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Société

Pélèrinage 2016 aux lieux saints de l'Islam: Craintes d'une édition ratée


Mardi 2 Février 2016

Le pèlerinage aux lieux saints de l’Islam a été dramatique en 2015. Marqué au début par de nombreux couacs au Sénégal avec l’abandon de 131 candidats au Hajj régulièrement inscrits, il s’est terminé par une tragédie. La bousculade meurtrière de Mina a coûté la vie à 62 Sénégalais (officiellement) qui resteront à jamais en Arabie Saoudite. La gestion cahoteuse de ce dossier a précipité la dissolution du Commissariat général chargé de l’organisation du pèlerinage. En attendant l’ouverture de larges concertations, avec les différents acteurs, pour la mise sur pied d’une nouvelle structure plus adaptée, des islamologues et autres prédicateurs diagnostiquent les failles de la défunte commission et dessinent les contours de la nouvelle entité annoncée pour une meilleure organisation du Hajj. D’ailleurs, selon nos sources, une équipe dirigée par le secrétaire général du ministère des affaires étrangères et des sénégalais de l’extérieur, Amadou Kébé, s’est rendue en Arabie Saoudite pour une visite d’inspection.


Pélèrinage 2016 aux lieux saints de l'Islam: Craintes d'une édition ratée
  
AU-DELA DES COUACS, LE DRAME 
  
Le pèlerinage aux lieux saints de l’Islam n’a pas été de tout repos en 2015. Dès le début, il a été entaché d’irrégularités. Les consultations médicales ont été faites avec difficultés. La grève du Syndicat autonome des médecins du Sénégal (Sames) a retardé les activités qui seront prolongées d’une quinzaine de jours.  Cette étape dépassée, les pèlerins sénégalais ont fait face à d’autres problèmes: le nombre d’inscrits dépassant largement le quota de 10.500 pèlerins réservés au Sénégal, plusieurs pèlerins sont ainsi laissés en rade à Dakar. Certains partiront finalement en Arabie Saoudite par vol spécial affrété par le chef de l’Etat, d’autres rebrousseront chemin faute de …visas.  
Ces problèmes ne constitueront, enfin de compte, qu’une goutte d’eau dans la mer. La bousculade meurtrière de Mouna, à l’étape de la lapidation de Satan (le maudit) a emporté plusieurs Sénégalais. 62 de nos compatriotes resteront à jamais en terre saoudienne. Chiffré à 5 au début du drame, le nombre de décès à très vite pris une vitesse vertigineuse. Quotidiennement, la cellule d’appui psychologique et d’aide aux pèlerins mise sur pied par les autorités étatiques, quelques jours après la catastrophe, publie une liste de nouvelles victimes. Au final, le nombre de morts a très vite atteint 62.  
  
DISSOLUTION DE LA COMMISSION NATIONALE, ET APRES 
  
Et, comme si cela ne suffisait pas, comme au départ, le retour des pèlerins sénégalais n’a pas été facile. Des retards sont notés sur certains vols. La compagnie Sénégal Airlines explique qu’ils «sont consécutifs à la programmation des vols à Djeddah et concernent uniquement les opérations de Flynas, une compagnie aérienne saoudienne partenaire». En effet, depuis plusieurs années, voire plus d’une décennie, l’organisation du pèlerinage aux lieux saints de l’Islam est souvent émaillée d’incidents, même si le summum de ces couacs a été atteint l’année 2015.    
  
Autant de manquements qui auront accéléré la dissolution du Commissariat général au pèlerinage, le plus en plus de voix s’élevant déjà pour réclamer la tête du patron de cette structure. Ce dossier mérite un traitement minutieux en vue de la mise en place d’un système d’organisation cohérent et intégré du pèlerinage à la Mecque et dans lequel se retrouveront tous les acteurs. L’édition 2016 du Hajj devant se préparer dès à présent, pour ne pas être pris de court, les autorités ont intérêt à engager de larges concertations avec tous les acteurs concernés, la réflexion et les échanges d’expériences avec les universitaires, religieux, voyagistes et experts, entre autres, pour remédier à pareils problèmes à l’avenir.  
  
COMMENT EVITER UN  PELERINAGE 2016 PROBLEMATIQUE ?
 
