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Document: Indice de perception de la corruption dans le monde - Voir l'intégralité du rapport 2015 ainsi que les commentaires et recommandations du Forum civil pour le Sénégal

Le Sénégal toujours à la traîne


Mercredi 27 Janvier 2016

Section sénégalaise de Transparency international, le Forum civil a publié ce mercredi le rapport 2015 de l’Indice de perception de la corruption (IPC). Avec 44 points sur 100, le Sénégal occupe la 61e place sur 168 pays dans le monde. Il arrive 8e au plan africain. Comparé à l’année dernière, ce résultat est un bond en avant au classement. Avec 43 points, le pays était précédemment 79e mondial, 10e africain. Mais il n’y a pas de quoi s’enflammer.

De l’avis de Bakary Faye, chargé de programme au Forum civil, moins que le classement c’est le nombre de points qui compte. Et sur ce registre, souligne-t-il face à la presse, le Sénégal est loin du compte. Depuis 2012 sa progression est régulière (38, 41, 43 et 44 points en 2015), mais le pays se situe toujours en dessous de la note moyenne (50 points). Sans compter que si l’année dernière, il avait enregistré un bond de 2 points, cette année la progression n’est que d’une unité.

Les choses pourraient s'empirer lors des prochains classements. L'affaire Lamine Diack, l'ancien président de l'IAAF mis en examen dans le scandale de dopage et de corruption qui secoue le monde l'athlétisme et qui aurait reconnu avoir financé l'opposition sénégalaise en 2012, n'ayant pas été pris en compte dans le rapport 2015 et la traque des biens mal acquis, qui avait permis au Sénégal de gagner des points, ne connaissant pas de suite depuis la condamnation de Karim Wade pour six ans de prison.

Pour espérer améliorer sa note le Sénégal devra, de l'avis de Birahim Seck du Conseil d’administration du Forum civil, qui était aux côtés de Bakary Faye face à la presse, suivre les recommandations de la section sénégalaise de Transparency International. En plus des efforts déjà faits (OFNAC, loi sur la déclaration de patrimoine, etc.), le pays gagnerait, selon le Forum civil, à poursuivre la traque des biens mal acquis, à renforcer les pouvoirs de l’OFNAC, protéger les lanceurs d’alerte et sanctionner, positivement et négativement, les acteurs de la corruption...

L’IPC mesure la grande corruption dans le monde. Elle permet de révéler, sur une échelle de 0 à 100, les pays les plus corrompus, mais également ceux qui sont les moins, 0 étant le niveau le plus élevé et 100 le moins élevé.

SenePlus vous propose le rapport 2015 complet ainsi que les commentaires et recommandations du Forum Civil sur le Sénégal.

DECLARATION DU FORUM CIVIL SUR L’INDICE DE PERCEPTION DE LA CORRUPTION 2015



Introduction
Comme chaque année depuis 1995, Transparency International publie les résultats de l’Indice de Perception de la Corruption (IPC). La corruption étant un phénomène complexe et souvent caché, l’IPC est un outil parmi d’autres qui veut aider à l’appréhender. Transparency International dispose d’autres instruments qui permettent de mieux connaitre la corruption dans le monde. Parmi ceux-ci, on peut citer le Baromètre Mondial de la Corruption, qui est un sondage d’opinion sur la petite corruption pratiquée au quotidien par les citoyens. L’on peut citer aussi l’Indice de Corruption des pays exportateurs qui étudie la corruption active pratiquée dans le cadre des transactions commerciales internationales et qui propose un classement des pays les plus riches ; il y a également, parmi les outils de TI, le Rapport mondial sur la corruption qui, chaque année, se focalise sur un thème ou un secteur d’activité précis (éducation, santé, marchés publics etc.).

Tous ces outils de mesure convergent vers le même objectif qui consiste à aider à mieux cerner la réalité de la corruption dans le monde et à susciter la volonté de l’Etat du secteur privé des médias et de la société civile à combattre plus efficacement le phénomène de la corruption.

Informations sur l’Indice de Perception de la Corruption (IPC)
L’IPC est un indice composite, utilisé pour mesurer la perception de la corruption passive, celle des agents publics qui perçoivent des pots de vin dans le secteur public et la classe politique dans différents pays du monde. L’IPC a pour objectif de sensibiliser l’opinion publique sur l’état de la corruption et de susciter la volonté politique de lutter contre le phénomène. Ils visent aussi à stimuler la recherche scientifique.

