Magal 2015: Les derniers moments de Cheikh Ahmadou Bamba avant son départ en exil

La rencontre de Cheick Ahmadou Bamba avec l’envoyé du gouverneur Mouté a eu lieu à Mbacké Mbaary le 10 août 1895.

A la tête d’un détachement de spahis, le commandant Leclerc est venu notifier au Cheick sa convocation par le gouverneur de cercle à Saint Louis.Sans aucune contestation, le marabout et ses disciples et proches, escortés par les hommes du commandant Leclerc ont quitté ce jour Mbacké Mbaary pour se rendre à Louga où ils devaient embarquer à bord du train pour répondre à la convocation du gouverneur à Saint Louis.

Arrivé à Diewoll le 11 août 1895 vers 10 heures, le Cheick a décidé d’observer une pause dans cette localité. Cela n’a pas été du goût du commandant Leclerc qui lui a intimé l’ordre de continuer le chemin.

Mais le marabout avait déjà pris sa décision et avait contraint le commandant Leclerc et ses hommes à passer la nuit à Diewoll. Dans cette localité, le marabout a effectué les prières de Tisbar, Takussann, Timiss, Guéwé et la prière du matin du 12 août avant de décider de continuer son chemin.

Ce passage de Cheick Ahmadou Bamba Diewoll est commémoré chaque année par les talibés mourides. Le Koureul de Diewoll avec à sa tête Serigne Codé Lo, le représentant du khalif général des mourides à Louga est chargé de perpétué ce legs du marabout. Des travaux sont effectués sur ce site pour sa modernisation.

Après Diewoll, c’est au tour du village de Coki d’accueillir le Cheick et son escorte. Les populations de ce village qui étaient au courant des circonstances de la venue du Cheick à Coki, ont tout simplement décidé de ne pas abreuver les chevaux des spahis pour les affaiblir. Mais le Cheick les en a dissuadés.

Arrivés à la gare ferroviaire de Louga vers 10 heures, Cheickh Ahmadou Bamba et son escorte sont accueillis par tout ce que Louga comptait de dignitaires.

Parmi ceux-ci on retrouve Samba Khary Cissé, chef de canton, le marabout Serigne Khaly Arame Mbaye ainsi que Mame Cheick Mbaye, le père du défunt milliardaire Djily Mbaye. Etant tous armées, ces personnes avaient décidé de s’opposer au départ du Cheick pour Saint Louis. Mais la aussi, le Cheick a sorti la bonne parole en leur disant ceci: « Vous ne pouvez pas combattre le blanc avec des armes qu’il a lui même fabriqué. Laissez moi partir, vous allez récolter les fruits de voyage ».

Cette étape de la gare ferroviaire de Louga est symbolisée par un arbre appelé « Kadd Gui ». C’est sur cet arbre que le Cheick s’était adossé en attendant son embarquement.

Devenu un lieu de recueillements et de prières, « Kadd gui » et la mosquée qui se trouve à côté, sont placés site historique par arrêté numéro 001941/MCC/DPC du 27 mars 2003 portant publication de la liste des sites et monuments historiques classés.

D’après Pape Makhtar Diouf, actuel conservateur de ce site, chaque année, à la date du 12 août, des prières sont organisées sur le site pour se rappeler de ce passage du Cheick. Celui-là, qui nous a servi de guide, nous a fait savoir que cet arbre renferme des vertus.

« Quiconque qui a des difficultés qu’il ne peut résoudre, peut s’incliner sur cet arbre et prier. Il verra tous ses problèmes résolus »    a fait savoir Baye Diouf qui se rappelle d’un couple qui était venu solliciter des prières pour avoir des enfants après plus d’une vingtaine d’années de mariage.

Après les prières, le conservateur a demandé à la femme de manger un fruit qui est tombé de l’arbre. « Quelques mois après, la dame a mis au monde des jumeaux qui portent les noms de Cheick Ahmadou Bamba et Mame Diarra Bousso, la mère du marabout » s’est réjoui Baye Diop.

Trouvé au milieu d’un groupe de talibés en train de savourer du café touba, Baye Diop, très fier de son statut de conservateur de ce site historique, a fait savoir que cet arbre renferme des secrets immenses. Même des tradipraticiens viennent utiliser ses branches et ses feuilles pour soigner des malades. « Kadd Gui », symbolise aussi la paix.

Au moment où il fallait embarquer à bord du train pour se rendre à Saint Louis, les toubabs très rusés, ont trouvé un moyen d’empêcher les dignitaires présents sur les lieux d’accompagner le marabout à Saint Louis.

Auparavant, le Cheick, après la prière du « Tisbar », avait désigné trois de ses disciples pour qu’ils s’occupent de ses malles où étaient renfermés ses écrits et ses affaires personnels, car il ne voulait pas que les blancs touchent à ses affaires.

Mais ces trois personnes, Cheick Bara Gaye, Cheick Ahmadou Lamine Gaye, Serigne Mame Mor Samb et les dignitaires du Ndiambour présents à la gare n’ont pu embarquer dans le train car les hommes  du commandant Leclerc, au moment où le train prenait départ, avaient décroché les wagons où devaient prendre place ces personnes. Là aussi, un miracle s’est produit.

Les trois disciples qui devaient s’occuper des malles du marabout se sont retrouvés à Saint Louis bien avant l’arrivée du train dans la vieille ville. Comme pour dire que la volonté du Cheick était respectée.

Baye Diop et des talibés mourides s’évertuent aujourd’hui à réhabiliter ce site. Une mosquée, une bibliothèque et un daara sont érigés sur les lieux. Pour préserver l’arbre et ses bienfaits, une chambre est construite pour l’abriter. Baye Diop et le kourel de Kadd Gui s’occupent régulièrement de cet arbre qu’ils entretiennent et parfument chaque jour.

C’est ce départ en exil du Cheick est commémoré chaque année à l’occasion du grand magal de Touba.

Pour l’édition 2015 de cette commémoration, le comité d’organisation est à pied d’œuvre pour sa réussite. Des colloques et des conférences religieuses sont organisés à Dakar et à Touba.

Les populations de la ville sainte ne sont pas en reste. Elles s’activent pour réserver un accueil aux milliers de talibés qui effectueront le déplacement à Touba pour la célébration de l’édition 2015 du grand magal de Touba qui marque le départ en exil de Cheick Ahmadou Bamba Khadimou Rassoul, le fondateur du mouridisme.

IGFM