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Société

Procès Habré : le procureur requiert l’emprisonnement à perpétuité


Jeudi 11 Février 2016

L’un des avocats « sans robe » de l’ancien président tchadien Hissène Habré, autrement dit l’un des ceux qui boycottent ce procès qu’ils jugent « illégal » depuis son lancement en juillet, ne s’attendait pas à autre chose. « Je ne peux pas m’étonner que le procureur ait requis la perpétuité. A partir du moment où il devait répondre, notamment, d’accusations de crimes contre l’humanité, il n’allait pas plaider pour une condamnation à 5 ou 10 ans », déclare François Serres, qui a choisi de plaider dans les couloirs du palais de justice de Dakar plutôt que devant les juges.

De fait, Mbacke Fall, procureur général des Chambres africaines extraordinaires (CAE), constituées spécialement pour juger l’ancien président tchadien, a demandé à l’issue d’une journée de réquisitoire, mercredi 10 février, « la condamnation d’Hissène Habré à l’emprisonnement à perpétuité assorti de la confiscation de tous les biens et objets saisis au cours de la procédure ».
Pas de circonstances atténuantes

« Au regard des éléments de preuve apportés et discutés aux débats, il y a lieu de retenir la culpabilité d’Hissène Habré des chefs de torture, crime autonome, crimes contre l’humanité, et crimes de guerre », a-t-il précisé. Expliquant sa conviction au regard « de l’ampleur des dommages causés aux victimes et aux membres de leur famille ». « Hissène Habré mérite une condamnation à la hauteur des crimes dont il est déclaré coupable. Sa position d’autorité suprême face à la vulnérabilité des victimes qu’il avait la charge constitutionnelle de protéger fait qu’il ne peut pas bénéficier de circonstances atténuantes », a plaidé le magistrat sénégalais.
Tout au long de la journée, le procureur général et ses trois adjoints, rejoignant les plaidoiries des avocats des parties civiles entendues la veille, se sont attachés à démontrer la culpabilité d’Hissène Habré, planificateur mais aussi acteur des milliers de crimes commis par ses services de sécurité (armée, garde présidentielle, police politique – la DDS –, brigade spéciale d’intervention rapide, milices…) durant ses années de pouvoir (1982-1990).

Une litanie de crimes commis pendant 90 mois sur des soldats ennemis dans le cadre de sales guerres, contre les civils d’ethnies jugées rétives, notamment les Zaghawa et les Adjaraï, contre la rébellion des Codos dans le sud du pays, contre des opposants politiques, réels ou supposés, et leur famille. Une interminable énumération de moyens pour écraser toute contestation : enlèvements, tortures, détentions dans des conditions inhumaines, exécutions extrajudiciaires, viols, pillages… « Par son pouvoir exorbitant, Hissène Habré a désarticulé le Tchad », a résumé Mbacke Fall.
« Nous cherchons la justice, pas la vengeance »

L’un des adjoints du procureur général, Moustapha Ka, a prié la cour de « ne pas tomber sous le charme de la victimisation » à laquelle la défense d’Hissène Habré voudrait faire croire. C’est-à-dire victime d’un complot international et notamment de l’ancienne puissance coloniale, alors que la France l’a « longtemps soutenu financièrement, militairement, logistiquement ». « Mais même dans la Françafrique, il y a un moment où l’on ne supporte plus qu’une nation marche au pas sous un drapeau rouge sang », a-t-il ajouté en référence au lâchage final d’Hissène Habré par Paris.

« Hissène Habré est poursuivi pour les atrocités les plus sérieuses et odieuses », a rappelé Reed Brody, conseiller juridique à Human Rights Watch et qui travaille avec les victimes du régime Habré depuis 1999. « Les réquisitions du Procureur sont un signal fort montrant une intransigeance croissante contre les dirigeants accusés d’abuser de leur pouvoir pour commettre de graves crimes », s’est-il réjoui.
De son côté, Souleymane Guengueng, fondateur de la première association de victimes et survivant des geôles d’Hissène Habré, a jugé que son ancien tortionnaire « devrait passer sa vie derrière les barreaux pour ce qu’il nous a fait ». « Nous sommes satisfaits à l’idée que sa prison ne sera pas un sordide cachot, comme les prisons dans lesquelles nous avons été forcés de pourrir. Nous cherchons la justice, pas la vengeance. »
La journée de jeudi, qui pourrait bien être la dernière avant l’énoncé du verdict prévu, au plus tôt, fin mai, sera consacrée aux plaidoiries des avocats de la défense commis d’office par le président des CAE.

LEMONDE.FR





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