Me Ciré Clédor Ly sur le limogeage du Procureur spécial Alioune Ndao «S’il a été démis de cette façon, c’est parce qu’il y’a un conflit avec l’autorité politique»

Le Procureur spécial près la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei), Alioune Ndao, a été démis de ses fonctions, hier, en pleine audience. Les raisons de son limogeage ne sont pas encore connues. Me Ciré Clédor Ly, avocat de Karim Wade, parle d’une gifle, une humiliation envers quelqu’un qui, peut-être en toute innocence, servait l’Etat. Le procès de Karim Wade est suspendu jusqu’au 1er décembre prochain. Cheikh Tidiane Mara sera désormais Procureur spécial.
Le Procureur spécial, Alioune Ndao a présidé, hier matin, l’audition du témoin Mansour Gaye à la barre de la Crei. L’audience a été suspendue à 12 heures 50 minutes par le Président Henry Grégoire Diop qui, évoque une urgence. A ce moment, le limogeage de Alioune Ndao était déjà connu de nombre de personnes. Sans en savoir les raisons. Il a fallu attendre jusqu’à 15 heures 20 minutes pour voir les membres de la cour reprendre l’audience sans le Procureur spécial. «La cour étant incomplète, l’audience est suspendue jusqu’au 1er décembre prochain», a dit son Président, Henry Grégoire Diop qui ajoutera : «la cour ne prend aucune observation ni aucune question». Les libéraux, nombreux au procès, n’ont pas caché leur joie. Cependant, Me Ciré Clédor Ly, avocat de la défense qualifie d’humiliation la façon dont Alioune Ndao a été limogé. «J’ai un sentiment de tristesse et j’ai aussi le sentiment que notre justice est désarticulée. Elle est vraiment mal portante. Je ne pense pas que la façon dont Monsieur le Procureur spécial, Alioune Ndao a été démis soit une façon, non seulement élégante ; mais aussi civilisée. Parce que nous sommes dans un Etat de droit. Les juges, les procureurs ; comme les avocats ; ont des droits. Et, nous avons droit aussi à un respect», a dit la robe noire qui parle de gifle, d’humiliation envers quelqu’un qui, peut-être en toute innocence, servait l’Etat. «Aujourd’hui, je pense que ce n’est pas seulement un serviteur de l’Etat qui a été humilié, mais c’est toute l’institution qui l’est. C’est tous les acteurs qui sont humiliés et qui ont reçu une gifle. Cela traduit la déliquescence de nos institutions. Cela traduit aussi le manque de respect des autorités politiques vis-à-vis des autorités judiciaires», a dénoncé Me Ciré Clédor Ly.
«Ça pue le mensonge et l’arbitraire»
Poursuivant, l’avocat de la défense dira que peut-être un jour les raisons du limogeage d’Alioune Ndao seront éventrées. «Peut-être que cet homme, à un moment donné, a senti que nous sommes en train de patauger dans le mensonge, a voulu donc redresser et que cela n’a pas pris. On ne sait pas. Parce qu’en tout état de cause, s’il a été démis de cette façon, c’est parce que nécessairement, il y’a un conflit avec l’autorité politique. Parce que ce procès est éminemment politique. Si je dis que c’est politique, je ne dis pas que les juges sont politiques. C’est la nature de l’infraction qui est politique que par voie de conséquence, il y’aura nécessairement l’empreinte du politique et l’empreinte de la politique», insistera-t-il, avant de préciser : «Il pouvait continuer, en attendant que son décret sorte mais, il est humain et l’humiliation a été sans commune mesure. Je présume que tout être, à sa place, aurait trouvé des motifs de ne pas continuer l’audience, surtout que ce n’est que des tas de mensonge. Ça pue le mensonge et l’arbitraire. Tout être humain, à sa place, trouverait les moyens de sortir de cette eau nauséabonde. Voila pourquoi, peut-être certainement, il n’est pas revenu reprendre l’audience», a encore déclaré l’avocat de la défense. Cheikh Tidiane Mara sera aux commandes à la reprise du procès, le 1er décembre prochain.

REWMI