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Société

LIVRE SUR LA GENDARMERIE: WADE, MACKY, BÉCAYE DIOP... CITÉS DANS LE SCANDALE


Mardi 15 Juillet 2014

Le Tome 2, ‘’La mise à mort d’un officier’’, de l’ouvrage ‘’Pour l’honneur de la Gendarmerie sénégalaise’’, est une ruche grouillante de toutes sortes d’affaires obscures. Le Colonel Abdoulaye Aziz Ndaw mouille le Président Wade et son système (Lamine Faye, Bécaye Diop, etc.), pour avoir, écrit-il, fermé les yeux sur des pratiques dont il aurait eu connaissance...

C’est par le truchement des services parallèles de renseignements qu’une grosse affaire, qui va d’ailleurs précipiter le départ du Colonel Abdoulaye Aziz Ndaw de son poste de numéro deux, éclate au cœur de la Gendarmerie.

Le ministre des Forces armées à l’époque, Bécaye Diop au cœur de l’affaire, avait des comptes à régler avec le Général Abdoulaye Fall, Haut commandant de la Gendarmerie nationale. Ce dernier, selon l’ouvrage, avait procédé à un détournement d’objectif, suivi de détournements de fonds en affectant le budget prévu à la réfection des navires de l’armée à des marchés nébuleux.

Le Président, les généraux et le ministre

C’est le chef d’Etat-major général des Armées (Ndlr, l’autre Abdoulaye Fall) qui ‘’découvrit le virement illégitime du budget de réparations des navires vers la Gendarmerie’’. Conséquence : ‘’le Cemga mit tout son poids et ses services dans le retour des crédits volés aux Armées sans aucune raison pérenne’’.

Le bras de fer sera épique et le Palais en sera témoin. Le Colonel révèle en effet dans le Tome 2 de son ouvrage (P.164) que ‘’le Haut commandement de la Gendarmerie mobilisa ses agents de la Présidence et sollicita, après avoir bien travaillé ses complices de la Présidence, l’arbitrage du président de la République’’.

C’est alors que ‘’le Président convoqua une réunion des trois parties : ministre, Armée et Gendarmerie’’. Le Général Abdoulaye Fall d’expliquer, selon le compte rendu fait par le Colonel Ndaw, que ‘’ce budget, sans aucune raison apparente, avait été viré à la Gendarmerie pour des motifs erronés et inacceptables’’.

Bécaye Diop ‘’reconnaît’’ avoir détourné

La Gendarmerie évoque le plan Saleh (le milliardaire libanais) et le remboursement de dettes, pour se justifier. Le ministre Bécaye Diop est interpellé par le Président.

‘’Le président de la République demanda à Bécaye ce qu’il avait fait de ces crédits et pourquoi il avait mis fin, délibérément, à des programmes qu’il avait ordonnés, sans s’en référer à lui’’.

Le ministre est poussé jusqu’à ses derniers retranchements. ‘’Le Président l’engueula comme un poisson pourri, le menaça devant les explications tordues et indignes de ce ministre farfelu, incompétent et malhonnête.’’

Pour toute réponse, rapporte Abdoulaye Aziz Ndaw, ‘’Bécaye Diop expliqua au Président avoir gagné largement à Kolda pendant les élections présidentielles qui venaient de se passer, alors que son parti ne lui avait remis aucun sou. Il avait été obligé de recourir au Budget d’investissement pour mobiliser ses militants. L’argent avait servi à élire le Président Wade, selon ses dires, devant tous les généraux des Forces Armées’’.

Et la réaction du Président se passe... hors budget. Me Abdoulaye Wade, ‘’sans aucune forme de procès, décida de rembourser aux Armées lui-même, les crédits nécessaires à la réfection des unités navales’’.

Mais l’affaire ne s’en arrêtera pas là puisque Bécaye Diop ‘’en voulut au Général Haut commandant de la Gendarmerie’’ à qui il reprochait d’avoir ‘’tout manigancé pour le faire renvoyer de son poste de ministre des Forces Armées‘’.

‘’Il décida d’en finir avec le Général’’, écrit le colonel Ndaw. La méthode utilisée ne sera ‘’pas frontale’’. C’est alors le début d’un autre scandale qui va cette fois-ci mettre en scène Lamine Faye, à l’époque tout puissant maître du Palais.

Le piège des Renseignements parallèles...

‘’Bécaye rassembla pas mal de dossiers sales et d’accusation qu’il fit établir dans un document avec la complicité effective du colonel Loumboul Sy (...)’’. Et la suite : ‘’Lamine Faye, connaissant son grand-père, connaissant ses relations avec le Général de la Gendarmerie, surtout conscient de la couardise de ce dernier, décida, en complicité avec Baïla Wane, Directeur général de la LONASE, de faire chanter le Général’’.

