Economie

Entretien de Seneplus avec Moustapha Diakhaté: Mettre fin à la servitude monétaire


Vendredi 13 Janvier 2017

Interview de Moustapha Diakhaté, le président du groupe parlementaire BBY - Ses positions sur les députés de la diaspora, le TER et le franc CFA


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Le président du groupe parlementaire Bennoo Bokk Yaakaar, Moustapha Diakhaté, se prononce sur le vote de la loi instituant l’élection des 15 députés de la diaspora, l’acquisition du Train express régional (TER). Il n’a pas manqué de donner ses sentiments sur les positions anti-franc CFA qui se développent de plus en plus.

Pensez-vous que les 15 députés auxquels ont droit désormais les Sénégalais de la diaspora est d’une nécessité impérieuse ?

Moustapha Diakhaté : Nous avons dans le cadre de la révision du code électorale adopté des dispositions relatives à l’élection des députés de la diaspora. Je vous rappelle que c’était un engagement du président de la République et cela figure dans les 15 points de la révision constitutionnelle de mars dernier et cela a été acté lors du dernier référendum majoritairement voté par les Sénégalais. Est-ce une nécessité ?  Je peux dire que c’est une vieille revendication de la diaspora et cela a toujours été une promesse de la classe politique. Déjà au Pds, on avait trouvé une stratégie pour élire un député de la diaspora bien que cela n’ait été admise à l’époque où nous étions dans l’opposition. Et lorsque le Pds est arrivé au pouvoir, il n’a pas matérialisé cet engagement.

Quand le candidat Macky Sall sillonnait les pays pour aller à la rencontre des Sénégalais de l’extérieur, écouter et recueillir leurs doléances, il avait promis de satisfaire celle qui consistait à relever l’âge des véhicules d’importation et celle qui concernait les députés de la diaspora. Aujourd’hui le président ne fait que respecter son engagement à l’égard de ces Sénégalais qui, somme toute, injectent annuellement dans l’économie du pays presque un milliard de francs CFA. Maintenant l’utilité de ces députés dépendra de leur degré d’engagement et d’implication mais aussi des conditions que créera l’Assemblée nationale pour qu’ils soient à la hauteur des missions qui leur seront assignées. Ce sont des dispositions particulières que l’Assemblée nationale doit prendre dans le cadre de son règlement intérieur pour leur prise en charge effective parce qu’ils ne peuvent pas être traités comme les députés des 45 départements du Sénégal.

En quoi consiste la mission de ces députés hors-territoire ?

Ils ont la même mission que les députés du territoire national. Un député défend et représente les intérêts du Sénégal, légifère et participe au contrôle de l’action gouvernementale, évalue les politiques publiques. Il s’y ajoute que compte tenu de la spécificité de ces députés qui représentent les Sénégalais de l’extérieur, ils doivent toujours faire part à l’Assemblée des difficultés que leurs compatriotes rencontrent dans leur pays d’accueil et les porter à la connaissance du gouvernement afin que des solutions idoines soient rapportées. Vu que leur participation à l’économie nationale est considérable, il serait bien qu’ils aient un mot à dire dans les débats d’orientation budgétaire.

Au moment où les Sénégalais se plaignent de l’exorbitance des 10 députés, le président en impose 15. Comment s’est faite cette part réservée aux députés hors-territoire ?

Je pense que l’opposition a fait fausse route et s’est engagée dans un débat stérile et inutile. Il y avait trois alternatives pour désigner les députés de diaspora. Soit les prélever sur le quota des départements alors qu’aucun d’entre eux n’accepte d’être lésé ou d’être délesté d’un de ses représentants à l’Hémicycle. Soit les extirper de la proportionnelle. Ce que l’opposition n’accepte pas parce que leur chance de se représenter à l’Assemblée nationale réside dans la liste proportionnelle. En sus, le président de la République ne veut pas d’une Assemblée monocolore. Il ne reste alors qu’une seule option qui protège les chances de représentativité de l’opposition à la Place Soweto, c’est d’augmenter le nombre de députés. Mais Manko Wattu Sénégal ne dira jamais pourquoi il ne veut pas que les députés de la diaspora soient prélevés dans le quota de la proportionnelle.

Les analystes politiques considèrent que l’initiative est plutôt politicienne puisque le parti présidentiel est représenté au niveau de la diaspora.  

La philosophie du soupçon, on peut l’appliquer à qui l’on veut. Je ne pense pas qu’on puisse réformer une Constitution et un code électoral uniquement pour assouvir des desseins politiciens. Tous ceux qui connaissent bien les Sénégalais de l’extérieur savent qu’ils ont toujours émis le vœu d’avoir une représentation dans l’Assemblée de leur pays. C’est une vieille doléance qui date avant l’arrivée du Macky Sall au pouvoir et qu’il a simplement matérialisée. Donc soutenir que l’élection des députés de la diaspora est soutenue par des desseins politiciens, c’est être sourd et aveugle aux doléances des Sénégalais hors-territoire qui désormais se feront mieux entendre avec une présence parlementaire.