Approche méthodologique
Le calcul de l’IPC est sous tendu par une démarche scientifique qui fait appel à des données collectées sur une période de seulement un an.

Pour se faire, la méthodologie est bâtie sur :

Une sélection des sources de données : dans le souci de faire preuve d’une véritable rigueur scientifique et dans l’obligation de se fier à la validité des données utilisées, celles-ci proviennent d’institutions professionnelles qui indiquent clairement leurs méthodes de collecte des données (Banque Africaine de Développement, Fondation Bertelsman 2015, Freedom House 2015, Forum économique mondial 2015, Economist Intelligence Unit 2015, Global Insigh 2014t, Transparency International, Rapport annuel sur la compétitivité 2015, Political and Economic Risk Consultancy 2015, Political Risk 2015, Evaluation des performances politiques et Institutionnelles des pays-Banque Mondia 2015 , Projet de justice mondial 2015). Ainsi les questions proposées doivent être explicites et correspondre à la perception du niveau de la corruption passive dans le secteur public et la classe politique d’un pays donné.
Les données doivent être comparables avec celles d’autres pays, et différenciées sur une échelle de quatre niveaux minimum, adaptable à l’échelle de l’IPC.

Calcul de l’IPC : chaque source établie sur une échelle où la note la plus basse correspond au plus bas niveau de corruption. Une fois l’échelle inversée, les notes sont standardisées en leur soustrayant la moyenne des données, puis en divisant le résultat par l’écart-type. L’ensemble des données ainsi obtenu est centré autour de 0 avec un écart-type de 0.5, les notes sont ensuite converties à l’échelle de l’IPC, qui va de 0 à 100 (0 correspond au plus haut niveau de corruption perçue, et 100 correspond au plus bas niveau de corruption perçue). Ainsi la note de chaque pays est calculée comme une moyenne des données réadaptées, issues d’au moins trois sources.


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COMMENTAIRES Tendance générale de la corruption selon transparency international (bureau Berlin)

L’année 2015 a démontré qu’en œuvrant ensemble, il est possible de gagner la bataille contre la corruption. Bien que la corruption sévisse encore dans le monde, l’indice de perception de la corruption  de Transparency International a révélé qu’en 2015 le nombre de pays ayant réussi à améliorer leur score a été plus élevé que celui des pays où il a baissé.

Dans l’ensemble, deux tiers des 168 pays évalués pour l’indice 2015 obtiennent une note inférieure à 50, sur une échelle allant de 0 (perçu comme fortement corrompu) à 100 (perçu comme très peu corrompu). Pourtant, dans des pays tels que le Guatemala, le Sri Lanka et le Ghana, les citoyens militant au sein de groupes et de manière individuelle ont lutté pour chasser les personnes corrompues, envoyant ainsi un message fort qui devrait encourager les autres à prendre des mesures décisives en 2016. « La corruption peut être éliminée si nous œuvrons tous ensemble. Pour éradiquer les abus de pouvoir et les pots-de-vin et faire la lumière sur les accords secrets, les citoyens doivent, ensemble, dire à leurs gouvernements que cela suffit.

« L’indice de perception de la corruption 2015 montre clairement que la corruption demeure un fléau partout dans le monde. Cependant, 2015 a également été une année où les citoyens sont encore une fois descendus dans la rue pour protester contre la corruption. Les populations à travers le monde ont envoyé un signal fort à leurs dirigeants, à savoir qu’il est grand temps de s’attaquer à la grande corruption », a déclaré José Ugaz, président de Transparency International.

La grande corruption est l’abus de pouvoir à un haut niveau qui profite à quelques-uns au détriment de la majorité et qui cause un préjudice grave à de nombreux particuliers et à la société. Elle reste souvent impunie.

Cette année, Transparency International appelle chaque personne à agir en votant sur unmaskthecorrupt.org. Nous voulons connaître les cas précis qui, aux yeux du grand public, méritent qu’un message soit envoyé de toute urgence indiquant que nous allons nous engager contre la grande corruption. Le Brésil est le pays qui a enregistré la plus forte baisse dans le classement de l’indice : il a chuté de 5 points et de 7 places et occupe à présent la 76e place. Suite aux révélations successives sur le scandale de Petrobras, le peuple brésilien est descendu dans la rue en 2015, et le début de la procédure judiciaire pourrait permettre au Brésil de mettre fin à la corruption.

Des succès en termes de lutte contre la corruption peuvent être consultés sur notre site Internet ici concernant la Mongolie, ici concernant le Guatemala et ici concernant les lanceurs d’alerte. Le site fait également état des exemples issus de notre réseau composé de plus de 100 sections.

