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Opinion

EDITORIAL: Kleptocratie Par Vieux SAVANE


Samedi 12 Mai 2012

Le décret portant nomination des membres de la Commission d’instruction de la Cour de répression de l’enrichissement illicite a été signé, jeudi 10 mai 2012, selon le communiqué du Conseil des ministres rendu public le même jour. La réactivation de cette institution par le nouveau régime signifie-t-elle pour autant l’amorce d’une nouvelle ère, annonciatrice de l’avènement de la gouvernance vertueuse déclinée par le chef de l’Etat tout au long de la dernière campagne électorale ?

Sans donner sa langue au chat, il est loisible de constater que les institutions ne valent que par les hommes, les femmes et la volonté politique qui les accompagnent. Le Sénégal est d’ailleurs connu pour s’être doté de toutes les lois et conventions nécessaires. Mais cela ne l’a pas empêché pour autant d’être une terre de « maatey » faisant la part belle à l’impunité, au bénéfice de la délinquance à col blanc.

Si le nouveau pouvoir veut donner des gages, il est attendu dans la suite qu’il escompte imprimer à tous les rapports qui ont été plongés dans un long sommeil, au palais de la République, par la volonté de son ancien locataire qui en avait fait un instrument de pression et de chantage sur ses adversaires.

Il en est ainsi du rapport d’audit de la Cour des comptes datant de 2010 sur le « Plan Jaxaay ». Il a mis à nu les fautes de gestion et autres combines qui ont émaillé l’exécution de ce projet de 52 milliards de FCfa qui ambitionnait de trouver une solution au calvaire des populations vivant dans les zones inondées de la banlieue dakaroise. Sur les 3000 logements prévus, 2000 ont été réalisés et « seuls 1917 ont été effectivement attribués » (Voir le Quotidien du vendredi 11 mai).

En 2007, un autre rapport de l’Autorité de régulation des marchés publics (Armp) avait révélé beaucoup d’incongruités dans la gestion d’Awa Ndiaye, ancienne ministre de la Culture et du Cadre de vie. En dépit de tout bon sens, on y apprenait l’achat de matériels de consommation courante à des prix à défier le sens : une cuisinière à deux millions de FCfa, une cuillère à 37mille FCfa, un couteau à 42 mille FCfa. Il n’est donc pas étonnant que cette gestion singulière ait coûté plusieurs milliards de FCfa au Trésor public. On sait aussi que plus de 70 milliards ont été dépensés en 2010 dans l’organisation du Festival mondial des Arts nègres (Fesman). Le gouvernement avait décidé de soustraire certaines transactions du champ de surveillance du code des marchés publics, arguant du fait qu’elles relevaient de la « sécurité d’Etat », ou « secret défense », ouvrant ainsi grandement les portes de l’entente directe ou du fameux gré à gré.

Comment peut-on, par ailleurs, comprendre qu’un ancien garde du corps puisse cumuler des impayés de factures d’électricité de plusieurs millions de FCfa. Qu’un de ses domiciles puisse être cité comme susceptible d’abriter son oncle de président défait démocratiquement par la vérité des urnes et devenu un Sdf, par la grâce des « tiaxaneires » dont il a le secret. Lui qui n’avait pas hésité à s’acheter un terrain nu à plus d’un milliard de FCfa payés en liquide. Ensuite, voilà que la maman, sénégalaise d’ethnie toubab, surgit dans la mare aux affaires, à la suite du mari et des enfants épinglés dans divers scandales. Elle est invitée à rembourser la somme de 835.463.200 Francs Cfa par la Fondation suisse « Antenna Technologie » pour détournement d’objectif (voir Sud du 10 mai).

On comprend alors qu’on ne soit nullement emballé par le réchauffement d’un vieil arsenal de répression. Le traitement avec célérité de l’existant est plutôt de rigueur. C’est le lieu de rappeler que plusieurs rapports de la Cour des Comptes attendent d’être exploités. On peut même s’étonner du fait que Serigne Mbacké Ndiaye, porte-parole du chef de l’Etat ne soit toujours pas convoqué pour être entendu. Lui qui mettait en garde ses frères de parti. Ainsi les invitait-il à mouiller le maillot sous peine de se retrouver en prison en cas de défaite électorale. Il aurait dû être convoqué par le procureur de la République ou par la police pour s’expliquer comme l’a été tout récemment une femme de peu, pour avoir affirmé sur les ondes d’une radio avoir été séquestrée, violentée et détroussée de deux millions de Francs Cfa. Une convocation qui a du reste permis d’établir que c’était une histoire montée de toute pièce par une personne croulant sous le poids de ses dettes locatives, dans le but de susciter la compassion de ses compatriotes.

Il faut savoir être juste. Le problème n’est pas d’être vindicatif, rancunier, cherchant vaille que vaille à humilier ou à prendre en otage des adversaires politiques. Loin des menaces scandaleuses du genre : «J’ai des dossiers sur lui, etc », qui ne sont rien d’autres que du vil chantage, il convient de cultiver la vertu. En d’autres termes, sanctionner positivement les personnes méritantes et négativement celles qui ont commis des fautes, suivant des critères et des modalités clairement établis. C’est cela qui permet à une société de s’auto réguler. A défaut, c’est la porte ouverte à toutes les formes de prédation.

L’importance des rapports de l’Armp et la pertinence des questions soulevées et de leurs recommandations montrent à suffisance que le banditisme d’Etat auquel le Sénégal a été victime ces dernières années n’est pas dû à une législation inexistante ou inappropriée ou à l’absence d’expertise mais plutôt à une approche du pouvoir comme lieu de captation des richesses. C’est à ce renversement de paradigme qu’il faut s’atteler. Rompre avec cette gouvernance digne d’une République bananière suppose par conséquent de s’en tenir à des choses simples : La loi, rien que la loi.
Il revient au chef de l’Etat de montrer, par les actes, que c’est de cela qu’il s’agit. Les difficultés qui assaillent le Sénégal sont autrement plus pressantes pour être plombées par des calculs électoralistes.
SUDONLINE.SN





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