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Moustapha Mamba Guirassy : « Il ne faut pas que Wade soit poussé vers un discours qui ternit son image... »


Mardi 22 Avril 2014

« Un conseil des ministres à Kédougou est une revanche sur l’histoire… Macky est dans un système qui ne lui permet pas d’avoir les coudées franches…Il a tout pour être un excellent Président…Lorsqu’on veut punir un fonctionnaire, il fallait l’affecter chez nous à Kédougou…Wade ne devra pas tenir un discours qui puisse ternir son image… J’ai des choses à dire!» Telles sont quelques unes des déclarations de Moustapha Mamba Guirassy, issues de notre entretien...


Moustapha Mamba Guirassy : « Il ne faut pas que Wade soit poussé vers un discours qui ternit son image... »
Dakaractu : Kédougou qui accueille le conseil des ministres à la 9ème position, rien de frustrant ? 

Moustapha M Guirassy 
: Non du tout. Je pense que le Chef de l’Etat a son agenda. L’essentiel c’est que nous puissions abriter le conseil des ministres. C’est Kédougou, par ma voix, qui exprime sa profonde gratitude. On aurait dit cela à un habitant de la localité en 1962, il aurait déclaré impossible qu’un conseil des ministres se tienne ici. 

Dakaractu : La somme de 192 milliards FCFA… modique non ? 

Je n’ai pas un problème de chiffres. On m’aurait offert 1000 milliards FCFA. Ils n’auraient pas suffi pour assurer toutes les dépenses et tous les investissements nécessaires au décollage économique de Kédougou. Le conseil des ministres au Sénégal Oriental a une tout autre signification. C’est comme si on prenait une revanche sur l’histoire. L’histoire qui commence à partir de 1962 avec l’arrestation de Mamadou Dia. Une arrestation et une déportation vers des prisons construites à cet effet à Kédougou. Mais en même temps qu’on construisait ces prisons à Kédougou, on était en train de construire les prisons qui devaient enfermer pour longtemps le destin de Kédougou, dans tout ce qu’on appelait Kédougou-pénitence, Kédougou-prison et où on assimile l’image de Kédougou à tout ce qui est malfrat de la nation, tout ce qui est prisonnier, qui est malpropre. Lorsqu’on veut punir un fonctionnaire, il fallait l’affecter chez nous pour se réjouir car, à coup sûr, la sanction allait être à la hauteur de la faute. Cette image a été celle de l’autorité centrale. Cette étape, elle est importante. L’enclavement de Kédougou y a été pour beaucoup. Au fil du temps, il y a eu évolution avec notamment la réalisation de la route Dialacoto-Kédougou. C’était physiquement par des infrastructures, le désenclavement de Kédougou … par les télécommunications, c’était notre première télévision et notre première radio. Et là on a pu montrer un peu plus le potentiel de cette localité avec les chutes de Dindifélo, les mines, certaines potentialités. 
En 2007-2008, Kédougou a été finalement érigée en région. C’était l’apothéose! Mais très vite, on est tombé sur ce qu’on appelle les émeutes de 2008 avec la mort de Sina Sidibé. On se rend compte que les choses ont changé avec ces transformations et surtout avec la présence des multinationales, l’exigence sociale des jeunes, la demande d’emploi et le niveau de pauvreté, les mutations… Tout cela a installé Kédougou dans un semblant de chaos qui s’est soldé par ces émeutes. Et l’autorité centrale a été dépassée. On était très surpris de ce qui se passait. Et aujourd’hui, nous sommes en train de vivre d’autres moments, qui espérons-le, vont faire progresser les choses. Quand ceux qui prennent les décisions et qui ne connaissaient pas nos réalités viennent écouter, par eux-mêmes le cri de cœur de quelqu’un de Nénéfécha qui sollicite de l’aide pour son hôpital rempli d’enfants mourants, l’espoir renaît. Les 192 milliards peuvent être relativement peu, mais symboliquement leur présence ici m’autorise à penser qu’il y aura une rupture. 

Dakaractu : Kédougou, terre pauvre et déserte devenue région depuis 2008, la charrue avant les bœufs certainement ? 