Les résultats

L’indice porte sur les perceptions de corruption dans le secteur public dans 168 pays. Le Danemark occupe la première place pour la deuxième année consécutive, la Corée du Nord et la Somalie étant dernières avec 8 points chacune.

Les pays en tête de classement partagent des caractéristiques clés : des niveaux élevés de liberté de la presse ; un accès aux informations budgétaires permettant au public de savoir d’où vient l’argent et comment il est dépensé ; des niveaux élevés d’intégrité parmi les personnes au pouvoir ; et des systèmes judiciaires qui ne font pas de distinction entre  les riches et les pauvres, et qui sont véritablement indépendants des autres organes de l'État. Outre le conflit et la guerre, une mauvaise gouvernance, la faiblesse des institutions publiques telles que la police et le système judiciaire, et un manque d’indépendance dans les médias caractérisent les pays les moins bien classés.

La liste des pays ayant enregistré les plus fortes baisses au cours des quatre dernières années comprend la Libye, l’Australie, le Brésil, l’Espagne et la Turquie. Parmi les pays ayant enregistré les plus fortes hausses figurent la Grèce, le Sénégal, et le Royaume-Uni. L’indice de perception de la corruption est élaboré à partir de l’opinion d’experts sur la corruption dans le secteur public. Les pays obtenant une note élevée disposent souvent d’une administration transparente permettant aux citoyens de demander des comptes à leurs responsables. À l’inverse, une mauvaise note est le signe d’un recours systématique à des pots-de-vin, de l’absence de sanctions en cas de corruption et d’une inadéquation entre les prestations de l’administration et les besoins de la population.
Au niveau du Sénégal

Au regard de ces résultats, le Sénégal a fait, cette année, une progression d’un point sur son score par rapport à l’année précédente. Malgré cette évolution, le Sénégal reste tout de même dans la zone rouge, c’est-à-dire en dessous du score de 50/100, la moyenne mondiale, même si l’on peut constater une progression lente mais continue depuis trois ans. 

Toutefois dans cet indice, il y a lieu de préciser que le score obtenu est même beaucoup plus important que le classement. D’où l’objectif pour le Sénégal de sortir de la zone rouge, c’est-à-dire dépasser le score de 50/100. Ainsi, pour identifier les voies de renforcement de cette marche globale de notre pays vers l’intégrité, il importe de rapprocher ces résultats de ceux tirés du baromètre mondial de la corruption publié en juillet 2014.  Pour rappel,  le baromètre avait identifiée onze (11) institutions publiques et privées fortement touchées par la petite corruption que sont : Police, Partis Politiques, Système Judicaire, Fonction Publique, Parlement, Système De Santé, Système D’éducation, Medias, Secteur Prive, Communautés Religieuses, ONG, Armée.

Ce qui a permis cette évolution dans le classement, nous le devons à deux éléments :

1- ) Une  volonté politique affichée de renforcer le dispositif de prévention et de lutte contre la corruption depuis l’avènement du régime actuel, notamment :
La création du ministère de la promotion de Bonne Gouvernance ; L’adoption de lois qui renforcent le dispositif juridique (loi 2012 portant code de transparence, loi portant déclaration de patrimoine…) La création de l’ofnac, Le démarrage de la traque des biens mal acquis ; Le travail effectué par les parlementaires surtout de l’APNAC

2-) La mise œuvre des stratégies du Forum Civil 2004-2010 et 2010-2015

Le forum civil a en effet fortement contribué au renforcement du dispositif prévention et de lutte contre la corruption mais aussi de sensibilisation des populations, notamment dans la mise en œuvre de nos stratégies 2004-2010 et 2010-2015.

Il est nécessaire de préciser à ce niveau que le classement Afrique ne prend pas en compte les pays du Maghreb qui selon la méthodologie de T.I sont intégrés dans le classement du moyen orient.

En outre, l’IPC ne prend pas en compte l’effet produit pas des évènements récents pour ne pas introduire des biais dans l’analyse. Ainsi pour ce qui nous concerne, les résultats de l’IPC ne prennent pas en considération les conséquences de l’affaire Lamine DIACK et les audits sur les marchés publics des années 2013-2014 qui correspondent aux années de gestion de l’actuel président.

A ce niveau, si des mesures énergiques ne sont pas prises pour redresser cette situation, ces éléments pourraient affecter le classement du Sénégal pour les prochaines éditions d l’IPC.

