Partis politiques : « Financement » de la corruption ? Par Ababacar Fall-Barros

Mardi 19 Avril 2016

« (…) C’est la première fois dans l’histoire des sociétés qu’on est arrivé à une perversion dans l’usage des concepts.(…) Tout un type de discours s’est mis en œuvre, particulièrement dans les médias, qui dépouille chaque concept de son contenu pour mieux accrocher: noir devient blanc, blanc devient noir et chaque mot a son sens et le sens inverse. Cela installe dans la logique du consommateur que rien n’a de sens »



(Robert De Vleechouwer, Professeur Honoraire à l’Université de Bruxelles, in Alinéa 3 Ed. Epo 1993). 
A peine on a fini d’entendre les répétiteurs de slogans sur la corruption, qu’une Ong américaine en villégiature, en Afrique, se préoccupant semble t-il de démocratie, vienne actionner des « consultants » et autres porteurs de voix, pour nous convaincre de la nécessité de financer les partis politiques sénégalais. Et ceci nous dit-on, sur la base d’un sondage peu crédible. Selon ce sondage, « 66% de la population (laquelle ?) 56% des partis politiques (tous intéressés par le fromage) et 53 % de la société civile (tout aussi intéressée, du fait du phénomène des vases communicants) auraient donné un avis favorable sur le financement des partis ». (Cf. L’Actuel du 16/12/04). Et c’est crédible !!! 
Sur cette base on fait le tour des stations FM, des rédactions des quotidiens, avant d’organiser à grande pompe, un séminaire pour convaincre. Mais crédibilité pour crédibilité, nous signalons qu’un célèbre auditeur « Diouf Normal », a, au cours d’une non moins célèbre émission interactive, qualifié cette enquête de « Faux enquête ». La question que tout citoyen sérieux se pose est que, est-il normal dans le contexte de nos Ppte (Pays pauvres très endettés), de poser même le principe de financer les partis politiques ? Si on sait que cela aura pour finalité que de pérenniser la corruption politique dans notre pays. Et il est navrant de constater que des hommes qui claironnent partout leur appartenance à la gauche, se mettent à quatre au service des officines qui sont loin de se préoccuper de la démocratie ou de nous procurer que du bien. 
Tout le monde sait que la mission de la plupart de ces Ong en vadrouille en Afrique, c’est plutôt de corrompre les consciences et tous les corps constitués dans ces pays qui veulent se défaire de la tutelle colonialiste. Comment un homme sérieux dans le contexte politique de nos pays ou la corruption règne en maître, ose t-il parler de financer les partis politiques dont le nombre n’a fait qu’augmenter depuis le jour il a été question de leur financement ? Et la question lancinante à laquelle on n’a pas répondu, c’est au nom de quoi on devrait financer les partis politiques ? (cf. Pencoo n° 14 mai-juillet 2004) (1). Il faut être tout de même audacieux à ce point, pour demander aux contribuables sénégalais qui se plaignent de la carence, du dysfonctionnement des services publics, de financer des partis qui ont pour doctrine : renier leurs principes et programmes à tout bout de champ contre strapontins. Devrait-on financer des partis qui enseignent l’art de pratiquer la transhumance, non pas à ses militants, mais à ses cadres les plus en vue ? 
Au nom de quoi devrait-on financer des partis qui envoient à l’Assemblée Nationale des absentéistes, des dormeurs ( et de vrais, au sens figuré et propre ), des députés qui ne peuvent pas faire la différence entre crédits budgétaires et Trésorerie ? Pourquoi financer des partis qui ne remplissent plus leurs obligations vis à vis de leurs militants et vis à vis de la loi et du règlement. Quel est le partis qui tient régulièrement congrès, organise régulièrement des séminaires, journées d’études pour ses militants, discute de son propre budget ? Quelque chose de tabou dans la plupart des partis politiques. Il paraîtrait que certains de ces partis sont si minuscules, inoffensifs pour les services de renseignement que le Ministère de l’Intérieur à des difficultés pour les localiser ou ne se donne même pas la peine pour se faire. 
A la vérité l’engagement citoyen a déserté les partis au profit des théories fumeuses du néolibéralisme ressassées à chaque coin de rue : la croissance, la compétitivité, lutte contre la pauvreté (un aveu qui consacre la faillite du système neo-libéral). El Haj Momar Samb a assurément bien raison de parler, au cours de l’émission du 14/12/04, « d’arriération politique » incroyable, face à ces gens, ces « économistes-consultants » qui prennent les sénégalais pour des demeurés. 
Au lieu de prendre le taureau par les cornes et oser lutter de façon conséquente pour changer l’ordre établi, ils versent dans la facilité, moyennant on ne sait, quelle libéralité. 
Changer l’ordre établi, c’est substituer le mandat parlementaire à l’indemnité de session qui était en vigueur au moment de la loi-Cadre en 1956. L’instauration de cette indemnité pourrait constituer un test permettant de savoir concrètement ceux qui sont au service des populations ou non. Surtout si l’on sait que le mandat parlementaire a contribué à pervertir dès l’indépendance, les mœurs politiques dans notre pays. Ce qui est sûr, c’est que cette agitation autour du financement des partis peut paraître suspect à quelques encablures des élections législatives et de la présidentielle, de 2006 et 2007. Car à l’arrivée, cela ne profitera qu’aux grands partis traditionnels, bénéficiant déjà de critères de sélection sur mesure et aux partis « mouvanciers », qui des pris des longueurs par rapport à ce financement. Alors qui l’on veut tromper ? En tout cas, sur cette question présentement, seuls le RTAS et le Jëj-Jël ont une position de principe élaborée, concernant cette indemnité de session. 
Changer l’ordre établi, c’est travailler à refondre la loi relative au régime des partis politiques, pour en repréciser leurs obligations et devoirs et accentuer un contrôle approprié par rapport à ces obligations et devoirs. Etant donné que les partis concourent à l’expression des suffrages des citoyens, selon les dispositions de la loi fondamentale, il ne serait à la limite concevable, sous réserve de la satisfaction de certaines obligations, que de leur accorder des exonérations et l’accès à des structures de services publics dans le cadre de l’éducation et de la formation civique de leurs membres. 
Nous pensons que quiconque à le souci de travailler pour le changement des mœurs politiques devrait initier un débat national et œuvrer dans ce sens. Et de ce point de vue, nous ne nous lasserons jamais de nous préoccuper du comportement de certains de nos intellectuels, qui incapables de sublimer, cette valeur cardinale nationale qu’est le « Jomb-Jomb », cette retenue, ce refus de faire dans la forfaiture, la concussion, le mensonge ( Jomb naako waxx, jomb naako déf), sont prêts pour « une poignée de dollars » (pour reprendre Le professeur Kane le fil, à se mettre « au service de l’exploiteur contre son peuple », en racontant, à travers fora et séminaires, des sornettes, des théories, les plus saugrenues les unes les autres. 
En tant que consommateur et au nom du droit à une information juste et vraie, nous aurions aimé que ces gens cessent de nous « importuner » et aillent se « bronzer » plutôt de l’autre coté de l’Atlantique, vers Tubab Jalaaw, Ngaparu ou Ngéxoox, avec leurs effets dolosifs, au lieu de continuer à vouloir nous berner bêtement. 