Non au contraire, il fallait par rapport au sentiment d’appartenance au Sénégal et ce sentiment de fierté, nous émanciper, nous arracher de cette prison dans laquelle nous sommes depuis 1962. Je pense que cela a libéré l’accélération du développement de Kédougou. De 2007 à aujourd’hui, le développement a été spectaculaire en terme de plan démographique, en terme d’investissements. L’érection en région est une bonne chose. Maintenant, il faut que tout le monde sache que la vocation première de Kédougou n’est pas minière, mais agricole : c’est l’élevage, la culture. Je comprends le sens de votre question. C’est qu’en mettant en avant les mines, nous ne sommes pas prêts. Nous n’avons pas tous les réceptacles pour accompagner cela. Nous ne sommes pas prêts pour ce qui concerne l’insécurité. Nous recevons plus de quinze nationalités. Même l’Etat n’est pas préparé. Rendez-vous compte : aujourd’hui, les enfants quittent l’école pour aller dans le dioura faire dans l’extraction minière et tout de suite, il y a de nouveaux riches. Conséquence, l’eau coûte beaucoup plus cher, le poivre et toutes les autres denrées. Les commerçants préfèrent aller vendre aux riches à des prix exorbitants plutôt que de les écouler auprès des populations. Elles souffrent terriblement de cette situation. 

Dakaractu : L’Etat, selon vous, a-t-il mis le doigt sur les priorités au terme du dernier conseil des ministres ? 

Il ne s’agira pas de régler les problèmes immédiats, mais il s’agit dans la durée de mettre en place des infrastructures structurantes. Et encore une fois, Kédougou doit assurer une certaine vocation pour permettre au Sénégal de décoller et d’être un pays émergent. Est-ce que maintenant, Kédougou a les infrastructures ferroviaires nécessaires ? Sans le rail, il n’est pas possible d’exploiter le marbre, parce que ce ne sont pas les camions qui vont le transporter. C’en de même avec l’or. C’est ce que je n’ai pas senti dans ce qui a été dit lors de ce conseil des ministres. Peut-être que c’est juste un début et qu’on peut espérer que les choses évoluent dans ce sens. 

Dakaractu : Des pauvres assis sur des mines d’or. Un réel paradoxe ? 

Oui, en effet ! C’est qu’il est temps que les sociétés minières jouent véritablement leur partition, c’est-à-dire qu’elles soient socialement responsables, en offrant plus d’emplois aux autochtones, en investissant plus dans la formation au lieu d’aller chercher des travailleurs déjà formés à Dakar. L’emploi doit aussi être agricole. Il doit aussi être créé dans le secteur de l’élevage. Seulement, aujourd’hui, les terres sont délaissées par les jeunes, les populations. Ce qui risque de se passer, c’est quelqu’un du Baol, de Kaolack…de la Chine qui viendra occuper les terres.  

Dakaractu : Vous êtes maire sortant de Kédougou. Êtes-vous satisfait de votre bilan ? 

Je ne suis personnellement pas satisfait. Parce que je veux toujours plus pour ma commune. Ce qui me réconforte, c’est la satisfaction des populations, des réalisations qui ont pu être faites en trois, quatre ans. Pour en citer quelques-unes, c’est la principale route à l’entrée de Kédougou, les routes intérieures qui ont toutes été grattées, l’électrification, une enveloppe de plus de 100 millions pour renforcer ce volet électricité, un stade rénové, l’octroi de 90 millions qui m’a été annoncé hier et que je dois ajouter à ces travaux de rénovation, la construction de l’hôtel de ville autour de 200 millions, la réalisation d’un nouveau marché, la construction d’une centre multimédia avec des partenaires, des conventions signées avec des partenaires français , italiens, la construction d’une gare routière que nous allons inaugurer dans les semaines prochaines, des emplois créés , la création d’un complexe frigorifique en rapport avec le Gouvernement du Sénégal , la construction d’un complexe multimédia de plus de 200 millions, une laiterie, des ponts, un lotissement de 3000 parcelles, etc… Tout cela pour un budget de 300 et quelques millions. 

Dakaractu : Naturellement, vous êtes candidat à votre propre succession ? 

On m’a demandé d’accepter. J’ai voulu servir mon pays et ma ville autrement. Mais des amis et des parents m’ont demandé de rester. Alors, oui, je serai candidat à ma propre succession. Si je suis réélu, j’essaierais de mettre les bouchées doubles...  

Dakaractu : Vous avez été ministre de la République quand-même ? 

