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Opinion

Pr Ababacar Guèye, spécialiste du Droit constitutionnel: "Ramener le mandat du Président à 5 ans par la voie parlementaire serait aussi illégal que ce qui a été fait en 2008"


Vendredi 18 Décembre 2015

La polémique sur la manière de réduire la durée du mandat présidentiel de 7 à 5 ans refait surface. Le Pr Ababacar Guèye, spécialiste du droit constitutionnel, rame à contre-courant du Pr Mounirou Sy et de Me Assane Dioma Ndiaye. Il souligne, dans l’entretien qu’il nous a accordé, hier, que «le mandat du Président échappe à la compétence de l’Assemblée nationale».


Le Président a décidé de réduire la durée de son mandat, à travers un référendum. Mais, certains spécialistes du droit lui conseillent de passer par l’Assemblée nationale pour respecter le parallélisme des formes. Vous en dites quoi ?

Je vais commencer par me réjouir de la décision du président de la République de passer par référendum pour procéder à la réduction du mandat présidentiel. Ce faisant, il se conforme sans ambigüité au droit, car c’est la seule voie possible pour modifier le mandat du président de la République, tant du point de vue de la durée, que du nombre. Le domaine du mandat du président de la République constitue une exception matérielle par rapport au droit commun de la révision de la Constitution. Le mandat du président de la République échappe à la compétence de l’Assemblée nationale, selon les dispositions de l’article 27 de la Constitution. Certains estiment, cependant, que la révision de la durée du mandat peut se faire en passant par la voie parlementaire. Leur principal argument est le fait qu’en 2008, la durée du mandat a été révisée par la voie parlementaire. Le problème, c’est que cette révision s’était faite en violation de la Constitution qui ne prévoyait déjà que la voie référendaire. La procédure était anticonstitutionnelle et pouvait être assimilée à une fraude à la Constitution. Ramener le mandat du président de la République à 5 ans, en passant par la voie parlementaire, serait aussi illégal et illégitime que ce qui a été fait en 2008. Si la volonté des autorités est de corriger ce qui a été fait en 2008, en abrogeant l’article 27 par la voie parlementaire, ce serait répondre à une illégalité par une illégalité.

Les révisions constitutionnelles sont légion au Sénégal. Que prônez-vous pour protéger davantage la charte fondamentale ?

C’est vrai que nos Constitutions semblent être particulièrement instables. Mais, on ne peut pas, on ne doit pas interdire les révisions constitutionnelles, car elles permettent d’adapter la Constitution aux réalités socio politiques mouvantes. Il existe, cependant, des éléments de renforcement de la stabilité de la Constitution, dont certains sont déjà intégrés dans notre loi fondamentale. C’est par exemple le fait que certaines dispositions ne peuvent être révisées que par voie référendaire. Il faut, pour plus de protection, inscrire certaines dispositions dans le marbre, en interdisant leur révision - ça pourrait être une excellente idée pour le mandat du président de la République - ou alors faire comme dans certains Etats, où à chaque fois que le Parlement adopte une révision de la Constitution, le mandat des députés est remis en jeu devant le suffrage universel, et ce n’est jamais agréable ni commode de se présenter devant le suffrage universel.

A votre avis, que faut-il faire pour que la séparation des pouvoirs soit une réalité en Afrique ?

Dans la plupart des Constitutions modernes africaines, la séparation des pouvoirs est prévue. Le problème, c’est son effectivité. Et ça, c’est un problème institutionnel et un problème d’hommes. Il faut que les institutions s’affirment et assument tous leurs pouvoirs, tous les pouvoirs qui leur sont attribués par la Constitution, au lieu de rester sous la coupole du président de la République. En effet, l’absence de séparation de pouvoirs se fait au profit du président de la République. Il faut aussi que les juridictions constitutionnelles jouent pleinement leur rôle et s’imposent aux pouvoirs politiques. Il faut, enfin, que nos dirigeants se comportent en démocrates et respectent les règles du jeu et les lois et règlements. Ce qui se passe, par exemple, au Sénégal actuellement, est inacceptable pour un Etat de droit. La Cour suprême qui est la juridiction la plus élevée en matière administrative voit sa décision être remise en cause par un membre du pouvoir exécutif qui refuse simplement d’appliquer un de ses arrêts. Cette situation nous met tous en danger.

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