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Société

Affaire des 20 mille hectares de Fanaye : Le dossier atterrit à la Cour suprême


Samedi 5 Novembre 2011

L’introduction d’une ‘requête en annulation’ devant la Cour suprême est la seule voie qui vaille d’être empruntée, pour obtenir l’annulation des 20 mille ha de terres attribuées à des privés italiens. C’est pour qu’il en soit ainsi qu’un pool d’avocats vient d’être constitué par la population de Fanaye, avec comme coordonnateur Me Assane Dioma Ndiaye. Le dossier révèle les six raisons qui justifient le refus des 22 villages de la communauté rurale d’adhérer au projet de l’Etat et les dessous d’une attribution ‘arbitraire’ et ‘nébuleuse’ du patrimoine foncier de Fanaye.


Affaire des 20 mille hectares de Fanaye : Le dossier atterrit à la Cour suprême
LA COMMUNAUTE RURALE CEDE 20 MILLE HA A LA SOCIETE SENETHANOL : Les dessous d'une ‘délibération illégale et illégitime’ Les populations de Fanaye sont confrontées, depuis quelques mois, à un ‘sérieux problème d'accaparement de leurs terres’. Il s'agit de l'attribution, à titre privé, d'un terrain de 20 mille ha dans la communauté rurale de Fanaye, à la société Senethanol. Dans le courant du mois de juin 2011, le Prc de cette localité, M. Abdou Karasse Kane faisait parvenir aux conseillers ruraux une convocation en vue de délibérer sur l'attribution d'un terrain d'une superficie de 20 mille ha pour la réalisation d'un projet de ‘production de patate douce’. Les convocations leur ont été envoyées moins de 24 h avant le jour de la délibération du Conseil rural.
Il ressort du dossier que le Pcr avait déjà réussi à créer sa petite majorité et à faire voter le projet avec 23 voix, 21 contre (trois conseillers étaient absents). Malgré l'opposition d'une bonne partie des conseillers ruraux, pour ‘vice de forme’ et pour ‘nécessité de se concerter avec les populations et les chefs de village qui sont des membres de droit de la commission domaniale’, ils n'ont pu réussir à faire revenir à la raison le Pcr qui, comme le révèle le dossier, fut tout le temps assisté par le sous-préfet de Thillé Boubacar.
Ce dernier, qui était même présent le jour de la délibération du 15 juin 2011, n'avait d'ailleurs pas tardé à approuver la décision cinq jours après, sans attendre le délai de 15 jours requis. Les populations de la communauté rurale jugent ‘inadmissible’ l'attribution d'une si grande superficie à une seule personne, fusse-t-elle un ressortissant de Fanaye. A plus forte raison quand il s'agit d'un étranger italien qui est derrière le projet.
Les arguments justificatifs de la requête d’annulation
La lettre du ministre de la Décentralisation et des Collectivités locales donnant un ‘avis favorable’ pour l'attribution du terrain est datée du 30 mai 2011, ‘alors que ni les conseillers ruraux ni les chefs de village et les populations n'étaient au courant du projet d'accaparement des terres de Fanaye’. La convocation du Pcr pour la réunion du 15 juin 2011 porte sur l'attribution d'un terrain d'une superficie de 20 mille ha qu'il a pu faire voter alors que le procès-verbal de délibération mentionne seulement 300 ha attribués. Le sous-préfet a approuvé la décision du Pcr seulement cinq jours après la date de délibération.
Au lieu d'une production de patate douce comme indiquée dans tous les documents (lettre du ministre de la Décentralisation et des Collectivités locales, arrêtées du sous-préfet, délibération de la communauté rurale), c’est la production de tournesol qui a finalement été retenu. Tout cela constitue des ‘zones d’ombre’ et de ‘vice de forme’ qui justifient l’introduction d’une ‘requête en annulation’ devant la Cour suprême, pour obtenir l’annulation des 20 mille ha de terres attribuées à des privés italiens.
ATTRIBUTION ‘ARBITRAIRE’ ET ‘NEBULEUSE’ DU PATRIMOINE FONCIER : Le sous-préfet et le Pcr de Fanaye incriminés
Le collectif des 22 chefs de village de la zone de couverture du projet de 20 mille ha, ‘vivement contesté’ par les populations, incrimine le Pcr de Fanaye, qu’ils accusent d’être à l’origine de cette affaire. Ils demandent de surseoir à l’attribution ‘arbitraire’ et ‘nébuleuse’ de leur patrimoine foncier, en évoquant les ‘manquements intolérables’ du Pcr de Fanaye, Abdou Karasse Kane. Dans la procédure, il est accusé de manipuler une partie du Conseil rural pour ‘bazarder’ une superficie de 20 mille ha, en faveur d’un ‘blanc Israélien’ au détriment des populations de la communauté rurale de Fanaye et des villages de la zone de couverture de ce projet. Les populations notent que depuis son installation à la tête de la communauté rurale, les tensions naissent de partout, avec notamment ces cas de ‘désaffectation’ et de réaffectation ‘arbitraires de terres’.
L’affaire Fanaye constitue le dernier exemple. L’on dénonce une ‘convocation surprenante des conseillers pour une affectation de tout le patrimoine foncier des villages, sans concertation et respect de la procédure’. Karasse Kane est décrit dans le dossier comme une frange de ces ‘conseillers corrompus non soucieux des intérêts et préoccupations des populations de la zone’. Il est présenté comme une personne qui ‘nargue ses administrés avec des déclarations grotesques et accusations graves à l’endroit du gouvernement’.
