Contribution: Haro sur la trivialité rampante à l'Assemblée nationale- Par Ibe Niang Ardo

Dans cette treizième législature à peine commencée, ce sont des hommes grossiers qui déraillent avec un cynisme déplorable et une méprise scandaleuse de leur rôle et classe dans la société



Les législatures se succèdent mais ne se ressemblent pas. Au fil du temps l'on note une dégradation alarmante du niveau de culture générale, d'éducation, de maturité et de responsabilité des députés.

A l'entame de la douzième législature l'on se souvient, l'inauguration de la loi sur la parité avait soulevé des inquiétudes par rapport au niveau culturel de plusieurs députés femmes et, en réponse à ce souci, la proposition des protagonistes de cette loi était de leur assurer à posteriori une formation. Ça se passe de commentaire, mais enfin, ce débat n'est plus d'actualité; les conséquences de ce mécompte sont tant soit peu illustrées par les propos ci-après d'un Moustapha Diakhaté dépité, alors président de groupe parlementaire de la majorité : "jamais il n'y a eu de législature plus médiocre que celle-là au Sénégal".

Dans cette treizième législature à peine commencée, ce sont des hommes grossiers qui déraillent avec un cynisme déplorable et une méprise scandaleuse de leur rôle et classe dans la société, en tant que membres d'une Assemblée Nationale qui a le pouvoir de légiférer. Savent-ils ce qu'ils représentent pour la nation ? Voir un Toussaint Manga totalement hors sujet, abuser stupidement de son temps de parole, pour seulement déverser outrageusement ses ressentiments sur Abdoulaye Daouda Diallo, un ministre de la République venu simplement défendre son budget, est une insulte au peuple sénégalais.

C'est une attaque ad hominem, rien qu'un bluff intimidant dont on se sert pour couvrir ses lacunes en argumentation ou imagination authentique, en rapport avec le sujet à l'ordre du jour. Pour donner un jugement de valeur crédible sur les capacités d'un tel ou tel, il fallait d'abord prouver, monsieur Toussaint, que vous même êtes apte à juger par votre expérience à une mission plus élevée ou au moins équivalente à celle de ministre. Par contre, si avec à peine quelques mois de législature vous vous illustrez par autant de déficit argumental et de décence, en avouant publiquement que vos propos étaient destinés à faire souffrir, vous donnez la preuve ainsi qu'en vous élisant il y a eu erreur sur le personnage.

Oui on a souffert, j'en ai eu moi-même les larmes aux yeux que de constater que par la méprise de ceux qui vous ont investi sur une liste, nous allons devoir prendre notre mal en patience pour cinq ans de niaiseries encore. Que faire devant de telles dérives de gens pressés d'abuser de leur immunité diplomatique pour saper notre démocratie, plutôt que de la relever ? Se désoler de la honte dont ils nous couvrent et en tirer des leçons.

De l'Assemblée, nous nous attendons monsieur Toussaint, à des hommes cultivés et d'un grand sens, capable de légiférer dans l'éloquence, la poésie, la littérature, dans les livres de la morale et de l'agrément comme disait Voltaire. Qui ne prennent pas la parole pour parler pour vingt-quatre heures mais pour le temps, comme le disait Mirabeau. Surtout pas de gens venus nous faire souffrir.

C'est pourquoi je trouve très étonnant l'atonie du président de l'Assemblée dans cette histoire, comme s'il était impuissant face à une telle dérive à ramener la décence dans cette séance publique, alors que son rôle primordial se situe au niveau de l'organisation du travail parlementaire et la direction des débats qui s'y déroulent. Pour les gens du camp de Toussaint, je voudrais leur dire qu'ils sont autant concernés que tout autre citoyen, par l'instauration d'un climat de respect mutuel qui transcende la solidarité partisane et leur rappeler l'événement suivant:

"Le jour où à une séance du Congress aux Etats Unis, Joe Wilson un sénateur républicain à interrompu le discours de Obama en lui criant - ce que vous dîtes est du mensonge." Ça lui a coûté cher. Ses collègues républicains se sont tous désolidarisés et retournés contre lui. Il a été réprimandé par l'ensemble des sénateurs comme d'un seul homme.

Où sont donc les pédagogues de ce pays, tous ces intellectuels excessivement jaloux de leurs titres de "Dr ou Pr" mis à l'avant avec ostentation ? Qu'attendent-ils pour s'indigner devant une telle déchéance des mœurs envahissante au cœur d'une si éminente institution ? Il n'est point besoin d'être politicien ou partisan ou je ne sais quoi, pour tacler la trivialité là où elle n'a pas sa place dans la société.

En lieu et place de bonnes initiative et imagination, c'est ce manque de courage et cette inertie de nos "éminences grises" qui alimentent la permissivité notoire qui contrarie nos efforts de développement, par l'illusion qu'elle insuffle dans l'esprit des masses d'un dominant syndrome amotivationnel. Tout le monde, même ceux qui ont la capacité d'aider, finit par se dire que si le folklore et la médiocrité ont gagné de si hauts lieux de conscience et décision, il n'y a plus de raison de faire quelque effort que ce soit dans la bonne direction et le respect des vertus.

Si l'on n'y prend garde dès maintenant avec cette trivialité en cours, l'Assemblée Nationale, juste parce qu'elle offre une tribune d'une plus grande visibilité pour les bravades que tout autre amphithéâtre, rivalisera avec les marchés en langage ordurier, dans un proche
avenir. Le comble!