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BOUN DIONNE : « ON CHERCHE 3 MILLIARDS DE DOLLARS POUR AVOIR 20% DANS LE PÉTROLE »


Mardi 25 Février 2020

Le Sénégal cherche 3 milliards de dollars pour racheter 20% des parts dans les contrats pétroliers. La révélation est du ministre d’Etat et Secrétaire général de la Présidence, Mahammad Boun Abdallah Dionne, dans un entretien spécial accordé au groupe EMEDIA. Extraits.

 

 

Vos adversaires et une frange de l’opinion pensent que votre régime est un régime de scandales en donnant l’exemple des différents rapports qui ont été faits mais aussi en parlant du pétrole et du gaz ?

« Moi, je pense que la démocratie, c’est aussi une division du travail. Il y a ceux qui gouvernent et ceux qui occupent la rue, qui sont dans l’opposition, et c’est normal et sain. Que chacun fasse son travail. Le nôtre, c’est d’être aux côtés du président de la République. Il faut se souvenir que le chef de l’État, en matière de ressources naturelles, qui a fait inscrire, en 2016, dans le référendum, la révision constitutionnelle, l’article 25 (dont) le point 1 (porte) sur les droits nouveaux. ‘’Les ressources naturelles sont la propriété du peuple, et (alinéa 2) qu’elles doivent être exploitées dans la transparence, et pour avoir un avantage économique pour la Nation’’. Telle est la volonté du chef de l’État, et c’est cela la réalité. Derrière, il y a eu des demandes pour davantage de transparence, et sur le site du gouvernement, l’ensemble des contrats de recherche et de partage de production ont été publiés dans leur intégralité. C’est ce qu’on appelle en termes de management, un gouvernement ouvert. C’est-à-dire un gouvernement qui publie, et qui s’ouvre au peuple souverain pour justement rendre compte. Et après cela, l’accord intergouvernemental sur le gaz entre la République islamique de Mauritanie et la République du Sénégal, au Nord. Cet accord, le chef de l’État n’était pas obligé de le rendre public, comme on l’a fait à l’Assemblée nationale pour demander l’autorisation de le ratifier. C’est après nous d’ailleurs que la Mauritanie a dû le faire. Donc, nous avons présenté cet accord et l’avons soumis au débat public à travers les représentants de la nation, tout document publié en annexe de la loi, et cela a été voté dans la transparence, tous les termes signés, et le Parlement a donné l’autorisation au gouvernement. Derrière cela, concertation avec 3 lois : un nouveau code pétrolier, une loi sur le partage des revenus pour protéger les générations futures, et une loi sur le contenu local pour qu’on est à l’horizon 2030 50% de contenu local, c’est cela l’objectif. C’est ce qui est énorme dans la chaîne de valeurs. Que veut le peuple si ce n’est la transparence ? »

Pour vous, il n’y a pas lieu de renégocier ces contrats ?

« Quand on parle de renégociation de contrats, c’est le mouvement populiste, c’est qu’on ne connait pas comment ça marche. Ou est-ce qu’on a vu 2 pays se tromper en même temps : Mauritanie et Sénégal ensemble, avec nos chefs d’État, les ministres, et les experts, tout le monde s’est trompé en même temps et de bonne foi sur un dossier. »


Il y a les autres contrats ?

« Mais tous sont publiés. Ces contrats, c’est les mêmes qu’on signait depuis Senghor. Le code pétrolier, c’est le même. Le code minier, c’est le même. Mais il a légèrement évolué dans le bon sens avec de nouveaux standards. Quand on était encore dans la phase recherche, ce n’est pas la même chose quand on est devenu un pays avec des réserves certifiées. Aujourd’hui, nous sommes beaucoup plus volontaristes dans la démarche. C’est pourquoi on a adopté un nouveau code pétrolier, un nouveau code minier. Et ce que nous voulons aujourd’hui c’est d’aller au-delà des 10% automatiques que les parts que Petrosen a dans ses contrats de recherche et de partage. Nous avons, par exemple, trouvé au Nord du gaz, et vers Sangomar du gaz. Aujourd’hui, le chef de l’État est en train de travailler d’arrache-pied, pour mobiliser beaucoup de ressources au plan international, on est dans des zones de 3 milliards de dollars voire plus, pour racheter des parts supplémentaires aux consortium qui sont en train de l’exploiter, pour que le Sénégal d’aujourd’hui et de demain puissent avoir beaucoup plus que la petite part de 10% que nous avons, de part la loi. Et c’est cela aussi la dette mais une dette productive pour davantage de richesses… »

Les Sénégalais qui sont dans les foyers aujourd’hui estiment qu’ils sont fatigués, que la vie est dure, que les prix ont augmenté sur le marché : l’électricité, l’huile sur le marché. Est-ce qu’à ces Sénégalais qui vous écoutent, vous pouvez leur dire que les choses marchent ?

