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Société

Entre froid, faim et mépris : Dur, dur d’être vigile à Dakar


Samedi 22 Décembre 2012

Le froid est de retour. Si la nuit, des personnes s’empressent de regagner le nid douillet de leurs maisons ou appartements, les agents de sécurité ou vigiles par contre veillent toute la nuit sur d’autres personnes avec peu ou pas de moyens du tout pour se protéger du froid mordant, la faim au ventre.


Entre froid, faim et mépris : Dur, dur d’être vigile à Dakar

Si le métier d’agent de sécurité, c’est de protéger des personnes contre d’éventuels voleurs ou agresseurs dans leurs maisons, ou sur leurs lieux de travail, la plupart d’entre eux n’ont pas le matériel requis pour faire face, et surtout pour se protéger eux-mêmes contre le froid mordant qui sévit sur Dakar une fois la nuit tombée. Pour un salaire qui tourne autour de 80 et 85 mille francs Cfa par mois, ces agents de sécurité, communément appelés vigiles, bravent le froid jusqu’au petit matin, parfois la faim au ventre, et sous le mépris des gens. Fann Résidence est l’un des quartiers huppés de Dakar. L’endroit se trouve à quelques mètres de l’océan. Devant presque chaque maison, un agent veille à la sécurité des lieux. Le calme qui règne dans ce quartier semble attiser la fraîcheur du soir. Dans cette zone, presque toutes les agences de sécurité de Dakar semblent s’être donné rendez-vous.

 

Devant une maison occupée par des Occidentaux, Mamadou Salif Diallo, un employé de Phoenix sécurité veille au grain. Comme seul rempart pour se protéger de la fraîcheur, un simple blouson que son agence lui a remis. «Rien de plus», dit-il. Le sieur exerce le métier de vigile depuis 5 ans, et le froid ne semble pas être le seul calvaire qu’il endure. En dehors de la morsure du froid, il subit aussi les affres de la faim. En effet, Mamadou Salif Diallo est obligé de monter la garde toute une journée sans rien avaler. A moins qu’il ne débourse pour acheter de quoi manger à la boutique. Mais là, un autre problème se pose, il ne doit pas quitter son poste de garde, sous peine d’écoper une mise à pied. Il n’attend rien de la part des personnes sur lesquelles, il veille. «Ce n’est pas leur problème», se désole-t-il.

 

A quelques mètres de son lieu de travail, El Hadj Kane, assis sur une chaise, monte la garde devant une maison. Il est employé à Vigas assistance. Comme son confrère de Phoenix sécurité, lui aussi n’a reçu qu’un blouson de son agence. Une tenue qui le protège à peine du froid. Mais, il est obligé de faire avec, car si jamais il s’achetait un drap pour se couvrir, la sanction est sans appel. «Tu aurais de sérieux problèmes», dit ce veuf. Parce que ses employeurs croiront qu’il l’a acheté pour dormir. Si s’acheter un drap est dans le domaine de l’impossible, El Hadj Kane aurait par contre souhaité que son agence lui fournisse un bonnet et une paire de gants. Mais en attendant que cela se produise, il prend son mal en patience.

 

Autre endroit, même problème. Devant un restaurant chinois, Pape Ngor Ndiaye employé à l’agence Thiane Sécurité regarde défiler les clients de l’établissement. Même s’il sert devant un lieu qui vend de la nourriture, le Ndiaye ne déguste les plats que du nez. Y goûter ? Il n’y pense même pas. Suite à un vol commis par des Sénégalais dans les locaux, le propriétaire a décidé de ne plus lui servir à manger. Ainsi, durant cette période de froid, il fait face à deux problèmes: la faim et le froid. En effet, à l’image de ses confrères, Pape Ngor Ndiaye n’a qu’un seul blouson pour se prémunir de la baisse de la température. Lui sert devant la maison d’un colonel à la retraite, et par ailleurs propriétaire de l’agence qui l’emploie. Cet agent qui souhaite garder l’anonymat n’est pas mieux loti que ses collègues. Pire, il n’a que la tenue de l’agence qui l’emploie sur le dos. Pour l’instant, il n’a pas encore reçu de tenue adéquate pour se couvrir du froid. Par contre, le monsieur peut se targuer d’être servi aux heures de repas. Une situation qui lui permet d’économiser quelques sous sur son «salaire passable».

 

Le mépris comme récompense

 

Cela fait cinq ans qu’Aliou Mbodj travaille comme employé à Sénégal Pêche. Contrairement à ses camarades, il ne se plaint pas de son salaire «Je reçois 200 mille francs par mois», dévoile-t-il. Par contre, ce qui le chagrine, c’est «le mépris des employeurs et des travailleurs de l’usine». Parce que, «ils te dépassent sans te saluer, alors que tu veilles sur eux.» Mais ce qui enrage le plus notre interlocuteur, c’est le fait que ce sont ses compatriotes qui lui «manquent le plus de considération». Hormis le dédain de certaines personnes, Aliou Mbodj révèle que beaucoup d’agents de sécurité, à côté de leur emploi, jouent aussi le rôle de jardinier et de commis. Ce que confirme El Hadj Kane. Qui témoigne : «Il arrive que mon employeur m’envoie à la boutique.» Des sollicitations qui ne sont pas prévues dans les clauses du contrat. «Nous sommes embauchés comme vigile, et rien d’autre», martèle-t-il. Sms Sécurité est le nom de l’agence où travaille Taïbou Diallo depuis 10 ans. Comparé à ses camarades vigiles, il est de loin le moins chanceux. Son agence ne lui fournit même pas de tenue de travail. Et pour se prémunir du froid, il a été obligé d’en acheter une. Pour se défendre contre les voleurs et les agresseurs, Taïbou Diallo ne possède qu’«un simple bâton» que lui a fourni son employeur. Jugeant cette artillerie dérisoire, Taibou Diallo s’est procuré un couteau à ses frais. Il se justifie : «Avec le couteau, je pourrais me défendre.»



walfadjri




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