Société

Aminata Touré à Jeune afrique : Karim Wade et les autres ne sont pour l'instant que de simples témoins


Lundi 11 Février 2013

Il y a un infléchissement dans le discours du garde des Sceaux, ministre de la Justice, une volonté de paraître sereine et donc de ne plus trop en faire. Dans une interview à paraître dans la prochaine édition de Jeune Afrique, Aminata Touré Mimi explique le sens pédagogique et historique du procès de Hissène Habré et enfourche comme à son habitude, le cheval de la traque des biens supposés mal acquis mais cette fois-ci, le couteau n'est plus entre les dents mais dans son fourreau. Morceaux choisis.


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CHAMBRES AFRICAINES. Les chambres africaines extraordinaires ont été inaugurées le 8 février dernier à Dakar. Aux yeux de la garde des Sceaux, "c'est une date historique aussi bien pour la justice internationale que pour la justice africaine. L'enjeu était de montrer que l'Afrique, en 2013, est capable de tenir un procès de ce type conformément aux standards internationaux". Toutefois, "l'instruction commence avec la collecte des preuves et témoignages". Le ministre de la Justice évalue cette étape à dix-sept mois. Soit en juillet 2014. C'est après seulement que commencera l'accusation. A ce niveau, la chambre d'accusation fonctionnera comme une procédure pénale classique.

 

HISSENE HABRE. Le procès de l'ancien président tchadien découle d'une ferme volonté politique de la part du régime de Macky Sall. De l'avis de celle qui incarne Dame Justice, "on ne pouvait pas parler de lutte contre l'impunité au Sénégal et ne pas tenir nos engagements concernant le procès. D'autant plus que la Cour internationale de la Justice (Cij) nous a clairement fait injonction, en juillet 2012, de juger M. Habré ou de l'extrader. Nous estimons que les Africains doivent être jugés en Afrique". Saisissant la bal au bond, son estimé contradicteur Medhi Bâ deJeune Afrique l'interpelle : Pourquoi avoir déposé une plainte en France contre dix personnalités sénégalaises dont Karim Wade, plutôt que de solliciter une entraide judiciaire avec Paris dan le cadre d'une procédure instruite au Sénégal ? A ce niveau les réponses deviennent moins convaincantes.  

 

BIEN MAL ACQUIS. Sa défense est la suivante : "Nous avons des raisons d'estimer que le fruit de certaines activités délictuelles a trouvé refuge à Paris. La justice française a donc ouvert une information judicaire (Ij) à la suite d'une plainte que nous avons déposée. Nous deux pays sont signataires de la convention des Nations-Unies contre la corruption, et la France permet la constitution de partie civile. A nos yeux, c'est une opportunité à saisir. Notre objectif, à terme, est de recouvrer les biens mal acquis. Toutes les voies permettant de l'atteindre méritent d'être explorées". A la question de savoir si cette traque ne détournera pas les autorités des priorités des populations, elle reconnaît du bout des lèvres que ce n'est pas l'unique préoccupation des Sénégalais. Mais que les Sénégalais veulent que leur argent soit restitué. "C'est une demande très forte".

 

DES TEMOINS. Pour terminer, Jeune Afrique l'invite à se prononcer sur l'interdiction de sortie du territoire d'une dizaine de personnalités et la plainte devant la Cour de justice de la Cedeao contre la Cour de répression de l'enrichissement illicite (Crei) jugée illégale. A ce niveau, Mme Touré choisit bien ses mots et évite soigneusement de parler d'interdiction de sortie du territoire. Lisez plutôt ! "Il se trouve que le procureur spécial de la Crei estime que les personnes auditionnées doivent rester sur le sol sénégalais. Même s'il ne s'agit pour l'instant que de simples témoins (sic !), on peut demander, dans le cadre d'une procédure, qu'ils restent à la disposition d l'enquête. La Cour de justice de la Cedeao tranchera le 22 février".

 

Il y a une étonnante évolution et un glissement sémantique dans le discours de Aminata Mimi Touré qui invite désormais à la prudence et au respect des droits de la défense. On notera au passafe que Karim Wade, Abdoulaye Baldé, Madické Niang, Oumar Sarr, Ousmane Ngom, Samuel Sarr, Tahibou Ndiaye et autres, sont passés du statut de coupables, à celui de présumés, de celui de présumés à celui de témoins. 

lesenegalais


Williams Logan