Vous savez…2008 a surpris tout le monde. La Gouvernance venait d’être créée, la préfecture brûlée. Depuis nous n’avons cessé de réclamer cela à l’Etat du Sénégal. Je crois que ça a tardé. Je me rappelle en 2011 ou 2012, c’était prévu dans le budget du ministère de l’intérieur. La réfection de certains sites… Cette année, nous sommes très contents avec le Président Macky Sall qui s’est engagé à faire tout cela, surtout avec la construction d’un commissariat et l’hôtel de police. C’est la continuité de l’Etat même si le défunt régime n’a pu réaliser tout cela. 

Dakaractu : Quel genre de relations entretenez-vous avec le Président Macky Sall ? 

Elles sont strictement républicaines. Depuis qu’il a été élu, je n’ai jamais eu l’occasion de lui serrer la main, sauf il y a une semaine quand il m’a reçu en audience avant de venir ici, pour parler de sa visite et pour partager avec moi certaines préoccupations des populations de Kédougou. Chose que j’ai beaucoup appréciée. Quand le Président de tous les Sénégalais vous reçoit, c’est un grand honneur, un motif de fierté. Voilà les types de relations que nous avons. Nous nous sommes mobilisés en républicains pour accueillir notre chef d’Etat et encore une fois ce n’était pas du tout le lieu pour parler politique. Je ne voulais pour rien au monde rater cette occasion de bien recevoir le Président et ses ministres. 

Dakaractu : Vous quittez le PDS pour créer un mouvement. Pourquoi ? 

Pour être plus libre. J’ai des choses à dire. Je n’ai pas souvent été libre de dire comment je vois les choses. Lorsque l’on est dans une logique de parti, on est obligé de suivre une voix, un discours . On est formaté d’une certaine façon. Je n’exclus pas d’être un jour candidat à la Présidentielle. Il n'y a aucune raison, en tant que Sénégalais d’exclure une telle ambition. J’assume mon destin. J’ai créé mon mouvement pour agir... 

Dakaractu : Wade qui revient au Sénégal. Vous trouvez cette décision pertinente ? 

Je pense que le fait qu’il reste longtemps en France est anormal. Revenir au bercail, revoir ses fils, ses amis, des paysans qui l’ont chéri, tous ceux-là qui l’ont accompagné jusqu’à sa chute. Il n’y a rien de plus normal. Sa venue ne devrait pas être considérée comme une chose exceptionnelle. Si je suis à Dakar, j’irai l’accueillir absolument. Je continue de garder de lui d’excellents souvenirs. Il a été un maître pour moi. Il a été un grand homme, Sénégalais, d’Afrique qui a fait de très grandes choses. On devrait mettre en avant ses combats pour la démocratie, ses combats pour l’amour qu’il a porté aux jeunes, à l’école sénégalaise, même si dans toute comptabilité, il y a du passif et de l’actif. Le pays n’a pas le droit de piétiner tout ce qu’il a fait. Je ne suis pas d’accord lorsque la jeunesse veut bafouer cela, lorsqu’une administration ne reconnait pas cela. Il faudrait comprendre que c’est un ancien Chef d’Etat qui mérite tous les égards à la hauteur de son rang, ne serait-ce pour la postérité. Ce qu’il faudra éviter, toutefois, c’est que ses proches le poussent dans certains discours qui ne feront que ternir son image, cette image positive que nous devons retenir de lui. 

Dakaractu : Macky Sall, un bon Président de la République, selon vous ? 

Je crois qu’il a tout pour être un excellent Président. Il a occupé toutes les fonctions essentielles, importantes pour piloter le pays. Maintenant, il est dans un système politique qui ne lui permet pas d’avoir les coudées franches avec ses alliés qui ne partagent pas du tout le même espace ou le même horizon temporel. Il inscrit son action dans la durée… pour 25, 30 ans suivant ses planifications. D’autres sont là pour gérer des réalités qui ne devraient pas dépasser deux ou trois années. Je lui souhaite une réussite. C’est à ce niveau que c’est extrêmement difficile. L’autre problème, c’est l’appareil politique qu’il a, son parti l’APR. Je vois le discours qu’il y a sur la transhumance qui enferme le Président, enferme les énergies. Tout cela ne fait que paralyser l’efficacité qu’il devrait avoir. En républicain maintenant, lorsqu’il s’agira de critiquer, il faut le faire positivement. Il faut aussi savoir féliciter quand il le faut. Il faut savoir construire parfois...



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