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Société

TRIBULATIONS ARACHIDIÈRES: LE MAUVAIS MAAFÉ DE SA RONDEUR


Jeudi 13 Février 2014

Les producteurs d’arachide vivent un cauchemar et le disent par la voix du Conseil national de concertation et de coopération des ruraux (Cncr), la plateforme paysanne du Sénégal. 700.000 tonnes de graines leur restent sur les bras. Les huiliers refusent d’acheter le kilo à 200 francs, prix fixé par le Comité national interprofessionnel de l’Arachide (Cnia). 130 francs étant le juste prix, marché de Rotterdam oblige, estime la Suneor en particulier. Après «les bons impayés» du président Wade, nous voilà aux «graines invendues» de Sa Rondeur, le digne disciple.


Le président du Cncr Samba Guèye, face à l’épouvantable situation, engage Sa Rondeur à «prendre ses responsabilités» et revenir à la concertation avec les producteurs. Bonne invite, mais la barre semble trop haut placée pour un régime aveuglé par le succès de la première campagne de commercialisation du «quinquennat agricole» ; lors duquel le kg d’arachide était acheté 300 voire 350 francs, du jamais vu au Sénégal. Sa Rondeur et les siens au lieu de tirer les conclusions idoines de cette  exceptionnelle flambée du marché, revendiquent le succès fou, chantant en chœur : «Barigo 30.000 francs / Pour la première fois/Grâce à Yoonnu Yokkuté/Daat saay !». Mais foin de bêtises ! Ces messieurs semblent tout ignorer des fluctuations du marché et de ses conséquences pas toujours heureuses ; à moins que l’arachide soit le cadet de leurs soucis. Cela est d’autant plus impardonnable que Sa Rondeur est né à Fatick, au cœur du Bassin arachidier, une année (1961-1962) bénie où la production atteint 994 750 tonnes (Ndlr : en 2013-2014, la production est (sur)estimée à 710.000 tonnes).

 En réalité, voilà ce qui s’est passé l’an dernier. Sa Rondeur arrive au pouvoir et, hop, le prix du kilo d’arachide passe de 165 à 190 francs. Démagogie ? En tout cas, les huiliers ne suivent pas, mais la production est achetée par le marché parallèle, les «Chinois» qui ont bon dos.

Mais le vent, c’est prévisible, tourne : le marché de Rotterdam évolue à la baisse et point de «Chinois». Les huiliers n’achètent pas à 200 francs, le marché parallèle paye difficilement 150 francs, et les braves producteurs trinquent. Que faire alors ?

Sa Rondeur regarde faire paresseusement avant de mettre en place un Comité de réflexion et d’action, inexistant. Pour se faire une religion. Pourtant Premier ministre de Wade, il est tôt confronté à l’équation de l’arachide, problématique autant économique que politique. Le pauvre semblant un peu perdu, une piqûre de rappel s’avère nécessaire. Son prédécesseur résolvait l’équation par les subventions. En 2006 par exemple, la puissante Suneor payait 105 francs/kg au producteur et 135 francs en 2007. Et l’Etat, le président Wade donc, comblait le gap pour maintenir le prix à 150 francs le kilo, tout en sachant que le prix de l’huilier jurait avec les cours du marché mondial. Malgré ce privilège exorbitant et incompréhensible, la Suneor n’atteint pas ses prévisions d’achat, 200.000 tonnes. C’était inévitable : elle achetait à 150 francs, alors que le marché parallèle payait 200 francs. Mais cela ne dérangeait pas la bienheureuse Suneor. Elle fait son beurre avec les subventions - 5 milliards pour les semences, 9 milliards pour le prix au producteur - et la vente d’huile végétale importée qu’elle conditionne et vend, impunément, à son prix.