  
Car, nombre de voix s’étaient élevées alors, en perspective des consultations pour la mise en place d’une nouvelle entité en charge du pèlerinage, pour souligner qu’il ne suffit pas d’être arabisant ou de parler arabe ou anglais pour réussir une bonne organisation du Hajj. Certes, parmi les critères pour un succès dans l’organisation de ce pilier de l’Islam, ces deux langues sont importantes, l’arabe et l’anglais étant les langues de communications en Arabie Saoudite qui définit les contours de l’organisation générale du Hajj pour le monde musulman. Mais les entités nationales comme la nôtre ont besoin aussi d’avoir, à leurs têtes, de vrais managers, qui maitrisent bien le Hajj, ses exigences et obligations, qui connaissent bien la sociologie et même la psychologie des Sénégalais qu’ils sont censés coacher, qui soient capables d’imposer des positions et visions quand c’est nécessaire, pour canaliser toutes velléités et sources de …désordre (d’où qu’elles viennent) pouvant impacter la bonne organisation du pèlerinage.  
  
Aussi, conscient que la seule question du respect des quotas ne suffit pas pour régler les problèmes, le choix des missionnaires, l’indiscipline, l’âge et l’ignorance de certains pèlerins, les influences des gouvernants et autres hommes politiques dont les billets offerts à tout-va faussent le jeu et compliquent la situation à la commission nationale, la propension de certains sénégalais à aller 5 à 10 fois consécutives, voire plus, à la Mecque, etc. méritent un sérieux questionnement. De même, la privatisation progressive de l’organisation du pèlerinage envisagé l’Etat, avec appel d’offre, suppose des préalables: n’est-il pas temps pour les autorités étatiques de mettre de l’ordre dans la pléthore  d’agences de pèlerinage, en restant très regardant dans l’attribution des autorisations ? Quid des responsabilités de chacun (Etat et privé) à situer  dans les nombreux couacs déjà notés ? La future structure en charge du pèlerinage devrait-elle rester toujours sous tutelle du ministère des Affaires étrangères ou être rattachée à la Primature ou à la Présidence de la République ? Des consultations nationales inclusives ou des  d’assises nationales sur pèlerinage devraient aider à la prise de la bonne décision.   
  
IYAN THIAM, PRESIDENT DU CONSEIL SUPERIEUR ISLAMIQUE DU SENEGAL : «L’Etat ne peut pas se désengager de l’organisation et laisser tout aux agences privées»
 
  
L’organisation du pèlerinage à la Mecque n’est pas chose aisée. Et pour la réussir, recommande le président du Conseil supérieur islamique du Sénégal, Mourchid Ahmed Iyan Thiam, l’Etat ne doit pas se désengager de l’organisation et laisser toute la tâche aux agences privées. A son avis, sans l’appui de l’Etat, aucune structure ne peut prendre en charge l’organisation du pèlerinage qui requiert beaucoup de moyens. Mieux, a-t-il jugé, si la privatisation est nécessaire, il faut que les agences choisies soient capables de convoyer les pèlerins dans de bonnes conditions. Pour Ahmed Iyan Thiam ces structures (leurs membres) devront également maîtriser les lois et comprendre la langue arabe.  
Aussi, pour une amélioration des conditions du voyage, le président du Conseil supérieur islamique du Sénégal pense que l’âge des pèlerins devra être pris en compte. Selon lui, il est nécessaire que ceux désirant aller à la Mecque aient une condition physique leur permettant de supporter la fatigue. Il est aussi nécessaire que les va-et-vient de certains pèlerins soient contrôlés. Seul le premier voyage (le premier pèlerinage) est une obligation, souligne Ahmed Iyan Thiam.  
  
S’agissant du profil du prochain commissaire ou patron du la future structure à mettre en place pour l’organisation du Hajj, Ahmed Iyan Thiam trouve qu’il ne doit pas être choisi en fonction de son appartenance politique ou ses moyens financiers. Il devra remplir un certain nombre de critères au préalable et être en mesure de guider le pèlerin dans l’accomplissement du cinquième pilier de l’Islam. 
  
BAMBA NDIAYE, ANCIEN MINISTRE CHARGE DES AFFAIRES RELIGIEUSES : «Il faut une agence rattachée à la présidence dirigée par un commissaire avec rang de ministre» 
 
 
L’ancien ministre chargé des Affaires religieuses, Bamba Ndiaye trouve que pour une meilleure organisation du pèlerinage à la Mecque et éviter les couacs récurrents, comme ce fut le cas l’année écoulée, il faut rattacher la Commission d’organisation du Hajj à la Présidence de la République. Mieux, estime-t-il, le Commissaire général et les agences de convoyages des pèlerins devront répondre à certains critères.  Entretien.  
  
L’Etat a dissous la Commission nationale et envisage d’engager une large consultation pour la mise en place d’une nouvelle structure. A votre avis, faut-il remplacer la commission par une autre structure étatique ou privatiser l’organisation du pèlerinage ? 
 
