Culture

«Kemtiyu-Seex Anta», du réalisateur Ousmane William Mbaye: Un film-Mémoire, sur un personnage pas si trnasparent...


Mardi 3 Mai 2016

C’est à une poignée de jours de l’avant-première de son film, prévue ce samedi 7 mai (18h30) au Théâtre National Daniel Sorano, que le réalisateur Ousmane William Mbaye a rencontré la presse, hier lundi 2 mai à l’Institut français de Dakar. «Kemtiyu-Séex Anta », un documentaire consacré à l’égyptologue sénégalais Cheikh Anta Diop, une autoproduction des Films Mame Yandé, ne serait qu’une «amorce», parce le personnage mériterait un «feuilleton documentaire» à lui tout seul. Le film est le tout premier des projets financés par le Fonds de Promotion de l’Industrie Cinématographique et Audiovisuelle (Fopica).


Autres articles

Cheikh Anta Diop, un personnage transparent et plus ou moins prévisible ? Certainement pas. L’homme, qui passerait quasiment pour quelqu’un d’ «incompris», aurait plusieurs milliers d’inconditionnels et sans doute autant d’ «initiés», sans parler de tous ceux qui revendiqueraient une sorte de panafricanisme inspiré du personnage, sans avoir lu, parfois, ne serait-ce qu’une seule ligne de Nations nègres et Culture.

Et «Kemtiyu-Séex Anta» (Cheikh Anta), titre de ce documentaire que le réalisateur Ousmane William Mbaye présentera en avant-première ce samedi 7 mai au Théâtre National Daniel Sorano (18h30), ce serait un peu pour tordre le cou à cette sorte de fausse évidence. Lui qui avoue que dans la famille de Cheikh Anta Diop, on n’aime pas beaucoup «parler de soi».

 Le titre du film, presqu’aussi «énigmatique» que son personnage, qui était allergique au «culte de la personnalité», en aura lui-même intrigué plus d’un. Dans le teaser dévoilé lors de la conférence de presse d’hier, lundi 2 mai à l’Institut français, on entend d’ailleurs l’explication qu’en donne quelqu’un comme Théophile Obenga, l’égyptologue congolais ami de Cheikh Anta Diop : de Kemit, le pays des Noirs, ou l’Egypte, à Kemtiyu, les Noirs.

Après « Président Dia »…

L’idée de faire ce film est plus ou moins récente, quand on sait qu’elle voit le jour le 6 novembre 2012, autrement dit en pleine «Journée du documentaire sénégalais». Ousmane William Mbaye, qui présente alors «Président Dia», référence à Mamadou Dia, découvre un public qui se passionne de plus en plus pour le film documentaire, et qui lui demande même qui sera le héros de son prochain film. Des questions comme celles-là, dit le réalisateur, c’est comme un couteau à double tranchant : entre le «réconfort», et la «lourde responsabilité». 

En juillet 2013 commencent les premiers repérages, les tournages, et la petite difficulté qu’il a, à se contenter d’un film d’une heure et 34 minutes, qui ne serait qu’une «amorce» finalement…Parce qu’un personnage comme Cheikh Anta Diop, ce sont les mots d’Ousmane William Mbaye, mériterait à lui seul tout un «feuilleton documentaire», ne serait-ce que pour ses théories audacieuses qui feront parfois l’effet d’un «coup de tonnerre». Dans le même extrait proposé aux journalistes, on l’entend d’ailleurs (un de ses vieux combats) disqualifier l’idée d’une Egypte antique blanche, une «histoire falsifiée».

Et si ce film était «primordial» aux yeux d’Ousmane William Mbaye, comme une réponse au «discours de Sarkozy», c’est aussi parce que comme il dit, lui fait partie de cette génération d’individus nourrie aux «valeurs panafricaines», à qui l’on aurait du mal à faire croire que «l’Afrique sort du néant».

Un travail comme celui-là, ce n’est certainement pas une mince affaire. Le réalisateur raconte à ce sujet que cela n’a pas toujours été très évident de choisir parmi les mille et un protagonistes possibles, entre ceux qui disent l’avoir connu, ou qui connaîtraient quelqu’un qui connaîtrait quelqu’un...On retrouve dans le film des noms comme Massamba Diop, le fils de Cheikh Anta Diop, l’écrivain Boubacar Boris Diop, l’inclassable Joe Ouakam etc.

L’autre difficulté, ajoute la cinéaste Laurence Attali, qui a monté le film, c’est qu’Ousmane William Mbaye a plutôt tendance à faire sans…commentaire, ce qui impose plus ou moins de trouver une sorte de «fluidité» d’ensemble, sans artifices, d’un discours à l’autre.

Sans parler de ces «archives abîmées», de ce son parfois «médiocre» ou de cette sorte de vide autour du personnage, avec très peu d’ «archives politiques» le concernant, pour ne pas dire pas du tout, un peu comme si l’on avait tenté de l’effacer de la Mémoire.
Qui, après Cheikh Anta Diop, qui sait ? Ousmane William Mbaye lui-même donne sa langue au chat…


Abdoul Aziz Diop