Les notables de Fanaye se disent surpris et désorientés de l’intervention du sous-préfet - représentant de l’Etat - allant dans le même sens d’appuyer le Pcr. Ils fustigent, jusqu’à la dernière énergie, cette délibération et rejettent cette attribution ‘nébuleuse’ et ‘arbitraire’ du projet qui ne correspond pas à la volonté et au vœu de leurs compatriotes. Ils craignent ainsi une instabilité sociale ainsi que de vives tensions qui peuvent découler de cette situation. Enfin, les notables de Fanaye demandent l’annulation de cette ‘procédure frauduleuse’, pour la paix et la sécurité des citoyens.
Si l’affaire Fanaye atterrit sur le terrain judiciaire, c’est parce que le ministre de la Décentralisation et des Collectivités locales, ceux de l’Agriculture et de l’Intérieur, le gouverneur de Saint-Louis, le préfet de Podor, le sous-préfet de la localité de Thillé Boubacar et autres autorités administratives ont vainement été saisis, pour l’annulation du projet. La coalition de chefs de village, les ressortissants de Fanaye basés à Dakar, au Gabon, aux Etats-unis et en France ont adressé des correspondances administratives aux autorités préfectorales pour dénoncer le projet. Mais la démarche n’a pas enregistré les résultats escomptés. Et c’est là qu’est né le ‘comité de refus’ dans lequel chaque village de la communauté rurale dispose de deux représentants, en plus du chef de village.
DEGATS COLLATERAUX DU PROJET DE SENETHANOL : Les six raisons qui expliquent le refus de Fanaye
Six raisons fondent le refus, par les populations de Fanaye, de l’attribution des 20 mille ha à des privés italiens. Pour elles, le fameux projet représente un ‘danger pour les générations futures’. Ainsi, Fanaye fait part de sa ‘profonde indignation’ et de son ‘refus catégorique’ à cette ‘tentative d'accaparement des terres’ de sa localité. Fanaye pense qu’il est inimaginable que dans une zone où les gens se nourrissent à peine, où la majorité des jeunes s'est expatriée, au lieu d'y implanter des cultures vivrières, l’on opte pour la production de biocarburants et veuille transformer les jeunes en ouvriers agricoles ou plutôt en esclaves, sous le prétexte de valorisation et de création d'emplois.
Ces raisons sont les suivantes. Le projet constitue une expropriation de leurs terres sur lesquelles existent des mares, marigots - où le bétail vient s’abreuver- des arbres nécessaires à la pharmacopée. C’est une atteinte à la biodiversité, avec l’abattement des arbres de l’écosystème. L'exploitation de ces terres est donc source de dégâts environnementaux, souligne-t-on. C’est aussi considéré comme étant une mise en cause de la zone à priorité pastorale, du fait que le projet se situe dans une Zone agro-pastorale à priorité élevage (Zape), d’après le Plan d'occupation et d'affectation des sols de la communauté rurale, adopté en avril 2006.
Le déménagement de la population traversée par le projet constitue une menace, car les populations d'éleveurs et de cultivateurs qui y vivent depuis des siècles seront dans l’obligation d’être déguerpies. Les espaces de pâture pour le bétail, les espaces cultivables, les lacs et les forêts classés vont tous disparaître. Enfin, l’incompatibilité de la production de la patate douce avec la production de la tomate qui, avec le riz, constituent les principales sources de revenus des agriculteurs. Parce que la taille du projet (20 mille ha) occupe 32 % des terres exploitables, y compris les parcours de bétail de la communauté rurale qui correspond à la totalité des terres se situant dans la zone du Walo ; et dans laquelle se trouvent toutes les cultures irriguées de la communauté rurale.
AFFAIRE FANAYE : La ‘corruption’ pour légitimer le projet de l’Etat
Le dossier révèle que pour légitimer ce projet contesté, le Pcr a essayé de gagner le soutien de certaines personnes en proposant aux jeunes de débroussailler la terre avec des haches et des coupe-coupe, moyennant quatre mille francs par jour. Il prétendait ainsi avoir créé des emplois. Un fait jugé étonnant par les populations concernées, car le terrain ne lui appartient guère. Pour elles, c'est plutôt le propriétaire qui devrait s'occuper de l'aménagement. A cette occasion, l’on note que des arbres ont été abattus sans aucune autorisation.
Il ressort du dossier que le Pcr soutenait également que le projet rapporte à la communauté rurale 800 millions de francs. Et ce pactole servira à la construction de deux hôpitaux, 12 forages, des collèges et lycées et d'autres infrastructures. 40 billets pour la Mecque ont aussi été promis aux populations de la localité intéressée. Ces ‘promesses verbales’, n’ayant pas fait l’objet de l’établissement d’un protocole d'accord, n’ont pas gagné l’assentiment des habitants de Fanaye.
Pape NDIAYE
FICHE TECHNIQUE (Source : P.L.D. CR Fanaye, enquête 2009)
La superficie totale de la communauté rurale est de 185 mille 100 ha répartie comme suit :
Terres du Walo : 20 mille 361 ha (soit 11 %)
Terres du Jeeri : 164 mille 739 ha (soit 89 %)
L’ensemble de ces terres est structuré ainsi :
Terres cultivables et parcours bétail : 62 mille 934 ha (soit 34 %)
Forêts réservées : 122 mille 166 ha (soit 66 %)

La Rédaction


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