« Je dirai que les choses marchent, n’ayons pas peur des mots. Le Sénégal vit une transition économique, et une transition sociale qui est multiforme. En 2012, le président de la République a trouvé, ici, une économie fortement duale. Vous aviez une économie des campagnes et (une autre) des villes. C’est cette perspective qu’il souhaite casser. Et fondamentalement, c’est cette dualité qui est crisogène, pose des problèmes. Aujourd’hui, Dieu merci, on ne vit pas certaines situations vécues dans d’autres pays. Le lit du terrorisme, c’est la pauvreté, et si on a une économie fortement duale, qui s’oppose avec la majorité qui vit dans l’extrême pauvreté et une minorité qui capte toute la rente. Forcément, c’est des pays qui se désagrègent. Donc, c’est ce que le président de la République ne souhaite pas. Et dès son arrivée à la tête du pays, le président de la République a justement tout fait pour faire un programme d’inclusion sociale. 300 mille familles les plus pauvres reçoivent des bourses de sécurité familiale. C’est ça qui nous préserve du terrorisme. Dans les pays où il n’y a pas cela, où les pauvres sont laissés à eux-mêmes, c’est facile de recruter auprès des jeunes. Ici, première réponse, inclusion sociale, PUDC, PUMA, PROMOVILLE, on parle de promotion de ma ruralité, économie rurale, des infrastructures rurales pour justement la mise à niveau et casser la dualité. Moins de transfert vers les villes, davantage de budget vers le secteur rural. Les capacités productives multipliées par 3, par 4, dans N spéculations agricoles. C’est ça la vision du chef de l’État. Et nous sommes maintenant dans une grande transition. »

Pourtant, chaque vendredi, des Sénégalais manifestent en disant ‘’No Lank’’ parce que vous avez augmenté le coût de l’électricité au lendemain de votre réélection ?

« Je disais que nous sommes dans une grande transition. Que certains Sénégalais, ce n’est pas la majorité, manifestent, nous les respectons. Je disais que la démocratie, c’est la division du travail : il y a ceux qui gouvernent et ceux qui s’opposent. L’unanimité, c’est une mauvaise chose. Un consensus mou, personne ne le souhaite. Cette transition, c’est quoi ? On quitte une économie qui était fortement dépendante de l’extérieur, et nous sommes en train de migrer dans 2, 3 ans, vers une économie dotée de l’indépendance énergétique. Tant que le Sénégal va importer du pétrole et du gaz pour produire son énergie, il sera exposé aux variations erratiques du marché. C’est-à-dire quand ça baisse, le peuple en profite, on a eu une baisse de 10% ici. Mais quand c’est des mouvements haussiers, nous prenons, et nous n’avons pas des mécanismes justement de matelas, parce qu’il y a des urgences partout. »

Certains disent que vous auriez dû diminuer le train de vie de l’État pour le faire ?

« J’allais dire que nous avons des réponses. La démocratie a un coût. On ne peut pas dire nous voulons davantage de démocratie mais on ne veut pas d’Assemblée nationale, qui va voter les lois ? On ne veut pas d’une Assemblée consultative importante comme le Haut conseil de la République, qui est la voix des collectivités territoriales, etc. Ça a un coût, sur un budget de 4 mille milliards, quand une Institution coûte 10 milliards F CFA, vous voyez le budget de l’État combien ça fait en termes de pourcentage. Donc, l’argent de l’État, il ne va pas dans les Institutions. Il va dans la production. »

Mais quand l’État fait un aveu en disant nous avons acheté des véhicules d’une valeur de 300 à 500 milliards F CFA, et parallèlement, il augmente le prix de l’électricité, et la vie coûte chère, est-ce qu’il n’y a pas quelque chose de paradoxal ?

« Je disais que nous vivons une transition. Dans 2 ans, en 2022, normalement, nous n’allons plus dépendre du marché extérieur. »

Les prix vont baisser ?

« Je dis d’ici là cette fenêtre de tir, si nous ne faisons rien, qu’est-ce qui va se passer ? Nous aurons du pétrole et du gaz, nous allons avoir des centrales électriques, produire le courant mais ce courant nous allons le perdre car ne pouvant pas le stocker, il ne sera pas consommé. Parce qu’il n’ira pas chez le Sénégalais. Résultat de cette réflexion : il nous faut investir dans le réseau et massivement. Le président a réglé le problème des capacités productives, on sait produire du courant aujourd’hui, on l’a trouvé à 573 mégawatts à peu de capacité nationale, on est à plus de 1 200. Lundi, le 24 février, le matin, il va à Taïba Ndiaye, pour le mettre dans le réseau, une centrale éolienne. La première éolienne, faire de l’électricité à partir du vent, dans le pays. Donc, le mix énergie, les énergies propres, tout ça, c’est réglé. Les champs de courant, on en a en pagaille dans le pays. Plus de 20% de ces 1 200 mégawatts, c’est du solaire. Donc, le problème de la capacité est réglé. Mais on a encore un défi c’est l’électrification rurale. Alors, est-ce qu’on doit continuer alors qu’on veut casser cette économie duale, à ignorer le monde rural ? Non. Et ces subventions, de 6% à 10% à peu près, que nous remettons dans le circuit, c’est pour régler la question du réseau.