L’Assemblée de tout temps ne présente pas une image reluisante aux des populations. N’est-il pas temps de procéder à des réformes qui feront de l’Assemblée ce pour quoi les populations y envoient des députés ?

Dans les rapports des Assises nationales, il y est dit que depuis les indépendances, l’Assemblée nationale est une annexe de l’Exécutif. Toutefois, il faut constater qu’avec la présente législature, des efforts ont été faits dans certains domaines notamment dans le domaine de la traduction simultanée. Ce qui permet à chaque député de s’exprimer dans sa langue maternelle tout étant compris par le reste de ses collègues. Mais ce n’est pas suffisant. Dans nos travaux d’aujourd’hui, il y est inclus l’évaluation des politiques publiques. C’est pourquoi l’Assemblée doit être dotée d’un personnel d’appoint compétent qui puisse aider les députés à être à la hauteur des missions qui l’attendent. Nous avons proposé au président de l’Assemblée de mettre en place une structure qui regrouperait de hauts cadres pour accompagner les députés dans l’exercice de leur mission. La pratique des assistants parlementaires n’est pas suffisante pour doter l’institution des moyens humains qui puissent outiller les députés à s’acquitter de leurs missions. Ladite structure sera mise en place avant la fin de cette législature. Ce qui nous permettra d’engager dans de bonnes conditions la treizième législature. Ce n’est pas une volonté des députés de ne pas jouer pleinement leur rôle mais il faut encore des efforts pour mieux embellir l’image dégradée de l’Assemblée nationale et réconcilier celle-ci avec le peuple.

Que répondez-vous à ceux qui disent somme dépensée pour l’acquisition du Train express régional (TER) est jugée exorbitante ?

Quand l’opposant Wade parlait de ses projets, les socialistes au pouvoir parlaient d’éléphants blancs. Aujourd’hui ses réalisations, autoroutes à péage, nouvel aéroport pour ne citer que celles-ci, sont visibles et utiles. Je devrais dire que notre pays est en retard par rapport à certaines infrastructures telles que les trains modernes. Considérer que les populations de Pikine, Thiaroye, Guédiawaye, de Dakar, de Rufisque qui doivent utiliser ce moyen de transport moderne pour se déplacer aisément dans des conditions favorables est une dépense de prestige exorbitante, c’est ne pas compatir aux souffrances des populations utilisatrices du TER. C’est un jalon supplémentaire dans la politique de modernisation de nos infrastructures et de facilitation du déplacement des populations. Bientôt cette modernisation atteindra l’intérieur du pays avec Ila Touba, la relance du chemin de fer sur l’ensemble du territoire nationale et autres infrastructures de qualité. Nous sommes en train de combler un retard dans la modernisation du pays mais les attaques stériles ne nous arrêteront pas. Elles nous dopent parce nous sommes sur la bonne voie.

Ceux qui remettent en cause le choix d’Alstom ignorent qu’en matière de technologie ferroviaire, il n’y a pas photo entre la France et la Chine. Les Français sont les leaders en matière de construction de trains. L’Inde, les Etats-Unis, même la Chine et plusieurs autres pays développés passent des commandes en France. Donc pourquoi remettre en cause le choix du Sénégal ? Ce qui est essentiel, c’est que nos 15 trains modernes apporteront une révolution dans le transport des populations nécessiteuses de moyens de déplacement ultra-rapides, sécurisés et à la portée de tous. On peut inscrire cette remise en cause dans le climat anti-français qui se développe dans notre pays mais on ne peut pas nier l’expertise avérée d’Alstom dans le domaine de la technologie ferroviaire.

Le franc CFA est décrié de plus en plus par nos économistes alors que le président de la République le juge stable et bonne à garder…

A mon avis, après un demi-siècle d’indépendance, utiliser toujours le franc CFA qui est une sorte de monnaie coloniale pour nos échanges commerciaux, utiliser la langue française comme moyen de communication me pose problème. Nous devons aller dans le sens de nous libérer de cette monnaie, symbole de la tutelle coloniale. La zone franc et sa monnaie le franc CFA constituent le seul système monétaire colonial au monde à avoir survécu à la décolonisation. Je ne vois plus pertinence pour le Trésor français de garantir la monnaie de toute une entité économique communautaire. Il faut mettre un terme à cette dépendance qui compromet notre souveraineté économique. Et je pense qu’avec les perspectives d’une monnaie de la CEDEAO qui intégreraient le Ghana et le Nigeria et d’autres pays, le problème monétaire se serait réglé. Sous peu, avec une monnaie de la CEDEAO, le franc CFA sera un mauvais souvenir et nous allons sortir de la servitude monétaire. 56 après l’indépendance, il est temps que nous ayons notre propre monnaie et qu’elle soit garantie par nos économies et non par le Trésor français.

SENEPLUS


Abdoul Aziz Diop