C’est un document qui lui sera remis et 50 millions de francs Cfa lui seront réclamés. Deux individus sont envoyés en éclaireurs. ‘’Pris de panique à la lecture du document, le Général se décomposa et promit de payer (...) Il convoqua le Colonel Matar Sow son chef de cabinet et le commandant Moussa Fall pour leur exposer le chantage et les mettre à contribution pour trouver une solution.

‘’Moussa Fall, écrit Ndaw, le seul courageux du groupe, prit l’affaire en mains, attendit avec ses hommes de la Section de recherches les deux francs tireurs. Il les arrêta, les fit conduire à la Section de recherches où ils passèrent un sale quart d’heure, aux mains des plus grands tortionnaires de la Gendarmerie’’.

L’affaire remonta à la Présidence et le chef de l’Etat exigea des explications au Général Fall. On accusa alors le Colonel Ndaw d’avoir fait arrêter les deux hommes. Les documents disent ceci : ‘’le colonel Ndaw avait fait arrêter deux agents des services présidentiels, les avait fait torturer, avait fait incendier les locaux d’Insa Diallo et gardait toujours dans les locaux de la gendarmerie ces deux personnes’’.

Et cette remarque qui clôt la note : ‘’il avait réussi à détruire les documents compromettant le Premier ministre Macky Sall’’. Selon le colonel Ndaw, la stratégie déployée pour le couler voulait, dans le même temps, sceller le sort du Premier ministre de l’époque Macky Sall. Tout un programme.



GRÉ À GRÉ

Les vaches laitières brésiliennes et argentines

Un détournement d’objectif avec enrichissement personnel au bout. C’est l’accusation que porte le colonel Abdoulaye Aziz Ndaw à l’encontre du général Abdoulaye Fall. Avec l’accroissement des effectifs, le logement des gendarmes est un casse-tête pour le commandement.

En 2006, les spécialistes de la logistique à l’état-major, commandés alors par l’auteur qui était haut-commandant en second, lancent un plan : construction de celibatérium, réfection de logements dans les principales casernes de la gendarmerie mobile, couchages et matériels d’ameublement.

«Des commandes importantes de literie, matelas, sont faites en même temps que l’ouverture de marchés avec des entreprises de construction. Un bon jour, le tout-puissant général Fall vient tout remettre en cause et demande à son état-major «de prendre en compte d’urgence et toutes affaires cessantes un marché exceptionnel de maintien de l’ordre. Un marché de gré à gré, selon ses instructions, devait être immédiatement confectionné pour satisfaire ce besoin dans le budget 2006.

En spécialiste de la question, le colonel Ndaw explique que ce n’était pas là une priorité. Mais le général Fall tenait à ce marché. Il présente à son adjoint un de ses amis qui va réaliser l’affaire estimée à 500 millions de F Cfa. Le colonel Ndaw refuse.

« Je dus le voir plusieurs fois pour lui expliquer que ce marché n’était pas une priorité ; que la somme décidée mettait en cause tout ce qui avait été défini, et que, troisièmement, la société n’était même pas constituée pour bénéficier légalement du marché», raconte le colonel Abdoulaye Aziz Ndaw. Le général maintint ses ordres et le deal se déroula.

«Une avance de trésorerie fut faite, à l’insu de l’état-major sur les fonds Opex (Opérations extérieures) ou Frontex (lutte contre l’émigration clandestine) pour réaliser le marché. Certes, raconte l’auteur, une cérémonie de réception du matériel fut organisée à la caserne de la Lgi de Mbao : «quelques gendarmes habillés en vrais Robocop nous montraient l’équipement réalisé. Je fus surpris d’entendre le commandant de la Lgi dire ne pourvoir qu’un escadron avec l’équipement reçu...»

Tout ce matériel avait coûté 500 millions de F Cfa. L’auteur, citant le colonel Tine longtemps adjoint logistique et spécialiste de ces questions, estime que le matériel réceptionné ne valait pas plus de quelques dizaines de millions de F Cfa.

Quelques jours plus tard, le colonel Ndaw se fera inviter dans la ferme du général en compagnie de l’ami qui avait remporté le marché. Il découvre alors que son patron a lancé un programme d’acquisition de vaches laitières brésiliennes argentines, via la coopération du ministère de l’Elevage. Le marché spécial «Matériels de maintien de l’ordre devait permettre de rassembler les moyens financiers pour importer des vaches laitières d’Amérique du Sud», dénonce le colonel.



CORRUPTION

Les “caisses-brigade”, la preuve par mille...

Pourquoi la gendarmerie territoriale (les brigades disséminées à travers le territoire) est-elle courue ? Les révélations du colonel Ndaw font tomber des nues car jusqu’ici, la gendarmerie avait donné l’image de la rigueur et du respect de la déontologie.

Pour l’auteur, c’est après le départ du célèbre et respecté général Waly Faye que la corruption a commencé à prendre pied chez les hommes en bleu. Il décrit le général Gomis, son remplaçant, d’une discipline de fer, mais qui applique une discipline plus réfléchie et plus humaine.

