SEYDOU BAMBA DIOP, EX-PORTE-PAROLE DE SERIGNE MODOU KARA MBACKÉ: "UN PROCHE DE KARA MENACE DE ME TRANCHER LA GORGE"

La volonté de Serigne Modou Kara Mbacké de célébrer le 120ème anniversaire du Grand Magal de Touba à Dakar fait des remous dans son entourage avec la démission de son porte-parole Seydou Bamba Diop. Ce dernier, la quarantaine bien sonnée et père de 3 enfants, se dit victime de menaces de mort de la part des proches du guide religieux. Ayant des craintes pour sa vie, il dit prendre à témoin l’opinion publique sur cette affaire et entend aussi saisir la justice. Entretien.

Vous avez été pendant longtemps le porte-parole de Kara, pourquoi avez-vous décidé de démissionner ?

J’ai décidé de démissionner depuis hier de mon poste de porte-parole de Serigne Modou Kara et de celui de directeur politique de son Parti pour le Vérité et le Développement (PVD) parce que j’étais opposé à la décision de Kara Mbacké de vouloir célébrer le 120ème Magal à Dakar. Pour moi, en tant que fervent mouride, le "Ndigël" de Serigne Sidy Mokhtar Mbacké qui veut qu’on commémore le grand Magal à Touba doit être respecté à la lettre. Le khalife est la seule voix autorisée dans ce domaine. Ainsi, quand il donne des directives, tout bon talibé doit s’y conformer. Parce qu’il est la référence ultime dans la confrérie et que sa volonté ne doit souffrir d’aucune concurrence. Partant de ce fait, appeler à un autre rassemblement outre que celui de Touba est très grave.

Est-ce la seule raison qui vous a poussé à démissionner ?

Vous savez que ce genre de décision répond toujours à une série de frustrations et de divergences. Dans mon cas, il s’agit aussi de divergences dans la gestion et l’organisation du parti, dont je suis membre depuis sa création en 2004. Car je dois rappeler que mon compagnonnage avec Modou Kara Mbacké est d’abord politique au sein du PVD avant de se prolonger sur le plan personnel. Et qu’on n’a jamais eu des rapports de marabout à talibé parce que je suis disciple de Serigne Abdou Rahmane fils de Serigne Mbacké Madina. Cette volonté de Kara de vouloir célébrer le Magal à Dakar a surtout été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase.

Depuis votre démission, vous dites être victime de menaces de mort. Qu’en est-il exactement ?

C’est vrai depuis ma sortie (hier) ; des gens proches de lui ne cessent de me menacer de mort.

Qui sont ces personnes ?

Je ne voulais pas révéler de noms, mais celui qui a été le plus virulent est sans doute Abdou Wahab, un des responsables de Kara Security Grand-Dakar. Il a menacé de me trancher la gorge dès qu'il me croisera. Sur ce, j’ai décidé de saisir les autorités, judiciaires du Sénégal. Ceux qui me connaissent savent que je ne suis pas un poltron, mais il importe d'alerter l’opinion sur les agissements de ces groupes. Et nous sommes dans un pays de droit. La liberté d’association est reconnue à tout un chacun, donc ils n’ont pas le droit de menacer des personnes qui sont en désaccord avec eux.

Est-ce que le guide est au courant de ces menaces ?

Pour vous faire une confidence, je lui ai même parlé au téléphone (hier) et il m’a garanti qu’aucune personne de son entourage ne me fera du mal. Pour lui, les gens qui sont avec lui sont des gens de paix. De toute manière, malgré nos désaccords, je le considère toujours comme un ami.

Pourquoi les talibés de Kara agissent-ils de la sorte ?

Je ne peux le dire. D’après moi, ces actions font partie d’une campagne de déstabilisation parce qu’ils sont même allés jusqu'à me dénier le titre de porte-parole de Serigne Modou Kara en me présentant seulement comme celui du PVD. Ils sont persuadés que je veux nuire à leur leader qui reste toujours un ami malgré la fin de notre compagnonnage. Tout ce que je réclame, c’est qu’il respecte mon choix de démissionner. Peut-être que beaucoup de gens dans son mouvement vont le suivre dans son désir de célébrer le Magal à Dakar. Mais je suis sûr que l’immense majorité des disciples mourides qui reconnaissent la haute autorité de Serigne Sidy Moctar Mbacké n’iront jamais à l’encontre de ses recommandations, lesquelles demandent aux disciples de venir célébrer massivement le grand Magal à Touba comme ils ont l’habitude de le faire depuis 1951. Cela est l’une des bases fondamentales du mouridisme.

Qu’est-ce qui motive cette démarche, selon vous ?

Je ne sais pas. Mais durant notre compagnonnage, j’ai découvert un homme affable et très attaché à la cause de Cheikh Ahmadou Bamba, puisqu’il a décidé d’en faire un projet sociétal autour de son message universel et le slogan de son parti. "Dieuredieuf Bamba" veut tout dire.

Pourtant Kara promet d’organiser une conférence de presse sur la question jeudi prochain...

(Il coupe). Je tiens de certaines sources que la conférence de presse n’aura pas lieu.

Ne voyez-vous pas dans l’attitude du marabout une volonté de s’émanciper de la tutelle de Touba ?

(Il soupire). Je pense qu’il faut lui demander. Tout ce que je sais, c’est que Serigne Modou Kara est très attaché au rôle social du mouridisme et qu’il en a fait son cheval de bataille auprès des marginaux de la société qu’il a mis sur le droit chemin avec le message de Bamba.

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