Pour dire le vrai, rien de ce qui est arachide n’est étranger à Sa Rondeur. Il en connaît toutes les convulsions. N’était-il pas PM du président Wade, en février 2006, lorsque le représentant-résident de la Banque Mondiale Madani Tall rappelait à l’Etat qu’il s‘était engagé à lever la protection sur l’arachide qu’assuraient les taxes sur les importations d’huile végétale - moyennant 45 milliards de la BM pour combler le manque à gagner ? L’Etat n’ayant pas respecté ses engagements, la BM est entrée dans une colère noire. Soit il respectait les engagements, soit il remboursait les 45 milliards sur le champ. Le gouvernement Sall, obéissant en diable, a plié et passé la loi de levée à l’Assemblée nationale. Madani Tall faisait remarquer dans la foulée que le kilo d’arachide pouvait être acheté à 200 francs au lieu de 150 francs. Il invitait ainsi l’Etat du Sénégal à se pencher sur la structure des prix de la Suneor. Mais il n’y a pas pire sourd que celui qui ne veut pas entendre …

L’ancien Pm de Wade en sait plus sur la question capitale de la relance de la filière arachide, la superstructure en la matière. Il doit connaître par cœur La Lettre de Politique de Développement de la Filière Arachide parue en mai 2003, signée par le ministre des Finances Abdoulaye Diop et le ministre de l’Agriculture Habib Sy. Le document, agréé et salué par tous les acteurs, ne laisse en plan aucune question. Mais les libéraux n’aiment pas l’arachide et tiennent un seul des six engagements solennellement pris : la privatisation de la Sonacos - de la manière scandaleuse qu’on sait.

Pire, l’ancien Pm de Wade s’est trouvé dans une situation des plus inconfortables à cause de l’arachide. Un beau matin de cet an 2006, à la surprise générale, E. Blanco, représentant de l’Union européenne, réclame 3 milliards 200 millions à l’Etat du Sénégal. Le pactole devant servir à la relance de la filière arachide s’était perdu en cours de route. Honteux détournement de destination. Le Pm Sall avouait, contraint et forcé, que la moitié de l’enveloppe - 1 milliard 600 millions - avait été utilisée par son prédécesseur Idrissa Seck pour payer les «bons impayés» ! Une promesse imprudente faite lors de sa Déclaration de politique générale. Quant à la seconde moitié de l’enveloppe, il n’en savait trop rien …  Ah le bon vieux temps du «jel bou ki, soul bou ki», l’art de boucher les trous quoi !

Au bout de toutes ses tribulations arachidières, Sa Rondeur devrait, fort de son expérience arachidière, surmonter la crise. Mais la partie n’est pas facile en cet an de grâce 2014. Les subventions ? Il n’en est pas question, dès lors que Sa Rondeur, docile, accepte le corset des institutions de Bretton Woods. Revenir sur la privatisation de la Sonacos ? Trop compliqué et Abbas Jaber fait peur et représente des intérêts français. Alors que fait Sa Rondeur face au casse-tête qui le met en mal avec le monde rural ? Au bout d’un mois de tergiversations (Ndlr : la campagne a démarré le 09 décembre 2013), une solution de sortie de crise est trouvée : les huiliers acceptent d’acheter le kg d’arachide à 200 francs et l’Etat réveille le Fonds de soutien, appelé à combler leurs pertes éventuelles. Cela est fort curieux car le Cnia avait proposé le recours au Fonds dès l’instant ou Suneor avait refusé le prix de 200 francs. On peut légitimement se demander à quel jeu joue Sa Rondeur avec notre arachide…

Maintenant, il suffit. Sa Rondeur doit faire preuve de sérieux et s’attaquer aux questions essentielles de l’agriculture sénégalaise, le prix du kilo d’arachide n’étant que l’arbre qui cache la forêt : partenariat Etat/Organisations de producteurs, politique agricole concertée, La Lettre de Politique de Développement de la Filière Arachide, Loi d’orientation agro - sylvo - pastorale (Loasp), réforme foncière, souveraineté alimentaire, définition des rôles et responsabilités des acteurs du développement. Charitable pour terminer, donnons un bon conseil à Sa Rondeur : éviter de servir un mauvais «maafé» aux ruraux. Ils n’aiment et surtout ne digèrent pas, particulièrement en veille d’échéances électorales.

SENEPLUS




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