Dakar le 21 décembre 2004 
Ababacar Fall-Barros 
Membre fondateur de AJ/Mrdn, 
membre du SEP de Aj/Pads
 

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(1) Cette contribution date du 21 décembre 2004. On remarquera que nos craintes se sont confirmées. En ce sens que les partis politiques ont explosés (250),dès lors qu’il a été question de ‘’financement’’. 
Les plus perspicaces remarqueront que le journal (Pencoo n° 14 mai-juillet 2004), dont nous faisons référence, est l'organe du parti Rtas, de notre ex-ami politique, El Hadji Momar Samb. 
Pour ce qui est du sort de cette contribution, nous rappelons simplement, ce que disait un de nos concitoyens : ‘’ Senegaal mook Onu noo yam, ku fa amul bomb, kenn du la degglu (Au Sénégal, c’est comme aux Nations Unies, celui qui ne détient pas la bombe( la bombe atomique s’entend), n’est jamais écouté. Ce qui n'est pas vrai dans l'absolu. 
Le compatriote répondait à un de ses amis qui le taquinait en disant : ‘’Mais votre président (c’était Diouf), quand il prononçait son discours aux Nations Unies (et c’était vrai !), les gens dormaient, personne ne l’écoutait ! ’’. 
Nous penons, qu’avec le contexte, ça ne sera pas le cas. Nous invitons les citoyens à porter haut, le Débat. 
Abdoul Aziz Diop