  
J’opte pour la privatisation. Il faut carrément privatiser. L’Etat ne doit être qu’un facilitateur et il aura une Commission d’encadrement et de surveillance. Il faut que l’Etat régule les agences et crée une agence unique rattachée à la Présidence. Dans ce cas, les agences de voyages pourront convoyer des pèlerins. Mais là, il faudrait procéder par appel d’offre extrêmement serré car des agences qui n’ont pas les moyens vont entrer dans la danse et ça ne marchera pas. Afin d’être agréé pour convoyer des pèlerins à la Mecque, il faut être une agence créée dans les règles de l’art, mais aussi il faut qu’on lui exige d’avoir une ressource humaine, des ressources financières. Il y a des agences qui n’ont aucun moyen et ne comptent que sur les versements des pèlerins. En plus de cela, il faut un Commissaire au rang de ministre.  
  
Pourquoi ? 
  
Cela diminuera les lourdeurs administratives. Le commissaire n’aura pas à traiter avec le ministre des Affaires étrangères, mais le Premier ministre et en dernier lieu le président de la République. Il y a aussi le fait qu’en Arabie Saoudite il y a un ministre chargé du Pèlerinage et il a un rang de ministre. Si vous êtes chef de mission et que souvent vous n’avez pas rang de ministre, il peut arriver que vous en soyez victime. Il privilégie ses collègues. 
  
En dehors d’avoir un rang de ministre, quel devrait être le profil du nouveau gestionnaire du pèlerinage pour éviter les couacs ?  
  
Il faut qu’il soit un manager, capable de diriger des personnes et d’organiser des voyages pour donner un bon rendement. Il faut qu’il soit quelqu’un qui comprend la langue arabe. En Arabie Saoudite, il sera en contact avec les autorités saoudiennes et généralement ces gens ne parlent que l’arabe et l’anglais. Il faut aussi qu’il soit quelqu’un de très ouvert parce qu’il a à encadrer des gens qui sont pour la plupart analphabètes. Il doit être capable de composer avec toutes les catégories de personnes. Il faut aussi que l’Etat lui donne les moyens qui lui permettront de traiter d’égale à égale avec les autorités saoudiennes.  
  
Est-ce cela qui explique les couacs notés dans l’édition précédente ? 
 
 
En vérité, l’organisation du pèlerinage à la Mecque n’est pas chose aisée.  Il s’agit de convoyer des milliers de personnes dont la plupart n’a jamais connu Dakar. Par conséquent, les convoyer de Dakar à la Mecque ne peut qu’être compliqué. Il y a aussi, au Sénégal, le caractère hybride de la commission: il y a une partie qui est convoyée par les privés, une autre par la commission. Par contre, ce qui s’est passé l’année dernière est quand même un fait inédit. C’était une mauvaise organisation, un manque criard que tout le monde a pu constater du début à la fin. Les raisons sont connues.  D’abord le commissaire n’était pas à sa place. Les gens l’avaient dit au moment opportun. Il ne s’y connait pas. C’est un général d’Armée qui connait mieux la conduite des troupes que la conduite des pèlerins. Il ne comprend pas l’arabe. C’est très difficile pour quelqu’un comme ça de diriger une mission du pèlerinage à la Mecque. C’est ce qui a fait qu’il a eu un débordement.   
  
Le problème ne se situe-t-il pas au niveau du quota réservé au Sénégal et qui était largement dépassé ? 
  
Les quotas ne sont pas un grand problème. Le Sénégal n’a même pas épuisé son quota. Nous avions un quota de 10.500 pèlerins, malgré tout on a eu beaucoup de problèmes. Nous n’avions pas épuisé notre quota, seulement il a été très mal utilisé. Au niveau des quotas, quand même, les autorités saoudiennes sont assez souples. Généralement après l’attribution du quota, le commissaire demande 1000 autres places supplémentaires, ce qui peut être accepté très souvent. Mais à condition qu’il le demande au bon moment. Ces places sont destinées aux personnes que la Présidence, les ministères et les autorités envoient aux derniers moments.  
  
Et les Sénégalais qui effectuent plusieurs fois consécutives le pèlerinage à la Mecque. Est-ce normal ? 
  
On ne peut pas interdire à des Sénégalais d’aller plusieurs fois à la Mecque. C’est vrai que si on pose le principe de quota et qu’on trouve enfin de compte que tous les Sénégalais ne pourraient plus aller à la Mecque à la fois, dans le critère de sélection, l’Etat gagnerait à mettre en avant celui qui n’a jamais été à la Mecque.  Celui qui n’a jamais été à la Mecque a une obligation à remplir alors que celui qui y a été une fois a rempli son devoir de musulman.   

 Sud Quotidien
 



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