Le suivant, le général Mamadou Diop, aussi, humaniste et généreux, préférait les causeries morales à la discipline de fer. Après, la machine va s’emballer... Le colonel Ndaw accuse :

«les officiers commençaient à acquérir des maisons de luxe, des voitures de luxe, et disposaient de moyens que leurs grands anciens n’avaient jamais pu faire valoir... Les hommes n’étaient pas en reste ; la gendarmerie délaissait ses missions traditionnelles pour se consacrer uniquement à la route. Les unités mobiles, légion d’intervention, comme légion de sécurité, étaient dégarnies au profit de la gendarmerie territoriale».

Selon l’auteur, «les gendarmes monnayaient, avec les officiers, leurs mutations dans les brigades». Il révèle que chaque gendarme qui montait en police de circulation était obligé d’alimenter une caisse dite de brigade, en y versant une somme déterminée au retour de mission. La caisse servait à rétribuer les différents échelons de commandement et, ensuite, le commandant de brigade, selon le grade, faisait le partage entre tout le personnel.

Ceux qui refusèrent le système furent affectés en unités mobiles ou en état-major. Plus grave, certains commandants d’unité ne reversaient pas au Trésor public l’argent des services rétribués de la gendarmerie à des sociétés comme la Sodefitex ou des institutions comme la Bceao.

Résultat, l’argent n’est plus versé dans le compte spécial ouvert à cet effet, «et les officiers, dans la plupart des cas, se l’accaparaient», accuse le colonel qui, on le rappelle, fut haut-commandant en second de la gendarmerie, entre 2006 et 2008. Jusqu’à son limogeage, avec ses soutiens, il dit avoir mené une politique hardie de lutte contre la corruption chez les hommes en bleu. Elle ne pouvait pas cesser ; mais elle se fait plus discrète...



MARCHÉ DES TENUES DE COMBAT

50 millions pour enrichir une protégée de Me Wade

Fête de l’indépendance 2006. La gendarmerie va défiler avec de nouvelles tenues. Ce sera le premier 04 avril du général Abdoulaye Fall en tant que patron des pandores. Les gendarmes entendaient marquer le coup lors de ce défilé car de nouvelles unités venaient de voir le jour et, surtout le nouveau boss devait en faire voir à la République. C’est ainsi que l’état-major fit suivre la procédure normale.

«Le colonel Cheikh Sène (approvisionnement) reçut les ordres adéquats pour régler dans l’urgence la réalisation des tenues définies par l’état-major », raconte le colonel Abdoulaye Aziz Ndaw dans un chapitre intitulé « Marché des tenues de combat ».

Des fournisseurs sont sollicités et les termes de références leur sont communiqués. Décembre 2005, le nommé Mansour Bousso, principal fournisseur de la gendarmerie, fut choisi en raison de la qualité proposée et le prix demandé, à savoir 25 000 F Cfa la tenue.

Toujours selon l’auteur, une commande ferme et irrévocable de 4 000 tenues bleues camouflées, 4 000 tenues bleues police et de 2 000 camouflées armées pour l’escadron blindé et les unités déployées en Casamance lui fut faite avec pour délai maximum de livraison le 31 janvier 2006. Bousso, l’attributaire du marché, se rend en France, passe une commande ferme, s’occupe des formalités douanières et assure que les tenues seront dans ses entrepôts avant le 15 janvier 2006.

C’est alors que le général Abdoulaye Fall appela son second, le colonel Abdoulaye Aziz Ndaw, dans son bureau, pour lui intimer l’ordre d’attribuer le marché à Mme Guèye, propriétaire de « Belle Dame Couture, et sur instruction personnelle du président Wade. Là, l’auteur n’accuse pas explicitement son ancien patron, mais il révèle les agissements de l’ancien président de la République.

Le général demande au colonel de recevoir la dame en question dans l’après-midi de leur entretien et de lui présenter des échantillons des tenues pour qu’elle puisse les réaliser. Malgré le fait que son second lui rappelle l’illégalité de l’octroi d’un marché déjà attribué à un autre fournisseur, le général maintient ses ordres.

« Il crut, à sa décharge, que le marché avait été attribué à ma sœur qui se nomme Bousso », pense l’auteur. Pour lui, « il se peut qu’il (le général) ait été induit en erreur volontairement sur la personne ayant obtenu le marché. Le hic, c’est que le premier attributaire, Bousso, avait fait breveter par son fournisseur français ses échantillons. Mme Guèye ne pouvait donc obtenir du fournisseur français la même tenue. La guerre éclata.

De guerre lasse, un compromis fut trouvé : Mme Guèye n’avait d’autre solution que de s’entendre avec Bousso ; mais les prix allaient changer. Le colonel rend compte de la situation à son patron et lui fait savoir que cela coûtera 50 millions de F Cfa de plus que la somme initialement prévue.

Le général fit donc payer plus cher la tenue du fait que Bousso tenait à conserver sa marge bénéficiaire, et Mme Guèye tenait à en faire de même. La marchandise fut achetée au prix fort. Et chacun pouvait être satisfait..

SENEPLUS





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