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Opinion

Effacement de la scène politique : Pourquoi Wade ne peut pas imiter Senghor et Diouf ?


Mercredi 11 Juillet 2012

Nombreux sont les Sénégalais qui, actuellement, s’offusquent de la «for te présence» de l’ancien président de la République Me Abdoulaye Wade sur le terrain politique, après sa cinglante défaite du 25 mars 2012. Ces compatriotes, surpris voire dégoûtés par ses attitudes persistantes d’opposant, lui demandent de faire comme ses prédécesseurs, les Présidents Senghor et Diouf qui eurent l’élégance de s’effacer purement et simplement de la scène afin de ne pas gêner leur successeur nouvellement installé.En vertu du principe d’incompatibilité des paradigmes, lequel étant lui-même fondé sur le principe de particularité des situations, cette position ne me paraît pas défendable tant du point de vue historique que du point de vue logique.
A la fin de la colonisation, le Président Senghor a hérité d’un parti politique qui lui a été offert sur un plateau d’argent et qu’il reçut comme une manne tombée du ciel. Et après avoir mis en prison ses principaux opposants sans coup férir et enivré le Peuple des effluves d’une gestion poétique aux antipodes du pragmatisme de Mamadou Dia, il a recueilli un consensus national quasi universel et géré le Sénégal sans grands heurts jusqu’à satiété. Vingt ans après, (1960-1980), assouvi et surtout effrayé par l’avenir incertain qui se dessinait pour son pays, Senghor le Président-poète a décidé de décrocher afin de se consacrer à son hobby de tous les jours : la littérature.
Son successeur, le Président Abdou Diouf qui reçut en cadeau, des mains de Senghor le Parti socialiste (Ps) et l’Etat sans aucun effort, s’est littéralement contenté de se baisser pour ramasser ces deux instruments grâce auxquels il a régné à son tour sur le Sénégal pendant dix neuf ans (1981-2000). Le fait que le Président Diouf ait été tout à fait étranger à la création, la maturation et au développement du Ps, qui lui a pourtant tout donné, explique sans aucun doute l’inhumaine indifférence dont il a fait montre à l’égard de ce parti dès et après l’annonce de son échec à l’élection présidentielle de 2000. Depuis, ayant totalement rompu les amarres, il ne semble éprouver ni peine ni nostalgie aucune pour sa formation politique et pour ses camarades qui, il n’y a guère, étaient prêts a mourir pour lui. L’adage le dit bien : «La poule ne lutte véritablement que pour sa progéniture !»
Le Président Wade quant à lui a, faut-il le rappeler, enfanté le Parti démocratique sénégalais (Pds) dans la douleur, la patience et le renoncement. Apres vingt six ans de travail opiniâtre et d’opposition républicaine maintes fois périlleuse, il a pu enfin, faire accéder son parti au pouvoir en l’an 2000.
Je considère que le sentiment d’attachement que l’être humain éprouve naturellement à l’égard de son œuvre, surtout si cette dernière a pu surgir de luttes épiques et de terribles risques encourus pour sa préservation, peut déjà servir d’explication valable à l’attitude de Wade qui poursuit encore inlassablement sa lutte pour l’immortalisation de son bébé, en l’occurrence le Pds. Car, il n’est un secret pour personne que, par sa création (artistique, charnelle ou politique), l’être humain cherche à accéder à l’immortalité. Et toute menace contre ce naturel dessein entraine de facto une farouche résistance.
La mort du Pds ne serait elle pas d’ailleurs, symboliquement du moins, celle de l’homme Abdoulaye Wade ?
Il me semble donc vain et surtout injuste de demander à l’ancien président de la République de cesser ses activités politiques pour «faire comme Senghor et Diouf». Son activisme post-pouvoir est en dernière instance et pour parler comme Schopenhauer, une lutte éperdue contre le sentiment du destin inexorable qui voue toutes choses à la finitude. Le Président Macky Sall lui même qui, malgré son adhésion aux conclusions des Assises nationales, tient à se maintenir à la tête de son parti (Apr), est habité, quoique de façon non encore «obsessionnelle» (compte tenu de son âge et de la récence de son magistère), par ce sentiment humain, trop humain !
Au demeurant, le Président Wade sera d’autant plus présent sur l’échiquier politique que sa famille, ses proches et lui-même se sentent actuellement très menacés par le nouveau pouvoir en place qui les charge sans discrétion et sans méthode, au point de les pousser à des attitudes suicidaires.
Je suis sincèrement convaincu que Wade et ses différentes équipes gouvernementales ont volé, menti et même tué. Si de tels crimes sont avérés, il faudra qu’ils paient pour tout cela. Mais la démarche de l’actuel pouvoir en ce sens me semble bien prématurée (on aurait pu attendre la fin des Législatives pour réactiver les audits et gérer la question des biens de l’Etat supposés volés). Elle me semble également désorganisée, car étant fondée, selon ma modeste lecture, sur une confusion inadmissible entre les audits de 2008 et la loi sur l’enrichissement illicite. En période de campagne électorale, les convocations intempestives et injustifiées de plusieurs anciens dignitaires du régime par la gendarmerie et la Dic, outre qu’elles contribuent à braquer Me Wade et son camp et à leur permet tre d’occuper la Une de l’actualité, amènent de plus en plus les observateurs à douter de l’impartialité du nouveau régime ainsi que de sa capacité à gérer objectivement la question du contrôle de la gestion précédente.
En un mot comme en mille, par sa trajectoire personnelle tout comme à cause des perches tendues par les errements de l’actuel régime, le Pré sident Wade demeurera encore longtemps sur la scène politique sans se faire enterrer de sitôt. A moins que le trépas, qui vient tout guérir, ne vienne en aide à son distingué successeur lui ouvrant ainsi, sans entrave, la voie vers le plein exercice de son magistère.
LEQUOTIDIEN.SN





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