Et la question du réseau, on va la régler par le MCC (Millennium Challenge Corporation). Le chef de l’État a dit que le don des Etats-Unis de 550 millions de dollars plus 50 millions de dollars de notre part, à peu près 300 milliards de F CFA, on va les mettre dans le réseau. Plus tous les efforts, les programmes d’électrification rurale. Mettons le paquet pour que demain quand nous aurons notre gaz, et notre pétrole, et qu’on sera autosuffisants et indépendants en matière énergétique, que l’électricité puisse toucher tous les Sénégalais. Alors, dans les transitions, ce qui est difficile, c’est de bien comprendre que la marche est une succession de déséquilibres mais qui permettent d’avancer. Et il faut que nous peuple sénégalais, qu’on comprenne cela. »

L’autosuffisance, le mot est lâché. Votre promesse forte est d’arriver à une autosuffisance au moins en riz. Quand on regarde quand même les denrées de première nécessité, nous continuons à importer beaucoup de riz, à l’acheter cher, et d’autres produits. Où est-ce que vous en êtes par rapport à ce programme d’autosuffisance alimentaire de manière concrète.

« Comme on dit ‘’the big picture’’, la grande image. Il faut bien comprendre ce que le président souhaite. La grande image, c’est autosuffisance en énergie, d’où cette transition mais une transition utile, qui transporte le courant vers l’intérieur du pays. Mais derrière qu’on produise plus et une autre couche dessus qu’on transforme davantage. On ne peut pas aller vers l’émergence sans industrialisation. Et ça, c’est le 5e pilier des initiatives présidentielles : cap sur l’industrialisation. Il faudrait qu’on produise davantage, dans toutes les spéculations. Parce que nos populations doublent tous les 25 ans. Regardez le premier plan de développement économique que le président Mamadou Dia avait présenté en 1962, on était 3,5 millions de Sénégalais. Aujourd’hui, nous sommes 16 millions d’habitants. On a doublé en 1985, on était 7 millions, 20 ans après l’indépendance. Vous ajoutez 25 ans, vous êtes en 2010, on est 14 millions. Dans 25 ans, on sera 32 millions. Dans le riz, nous produisons beaucoup plus, on a quitté 400 et quelques tonnes, on est à un million et quelques mais la population aussi augmente. »

Vous l’aviez promis pour 2017. Aujourd’hui, elle n’est pas au rendez-vous, elle le sera quand ?

« Il faut bien comprendre comment marche la riziculture. Du jour au lendemain, on peut changer d’échelle. Tout dépend des capacités emblavées. Il y avait un programme d’autosuffisance en riz que nous mettons en œuvre mais il y a eu un peu de difficultés dans les aménagements dans le Nord. Parce que si on avait réussi à avoir plus de 50 mille hectares, par exemple, 50 mille hectares cultivées 2 fois, ça fait 100 mille hectares. Imaginez si on a 8 tonnes à l’hectare par exemple. 8 tonnes à l’hectare, 100 mille, c’est 800 mille tonnes. Donc, c’est un problème d’emblavement mais les emblavements, c’est de l’argent d’abord, de la coopération internationale pour mobiliser cet argent. Derrière, c’est de l’eau, des motopompes. C’est toute une infrastructure. Et aujourd’hui, nous ne sommes pas encore prêts mais nous travaillons justement pour que sur quelques années, qu’on soit prêt. »

Justement quand vous parliez de l’industrialisation, il se trouve qu’aujourd’hui, des entreprises sénégalaises disent qu’ils sont dans des difficultés. Le Consortium des entreprises (CDE) annonce qu’il va licencier 200 travailleurs du fait de la dette intérieure qui pèse. Que fait l’État du Sénégal pour accompagner ces entreprises à pouvoir tenir ?

« Ce n’est pas la dette intérieure qui pèse sur CDE. CDE a restructuré sa branche construction, 200 travailleurs. Et dans sa restructuration, il dit qu’il perd de l’argent dans cette branche, et qu’il va continuer les routes, etc. Mais paradoxalement, ce n’est pas une affaire d’État. Vous voyez le nombre d’immeubles qui poussent à Dakar. Construits par qui ? Le privé. D’autres entreprises de BTP gagnent énormément d’argent dans la construction. Parce que ces immeubles qu’on voit pousser partout, en ville, là actuellement, les 3 cimenteries tournent en plein régime.

CDE, c’est la branche construction qui perd de l’argent, il ferme. Paradoxalement, je dis qu’aujourd’hui, jamais on n’a construit autant d’immeubles dans le pays. »


aadkr


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