Malgré les résultats obtenus, il y’a encore des efforts à faire pour sortir de la zone rouge. Pour ce faire, il est important de formuler un certain nombre de recommandations.

RECOMMANDATIONS :

Le forum civil propose un plan concerté de sortie de la zone rouge de 5 ans (2016-2020). Ce plan doit être négocié entre le secteur privé, l’exécutif, le parlement, la justice, l’ofnac et la société civile et les médias.

Ce plan comprend trois axes :
Axe 1 : Compléter le dispositif juridique de prévention et de lutte contre la corruption, notamment en adoptant des lois sur l’accès à l’information (un travail consistant a été fait à ce niveau avec Article 19 et le Ministère de la promotion de la bonne gouvernance), la prévention des conflits d’intérêts, le financement partis politiques, la protection des lanceurs d’alerte et tout autre dispositif juridique pouvant renforcer cet axe. Des draft d’avant-projet de lois existent déjà, et sont sur la table du parlement. Axe 2 : Travailler à changer le comportement des acteurs de la corruption pour plus d’intégrité. Notamment en mettant en œuvre des programmes d’éducation à la citoyenneté active Axe 3 : procéder à des sanctions positives et négatives. Faire des sanctions positives pour célébrer l’intégrité et établir un ordre de distinction national sur la question. Faire des sanctions négatives notamment en luttant efficacement contre l’impunité. Il s’agira ici de poursuivre la traque des biens mal acquis et de renforcer les pouvoirs juridiques de l’OFNAC (surtout en matière d’enquête et d’investigation) et de l’amener à investiguer les différents rapports d’audit et à déclencher les procédures nécessaires.

La responsabilité de l’initiative d’un plan concerté incombe avant tout à l’Etat pour assurer, un meilleur résultat dans la lutte contre la corruption.

En attendant la définition d’un plan concerté, il est nécessaire pour améliorer les résultats du Sénégal, qu’une institution comme l’ofnac concentre principalement ses efforts à la lutte contre la corruption dans l’administration publique compte tenu de ses moyens financiers ; pour la raison simple que la loi lui a attribuée de telles prérogatives et ses moyens limités l’y contraignent. L’ofnac doit travailler à plus de synergie et de partage des responsabilités avec des acteurs de la société civile notamment surtout pour prendre en charge le volet sensibilisation, mobilisation des citoyens et la recherche dans la lutte contre la corruption.

Dans le même ordre d’idées, le Forum Civil recommande à l’Etat de poursuivre la procédure de répression de l’enrichissement illicite. De plus, la liste des 25 personnes, initialement citées par le procureur spécial doit être vidée.

Sur les audits des marchés publics et des concessions de service public, le Forum Civil recommande à l’Etat du Sénégal, à travers ses différents organes de contrôle (IGE,  Cour des comptes, ARMP, OFNAC etc.) de privilégier l’audit technique et financier approfondi, notamment les projets et ouvrages importants ayant un impact considérable sur les finances publiques tels que : l’Autoroute Thies-Touba, l’Autoroute Dakar-Diamniodio, le Pôle Industriel de Diamniadio, le Building Administratif, l’Autoroute Mbour-Kaolack, l’avance de démarrage de la route Fatick-Kaolack, la Cité de l’Emergence, le Centre International de Diamniadio, UNIDAK2 de Diamniadio, l’attribution du Port de Bargny, les concessions de NECOTRANS.

Sur l’affaire Lamine DIACK, le Forum Civil réitère sa position de respect de la présomption d’innocence et des procédures en cours. Cependant, compte tenu de la gravité des révélations sur la question, et avec la nécessité plus actuelle du contrôle du financement des partis politiques, le Forum Civil recommande l’aménagement du code électoral, en attendant l’adoption d’une loi sur le financement des partis politiques, dans le sens du contrôle des dépenses électorales et l’obligation de la déclaration de patrimoine pour tous les candidats au moins 6 mois avant les élections.

Enfin, le Forum Civil recommande à l’Etat de procéder à un audit exhaustif sur les réserves financières et le patrimoine foncier des Institutions de protection sociale comme l’Institut de Prévoyance Retraite (IPRES) et la Caisse de Sécurité Sociale (CSS) ainsi que toutes les transactions immobilières réalisées par la CDC et l’ARTP notamment celle de la construction du siège de l’organe de Régulation des Télécommunications et des postes.

L’heure est au combat systémique contre la corruption sous toutes ses formes, dans tous les secteurs et à tous les niveaux.

SENEPLUS


Abdoul Aziz Diop