POINT DE VUE: BENNOO REPREND DES COULEURS

Sans tambours ni trompettes, la fantomatique coalition Bennoo Bokk Yaakaar, a tenu samedi sa première réunion ès qualité, autour du président de la République, Macky Sall. La relative discrétion qui a entouré cette grand’messe tardive révèle à l’évidence une gêne en toile de fond.

Comment une superstructure censée inspirer, accompagner et renforcer l’action gouvernementale a fini par se transformer en un champ clos de toutes dérives éthiques ? En deux ans d’existence, Bennoo Bokk Yaakaar ne s’est rien épargné : querelles byzantines, invectives, infidélité, arrogance, et pour tout couronner, franche adversité et opposition pure et simple.

Les dernières élections municipales et départementales ont révélé toutes les facettes de cette déliquescence rampante, qui aurait pu déboucher tout naturellement à l’éclatement.

Peu s’en est fallu en réalité. Sans doute la défaite de l’APR à Dakar et dans certaines grandes villes, la dégradation de l’image présidentielle et le peu d’espérance qu’ont suscitée ses gouvernements ont fini par rappeler aux protagonistes l’impérieuse nécessité d’une entente. C’est cela l’habileté politique.

L’arrogance des ténors de l’APR, leur boulimie politique, la reddition de l’AFP, l’apathie du PS, le poids électoral insignifiant des partis de gauche (LD, PIT, AJ et autres), l’éparpillement de la galaxie «Macky 2012», constituent les principaux ingrédients d’une union soporifique et sans réelle base éthique. Sans plate-forme. Sans vision. Sans manuel de procédures. Forcément sans existence, autrement que formelle.

Le sort réservé, par les uns et les autres aux conclusions de la Commission nationale des réformes des institutions (Cnri) démontre bien la profondeur des divergences au sein d’une coalition des malentendus. Il en est ainsi de l’ambiance politique qui a entouré le vote et l’adoption de l’Acte 3 de la Décentralisation. Elle a bien entendu négativement déteint sur les élections, avec les résultats qu’on sait.

Aujourd’hui que l’opinion est agacée par les combines politiciennes, les promesses non tenues, les Sénégalais englués dans une crise économique durable et en proie au désespoir, les acteurs politiques d’une majorité factice semblent enfin, se réveiller de leur torpeur.

La berlue n’a que trop duré se disent-ils enfin. Et la réactivation de la coalition hirsute se présente alors comme une alternative... de sauvetage. La lecture des conclusions de ce face-à-face inédit entre les Chefs montre une certaine langueur à travers la généralité de propos sans engagements décisifs.

Des déclarations d’intention, un optimisme de façade, un volontarisme obligé, ne suffiront pas, loin s’en faut, à retricoter les mailles déchirées d’une coalition qui n’a existé qu’au moment du banquet des vainqueurs. Pour partager le gâteau de la victoire ! Aujourd’hui c’est le retour de manivelle !

Un séminaire de la conférence des Présidents est annoncé pour mi-octobre. Avant cela, des rencontres au niveau des plénipotentiaires devraient avoir lieu, précédée elle-même de discussions dans les bases, pour sceller une bien hypothétique entente.

Mais ce calendrier est irréaliste. Ce mois d’octobre est très chargé par la rentrée des classes, la célébration de la fête de tabaski, la préparation de la conférence de la Francophonie et sans doute aussi, les concertations avec les acteurs de l’enseignement supérieur public, pour sauver une année universitaire largement affectée. Jusqu’ici Bennoo n’a été d’aucune utilité à l’émergence de ces réponses, si tant est qu’il ait existé.

Les discussions politiques autour des incongruités de la coalition Bennoo sont loin d’avoir la priorité sur les grosses préoccupations pour un hivernage déficitaire, une campagne agricole ratée, et le maintien, voire le renforcement de la prévention contre la pandémie rampante du virus Ebola. A moins que dans la perspective de ces grands chantiers, le Président Macky Sall veuille s’entourer d’une coalition forte comme un bloc de granit, pour y faire face.

Une solution politicienne restera toujours dans les limites de celle qu’elle est. Elle n’empêchera pas les Sénégalais de continuer à vivre dans le blues, si des réponses rapides et efficaces à leurs récurrents et inclassables problèmes existentiels.

En mi-mandat, trop d’incertitudes planent encore sur les réelles capacités de la majorité même à recréer l’espoir à défaut de pouvoir créer les conditions d’accès aux richesses et moyens pour nourrir, vêtir, soigner, éduquer nos concitoyens et moderniser la vie de nos compatriotes.
SENEPLUS