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PAIX EN CASAMANCE, OMERTA DES FACTIONS, MANŒUVRES EN COULISSES… Les terribles révélations de Kamougué Diatta


Mardi 16 Août 2011

Après s’être emmuré dans un mutisme…bavard, cet ancien chef du maquis rompt enfin le silence. En effet, nous avons pu dénicher Kamougué Diatta, pour ne pas le nommer, de son terrier, quelque part dans…Dakar. Et, le ci-devant ex lieutenant de Sidy Badji, qui dit « vivoter dans la capitale Sénégalaise » de passer à table. Ses révélations sont pour le moins renversantes.


PAIX EN CASAMANCE, OMERTA DES FACTIONS, MANŒUVRES EN COULISSES…  Les terribles révélations de Kamougué Diatta
Comment vous présentez-vous à nos lecteurs ?
Je me nomme Souhaïbou Kamougué Diatta. Je suis de la région sud. Et en termes succincts, je suis un artisan de la paix en Casamance, à l’image de bon nombre de Casamançais.
 
Pourquoi avez-vous donc intégré le maquis ?
C’est une vieille histoire. (Hésitations) J’ai intégré le mouvement alors que je n’avais que 26 ans. C’était un jour du mois de novembre 1986. Des forces de l’ordre ont  fait une descente chez moi, à Ziguinchor, au quartier de Boucott Sud. Eh bien ! Figurez-vous que ces hommes venaient pour arrêter mon oncle maternel, Ousmane Goudiaby, sous prétexte qu’il serait un élément actif du MFDC, alors qu’il n’en était rien. Mon oncle étant absent de la maison. Ils s’en sont alors pris à tous les garçons présents, dont moi-même. Ils nous ont passés à tabac. Ils nous ont maltraités et torturés horriblement.
 
Pourquoi vous ont-ils traités de la sorte si, pour vous prendre au mot, ils étaient à la recherche de votre oncle ?
En fait, ces hommes (gendarmes ou policiers, je ne sais pas) voulaient que nous dénoncions mon oncle pour conforter leur accusation. Ce que nous ne pouvions pas faire, parce que nous ne lui connaissions aucune activité délictueuse, ou irrédentiste. C’est donc, en ce moment-là que j’ai commencé à m’interroger  sur ce mouvement et à m’y intéresser alors que je ne savais rien du MFDC. Mais c’est aussi à partir de là que je me suis interrogé sur mon statut de citoyen sénégalais : « Suis-je vraiment Sénégalais ? » Si je suis alors Sénégalais, pourquoi ceux qui sont censés me protéger et me défendre en tant que citoyen sénégalais me font-ils tant de mal, et si gratuitement ? N’ayant trouvé aucune réponse à cette question, alors que les forces de l’ordre continuent de sévir partout en Casamance, je décide, d’abord, de m’enfuir pour sauver ma peau. Ensuite j’ai continué à chercher des réponses à mes questionnements pour pouvoir en fin de compte décider de la conduite à tenir. J’ai alors pris une résolution : soit je suis réellement un  citoyen sénégalais ; auquel cas j’intègre l’armée nationale, avec comme objectif, de prendre ma revanche à terme contre ces bourreaux. Soit je ne le suis pas,  je prends le maquis pour me défendre et par ricochet défendre les miens.
 
Et qu’avez-vous fait par la suite ?
Je suis allé à la rencontre de compatriotes qui avaient déjà pris le maquis. A la suite de nos discussions, ils  m’ont convaincu de la non-sénégalité de la Casamance. Sans hésiter, je les ai rejoints dans le maquis, précisément à Bathiour dans l’arrondissement de Niassya, un jour de novembre 1986. Le combattant Kamougué est né depuis ce jour-là.
 
Parlez-nous de vos premières classes dans le maquis, notamment les circonstances dans lesquelles vous avez fait la connaissance de Sidy Badji, pour en devenir le second couteau ?
J’ai débuté  à Bathiour aux côtés, entre autres, de Sidy BADJI (fondateur du maquis), Ousmane Koubalosso SAMBOU, Youssouph Diassoua BADJI, Salif SADIO, Maurice Adiokhane DIATTA. A la fin de ma formation militaire, très rapidement le vieux Sidy BADJI, devenu Chef d’Etat-major, m’a choisi parmi ses meilleurs éléments. J’ai été successivement moniteur-formateur, chef de section, commandant de compagnie, chef de bataillon doublé de chargé de mission du Chef d’Etat-major, avant de devenir officiellement N°2 du maquis (ce que j’étais de fait depuis bien longtemps).
 
En tant que Numéro 2 du maquis, en quoi consistait votre  mission ?
J’avais trois responsabilités. D’abord militaire, car en tant que premier assistant de Sidy BADJI, j’étais chargé principalement de la formation et de l’élaboration de la stratégie et de la tactique. Ma deuxième tâche était politique, c’est-à-dire que j’étais préposé pour la  sensibilisation, l’information et la restitution de nos résultats militaires auprès des populations (aucun coin de la Casamance n’avait été négligé à cet effet). Enfin, je devais m’occuper de la question, ô combien importante de la diplomatie.  A titre illustratif, j’ai à mon actif les tout  premiers contacts avec les autorités bissau-guinéennes. Mon objectif était alors de « vendre » partout où besoin était la Cause du MFDC à la Communauté Internationale. Mais, j’ai aussi     particulièrement contribué à nouer des relations en Gambie, dans le même but que précédemment. Ce sont ces contacts qui ont grandement participé au processus de la rencontre de Cacheu, en Guinée Bissau.
 
Voulez-vous revenir sur cette fameuse rencontre de Cacheu en Guinée Bissau ?
Au terme de mes nombreuses entrevues avec le Consul Général de Guinée Bissau à Ziguinchor, Son Excellence Anono Dacounia, assisté de Monsieur Louis Correa (actuel Consul Général à Ziguinchor), j’ai été introduit grâce à leur intermédiaire  auprès des services du Président de la République de Guinée Bissau, Son Excellence Joao Bernardo VIERA dit Nino. A noter que toutes mes rencontres avec le Consul Général de Guinée Bissau à Ziguinchor ont eu lieu au Consulat même. C’est alors que le Président Nino a dépêché auprès de moi son Ministre de la Défense, Monsieur Samba Lamine Mané. Suite à cette mission du Ministre bissau-guinéen de la Défense, le Président Nino s’est résolu à prendre langue avec son homologue sénégalais, le Président Abdou Diouf, à Dakar. Ce qui a abouti au principe d’assises et à leur organisation effective à Cacheu, en Guinée Bissau, du 15 au 17 avril 1992.
 
Et, qui avaient pris part à cette fameuse rencontre ?
Etaient présentes à ces Assises de Cacheu trois délégations représentant respectivement l’état de Guinée Bissau, l’état du Sénégal et le maquis.
Pour la Guinée Bissau, il y avait Samba Lamine Mané (Ministre de la Défense, chef de délégation), John Monteiro (Directeur Général de la Sûreté Nationale), Colonel Sandji Faty Insa Mahatma Diandy (Ambassadeur de Guinée Bissau en Allemagne), Madame Satou Camara (Gouverneur de Cacheu, actuel Ministre de l’Intérieur),…
Dans la deuxième délégation, on notait le Général Doudou Diop (chef de délégation), Robert Sagna (Ministre), Colonel Mamadou Niang (promu plus tard Général), Toto Sarr (Commissaire de police), … Et dans notre délégation, il y avait les cadres casamançais tels que Marcel Bassène (Député, chef de délégation), Laye Diop Diatta (Député), Me Kaoussou Kaba Bodian (Avocat), Me Térence Senghor (Avocat), …
 
Qui figuraient dans votre délégation, celle du MFDC ?
 Il y avait feu Abbé Diamacoune Senghor (Chef de délégation), Sidy Badji, Léopold Sagna, Maurice Adiokhane Diatta Abdoulaye Diedhiou, Salif Sadio, Youssouph Diassoua Badji, Ismaïla Magne Diémé, Bertrand Diamacoune, Bacary Djimpa, Ousmane Coubalosso Sambou, Ahmeth Mahary Diatta, Yaya Bacamboula Diedhiou, Jean-Marie Tendeng, Abdou Latif Aidara, Faye Badji, Ibrahima Bassène, Albert Djambrousse Manga, Souaïbou Kamaougué Diatta.
Quel était l’objectif de ses fameuses assises de Cacheu ?
 
En fait, cela consistait d’abord à consacrer l’unification du MFDC, mais aussi et surtout à formaliser l’organe de décision du MFDC, qui se composait alors comme suit : Président, Abbé Augustin Diamacoune SENGHOR ; 1er Vice-président, Sidy Badji ; 2ème Vice-président, Léopold Sagna ; Secrétaire Général Adjoint, Maurice Adiokhane DIATTA ; Secrétaire Général, moi-même ; Directeur Politique, Abdou Latif AIDARA. Il y avait également Abdoulaye DIEDHIOU, Youssouph Diassoua BADJI, entre autres membres. Il fallait confirmer  et consolider l’accord de cessez-le-feu de mai 1991, mais aussi se mettre d’accord sur le principe de négociation entre l’Etat et le MFDC.
 
Mais, apparemment la situation végète en ce sens que les choses ont empiré dans la région méridionale ?
 
Depuis lors, il s’est passé beaucoup de choses. Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts, comme on dit. C’est ce qui  explique d’ailleurs le fait que j’accepte de  briser le silence. Cette guerre n’a que trop duré et cela  a entraîné trop de morts et de désolation pour la verte Casamance. Je voudrais le dire de manière ramassée, ici, mais directement et sans langue de bois. L’expérience de la lutte du MFDC a révélé que le simple fait de revendiquer l’indépendance de la Casamance était un acte de guerre, selon le point de vue du pouvoir central ; ce qui nous vaut cette guerre qui dure depuis trois décennies. En trente ans de lutte armée, nous ne sommes pas parvenus à arracher l’indépendance de la Casamance.
 
Que veulent donc  les Casamançais ?
 
Nous ne réclamons que la paix et plus de considération. Je veux dire par là que la Casamance est mal lotie, eu égard à ce que l’on voit dans le Nord du Sénégal. Nous sommes défavorisés et ne réclamons que l’équité. En outre,  j’ai pris, en son temps, la décision grave de quitter le maquis, tout en poursuivant la lutte, mais autrement, conformément à la seule volonté des Casamançais. Si les Casamançais ne veulent certainement pas se satisfaire simplement de ce qu’ils ont pu obtenir jusqu’à ce jour, ils ne veulent pas non plus se résoudre à supporter une guerre aux conséquences de plus en plus désastreuses. Par conséquent, entre ces deux extrêmes, je suis convaincu qu’il y a nécessairement une solution intermédiaire, plus apte à résoudre ce problème et qui ne nous vaudrait pas autant de morts. D’ailleurs, c’est en cela que j’ai apprécié, à leur juste valeur, les Assises Casamanço-Casamançaises pour la Paix Définitive en Casamance, tenues à Ziguinchor, du 1er septembre au 6 octobre 2002, sous les auspices de la Convention des Socio-Cultures de Casamance et du Médiateur à la Base, le Professeur Malamine KOUROUMA. Il est donc impératif que les deux parties en conflit trouvent une solution définitive à ce douloureux et épineux problème de la Casamance, conformément à cette seule et unique volonté de paix.
 
Concrètement que préconisez-vous pour une paix définitive ?
 
Bonne question ! Je reprends les propos d’un diplomate qui avait soutenu, concernant la rébellion, que  le cadre c’est le Sénégal, la serrure reste la Gambie et les clés se trouvent en Guinée Bissau. En d’autres termes, le problème casamançais n’est pas que casamançais ou sénégalais. Il est aussi, et tout autant, bissau-guinéen et gambien, donc sous-régional. Il a forcément une répercussion internationale et ne saurait être traité sans le concours de nos voisins proches et de toutes les bonnes volontés qui veulent une  paix définitive bâtie dans la vérité en Casamance. Voilà pourquoi nous pensons très sincèrement que toute négociation entre l’Etat central et le MFDC sans l’implication et l’apport de la  Gambie, de la Guinée Bissau et d’autres parties garantes comme la France,  est vouée à l’échec, ainsi que nous le constatons depuis presque trente ans déjà. Dans ce cadre,  la relance du processus de paix initiée le 26 décembre 1999 à Banjul, et qui a abouti aux accords dits de BANJUL I, II et III, sous les auspices de la Gambie et de la Guinée Bissau, serait notamment une base importante de redémarrage du processus de paix en Casamance. Une base de négociation. Sous ce rapport, il est plus que nécessaire que toutes les bonnes volontés au niveau national comme international, soient mises à contribution. La paix n’a pas de prix et je voudrais saisir l’occasion pour lancer un vibrant hommage au Président de la  République afin qu’une solution urgente soit trouvée.
 
Que répondez-vous à ceux qui soutiennent que le Maquis est devenu une armée mexicaine depuis le rappel à Dieu de l’Abbé Diamacoune, décrit de son vivant comme un régulateur social dans ce conflit qui n’a que trop que duré ?
 
Il est vrai que, depuis lors, il y a plusieurs factions, mais je vous dis, nous nous entendons comme larrons en foire. On communique jusqu’à présent. Et les gens doivent se poser bien des questions, notamment sur cette subite accalmie notée en Casamance. Je ne joue pas aux oiseaux de mauvais augure ; mais cela sent le roussi. Et, c’est en toute connaissance de cause que je dis que des choses se trament. Cela dit,  je dois à la vérité d’avouer que Salif Sadio reste l’une des pièces maitresses du Maquis.
Vous avez de ses nouvelles ?
 
Bien sûr ! Pas plus tard que ce matin nous avons communiqué et ne me demandez surtout pas sur quel sujet ! (Rires)
 
Qu’est ce qui explique votre présence à Dakar ?
 
En fait, j’ai été expulsé de la Gambie par le Président Gambien et, dans l’ordre normal des choses, je veux dire que d’un commun accord, l’Etat du Sénégal sur recommandation de M. le Président de la République, m’avait demandé d’être la courroie de transmission entre lui (ndlr l’Etat) et le maquis. Ils m’ont installé quelque part et depuis lors, je vous dis, je suis laissé pour compte. Je vis selon mes moyens, du moins selon le coup de pouce de mes parents du Sud établis à Dakar et ce, contrairement à ce qui a été convenu au préalable et je suis persuadé que Me Wade n’est pas au courant  de ma situation. Pour votre gouverne, j’ai eu l’insigne honneur d’être reçu à deux reprises par le chef de l’Etat (ndlr : Me Wade), mais contrairement à ce qui se dit, il ne m’a pas remis des millions. Il m’a demandé de l’aider à ce qu’une paix définitive soit trouvée. En tant qu’artisan de la paix en Casamance, je  lui ai donné mon accord et depuis lors je m’y attelle, sans m’attendre à des prébendes. Seulement, j’évolue dans des conditions on ne peut plus précaires. C’est le lieu d’éclairer sa lanterne. Il m’a été donné par la suite d’avoir une audience avec l’actuel Premier Ministre, qui m’a dit au cours de l’audience, il y a un an de cela : «Mais qui te gère ? » (Ndlr : financièrement parlant). Sans sourciller,  je lui ai répondu : « M. le Premier Ministre, personne ! » Il a rétorqué : « A partir de ce jour, j’en fais mon affaire ! » J’ai rigolé avant de lui dire : « C’est la énième fois que j’entends cette chanson, c’est un disque rayé ! » Avant de quitter son bureau, j’ai reçu de ses mains un million de francs CFA pour me rendre en Casamance et en Guinée Bissau dans le cadre de la mission de pacificateur. Je précise que ce n’est pas pour gagner des sous que j’ai accepté de me consacrer à cette tâche. Loin s’en faut. Mais je ne mérite pas ce bourbier dans lequel on m’a enlisé pour, je ne sais, quelle raison. Je vous dis, il y a des gens qui manœuvrent en coulisses, qui  ne veulent pas de cette paix tant convoitée en Casamance.
 
Qui sont-ils ?
 
Ils se reconnaîtront, mais par A ou B, le Président finira par découvrir la vérité.
 
Vous avez un dernier mot ?
 
Je dirai tout simplement que toutes les guerres se terminent inévitablement autour d’une table. Pour ainsi dire, il est plus qu’impérieux de s’asseoir autour d’une table, y compris les pays limitrophes sus-cités, pour enfin trouver une paix définitive. Mais cela, si et seulement si, l’Etat y aspire.
ENTRETIEN REALISÉ  PAR MOUSSA FALL

La Rédaction



1.Posté par per le 17/08/2011 07:56
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