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Opinion

Les lundis de Mandial:Le Sénégal entre bonnes et mauvaises mains


Mardi 10 Juillet 2012

Invité sur le plateau de Tv5 le 2 février 2012, Abdou Diouf, après force contritions a pu lâcher un laconique : «Je prie pour mon pays». Le Sénégal était en proie à des convulsions politiques violentes liées à la contestation par l’opposition de la candidature de Abdoulaye Wade à l’élection présidentielle. L’ancien Président Abdou Diouf n’a jamais voulu se prononcer sur le règne de son successeur à la tête du Sénégal. Il rappelait comme un leitmotiv : «Quand j’ai quitté le pouvoir, j’ai dit que plus jamais je ne m’exprimerai sur le Sénégal». Cette attitude pouvait être comprise car Abdou Diouf ne voulait pas donner l’impression d’être un aigri, ne voulait pas donner l’air de régler des comptes avec Ab doulaye Wade qui l’avait battu en 2000. Cette position tenait aussi longtemps qu’il demeurait un simple citoyen. Mais entre temps, Abdou Diouf a été élu secrétaire général de l’Organisation internationale de la Fran­cophonie (Oif).
Cette posture lui donnait l’autorité et le devoir de juger les actes de gouvernance dans tout l’espace francophone dont le Sénégal est membre à part entière. Abdou Diouf estimait devoir rappeler à l’ordre des Laurent Gbagbo et tous les autres despotes en délicatesse avec les questions de démocratie et de bonne gouvernance. Mais le successeur de Léopold Sédar Senghor semblait anesthésié par Abdoulaye Wade. Aucun acte de Me Wade ne semblait le déranger ou n’était pas suffisamment grave pour mériter une condamnation ou une désapprobation des instances de l’Oif. Le profil bas de Abdou Diouf était si manifeste qu’il s’était même interdit de faire observer l’élection présidentielle de 2012, la plus sanglante de l’histoire du Sénégal, alors que partout en Afrique et dans le monde francophone, Abdou Diouf jouait au gendarme du respect des institutions et principes démocratiques. Abdou Diouf a pleinement joué ce rôle pour appeler à ce qu’aucune concession ne soit faite au Président Tandja du Niger ou à Moussa Dadis Camara de Guinée par exemple. L’attitude de Abdou Diouf vis-à-vis du Sénégal dérangeait jusque dans son Cabinet de l’Oif sis au quai André Citroën à Paris.
Les Sénégalais trouvaient cette attitude des plus égoïstes car Abdou Diouf ne refusait pas pour autant les faveurs et autres largesses à son endroit et à l’endroit de sa famille faites par Abdoulaye Wade. Abdoulaye Wade et Viviane s’occupaient même de questions matrimoniales des enfants de Abdou Diouf. Les cadeaux princiers de la famille Wade donnés à Yacine Diouf lors de son mariage ou les quelques largesses et libéralités faites à Elisabeth à chacun de ses séjours au Sénégal n’ont jamais été refusées. Qui Abdou Diouf avait-il invité à la fête du mariage de sa fille à Paris ? Ce ne sont pas Ousmane Tanor Dieng ou les responsables du Parti socialiste mais plutôt la famille Wade représentée par Doudou Wade et Karim Wade. Mieux, Abdoulaye Wade continuait de garder pour Abdou Diouf un traitement d’ancien chef de l’Etat avec émoluments et garde rapprochée et autres avantages alors qu’il n’y devrait plus y avoir droit dès son élection à la tête de la Francophonie, une organisation à laquelle le Sénégal est membre et cotise au budget de fonctionnement. Le Sénégal paie deux gardes du corps, deux chauffeurs, deux véhicules et deux domestiques pour le couple Diouf à Paris au moment où l’Etat français assure une sécurité au Secrétaire général de l’Oif. La Francophonie lui affecte un véhicule et un chauffeur. Ne sont-ils pas alors superflus, le personnel domestique, la garde rapprochée et le parc automobile que le Sénégal continue de fournir pour le confort de la famille Diouf à Paris ? Placé dans une situation similaire, l’ancien chef de l’Etat français, Valérie Giscard d’Estaing, nommé pour présider une mission en vue de préparer une nouvelle convention pour l’Union européenne, avait vu ses émoluments et autres moyens de prise en charge en sa qualité d’ancien chef d’Etat, suspendus de 2002 à 2004.
Abdou Diouf n’a renoncé à rien de tout cela. Et pourtant, c’était un secret de polichinelle que Elisabeth ne voulait pas voir Me Wade même en dessin. D’ailleurs, le geste de Elisabeth Diouf qui avait oublié de prendre le bulletin de Abdoulaye Wade au second tour de la Présidentielle du 25 mars 2012 a été interprété par de nombreux familiers des Diouf comme étant l’extériorisation d’un profond sentiment de dégoût qui a toujours animé Mme Diouf à l’endroit du Président Wade. C’est dire que les voix qui taxaient Abdou Diouf d’une certaine hypocrisie ne sont guère exagérées. D’autres estimaient que Abdou Diouf qui avait, plus que tout le monde, pu mesurer la férocité de Abdoulaye Wade, éprouvait une peur bleue devant le personnage. Il a sans doute pu considérer que son successeur qui n’a pas eu de scrupule pour s’opposer à sa candidature à la tête de l’Oif, portée et finalement imposée par Jacques Chirac, ne se gênerait pas pour lui chercher des ennuis ou à sa famille après un règne de vingt ans au Sénégal.
Il reste que si on pouvait chercher à comprendre l’attitude d’Abdou Diouf à l’endroit de Wade, qui consistait à se garder de le dénigrer ou de lui faire la moindre critique en public, on comprend bien moins que le même Diouf ne se gêne pas du tout pour tisser des lauriers à Abdoulaye Wade. En 2005, au siège de l’Unesco à Paris, Abdou Diouf a loué, de façon dithyrambique, l’homme Abdoulaye Wade récipiendaire du prix Félix Houphouët-Boigny pour la paix.
Samedi dernier, en sortant d’un déjeuner avec Macky Sall à Paris, Abdou Diouf a eu le mot assassin ou mesquin que «le Sénégal est entre de bonnes mains» ! Sans doute, mais n’aurait-il pas été mieux de dire en son temps, que le Sénégal était entre de mauvaises mains.

LEQUOTIDIEN.SN





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