puis le deal de la Commission de l’Union Européenne avec le soi disant Gouvernement Libyen d’Entente Nationale pour retenir les migrants dans des centres de détention tout en détournant pudiquement son regard  des atteintes flagrantes aux droits humains dont ils sont l’objet.

L’avènement de marché d’esclaves a aussi pour fondement le « racisme arabe ». Le racisme anti Noir, primaire, sans fard est en effet ordinaire, pas seulement en Libye mais aussi en Tunisie, en Algérie, au Maroc et en Egypte ainsi qu’en témoignait le Huffington Post dans son édition du 9 Septembre 2011.

« Les Noirs africains qui travaillent en Égypte, en Algérie et en Libye, racontent comment ils sont ridiculisés, publiquement et physiquement agressés » (The Huffington Post USA, « The Great Taboo : arab racism » Rebecca Tinsley, 9 septembre 2011).

Les mots couramment utilisés pour désigner une personne noire sont « abd » (esclave), ou « kahlouch » (nègre) ou encore « qird » (singe) qui est souvent associée au sida ou à l'ebola.

Au Maroc, le magazine Maroc Hebdo s’alarmait en 2012 du «  péril noir » ce qui explique l’attaque à la machette dont des migrants « subsahariens » ont été victimes à Tanger le 29 août 2014. Bilan : une personne égorgée et 14 blessés graves. En Algérie où on assiste régulièrement à de véritables « chasse à l’homme noir » (selon l’expression de la télévision française France24) à l’issue desquelles des centaines de migrants ont été sauvagement battus et jetés dans le désert .

Ceci avec l’assentiment même des organisations locales des « droits de l’homme » (Croissant Rouge et Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme). En Égypte, ainsi que l’a rapporté Jeune Afrique, « des affrontements de quatre jours ont fait à Assouan 26 morts le 29 avril 2014.

C’est donc tout à la fois contre la faillite des Etats Africains et leur incapacité a assurer l’épanouissement de la jeunesse, contre  le militarisme de la France et de l’Europe en Afrique et contre le racisme éhonté des Arabes qu’il faut agir pour endiguer le néo esclavagisme qui s’est manifesté en Libye et offrir des perspectives heureuses à la jeunesse du continent.
Comment ? Par l’information. Par le plaidoyer. Par l’action politique dans chaque pays pour l’avènement de régimes attachés à la bonne gouvernance et engagés en faveur au développement économique et social.

En interpellant publiquement les Etats Arabes auprès des instances africaines dont ils se veulent membres, la CEDEAO et l’Union Africaine, et auprès de toutes les instances internationales. En leur opposant la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples.