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Opinion

MAINTIEN DE KARIM EN PRISON: ENTRE CONSCIENCE ET CONSIGNE


Mercredi 24 Décembre 2014

Le maintien de Karim en prison s’apparente à de l’acharnement. Même si l’inversion de la charge de la preuve est la marque de CREI, il est inique de détenir un prévenu devant l’absence de preuve

Jusqu’où les avocats de Karim Wade et de Pape Mamadou Pouye, vont-ils peser sur la conscience des juges de la CREI pour obtenir cette liberté conditionnelle qui revient de droit à leurs clients ? Jusqu’où la consigne politique (réelle ou supposée) donnée aux juges pèsera-t-elle sur leur conscience pour qu’ils les maintiennent encore en prison envers et contre tout ? Voilà le dilemme auquel est soumis le procureur spécial de la CREI, devant le difficile choix qu’il doit opérer ce mercredi.

Devoir prendre une décision devant une telle complexité, revient tout simplement à prendre un risque, c’est-à-dire, décider dans l’incertitude. Comment céder à la tentation de l’éthique de conviction (la conscience) et accorder la liberté conditionnelle à des prévenus qui croupissent en prison depuis deux ans ?

Ou alors comment s’agripper encore à cette autre éthique, celle de responsabilité (respecter et appliquer la consigne politique) pour les y maintenir, sans que la moindre preuve eût pu leur être opposée, à ce jour ?

Dans un État de droit, il ne doit y avoir un affrontement durable entre la conscience et la consigne. La première se fonde exclusivement sur l’intime conviction du juge et la stricte application du droit. La seconde, sur une loyauté à l’autorité dont les préoccupations politiques, éloignent le jugement, du droit en passant de l’objectivité à la subjectivité, ignorant la matérialité des preuves, pour n’écouter que la voix immatérielle et intéressée des consignes.

Est-ce encore utile de répéter que quand la politique entre dans le prétoire par la grande porte, le droit en sort par le petit portail ?

Que reproche-t-on à Karim ? De s’être enrichi à grande échelle sur des centaines millions, voire des milliards de francs Cfa, la possession de plusieurs sociétés, de voitures de luxe et des comptes off-shore dont un à Singapour et à Monaco ? Mais, la prise des commissions rogatoires est bien maigre, au regard du volume et de l’intensité des accusations. Tel un soufflet, toute la charge est retombée à 117 milliards, pour lesquels aucune preuve n’est encore fournie.

Supposé prête-nom de Karim, Pape Mamadou Pouye a déjà passé plus de 660 jours à la prison de Rebeuss, alors que pour l’heure, rien de ce qui lui est reproché n’a été débusqué.

Quid des autres mis en cause, soupçonnés ou ciblés par la CREI, Abdoulaye Baldé, Oumar Sarr, Ousmane Ngom, Madické Niang ? Ils vaquent tranquillement à leurs occupations ! Certains se payant même le luxe de braver les interdictions de sorties avant de se les faire accorder on ne sait trop comment et pourquoi.

Devant cette inégalité devant la loi, le maintien de Karim et ses supposés complices en prison est inexcusable et s’apparente à de l’acharnement politique. Consigne politique ou excès de zèle des juges ? Allez savoir ! Même si l’inversion de la charge de la preuve est la marque essentielle de CREI, il est inique de détenir un prévenu devant l’absence de preuve. Il l’est d’autant plus que les enquêteurs continuent de rechercher des preuves et des charges, en vain. Et que toute apparence de preuve est, derechef, brandie, pour justifier une nouvelle inculpation donc le maintien en prison de Karim Wade.

À l’évidence, l’évocation du risque de subornation de témoins fait partie de l’arsenal de subterfuges mis à contribution, pour expliquer et justifier l’encavage de l’ancien ministre. Et ce n’est pas aux praticiens du droit que l’on apprendra que l’une des faiblesses majeures de la CREI est d’être non seulement une juridiction d’exception, par essence politique, mais de préférer la présomption de culpabilité à la présomption d’innocence.

Tous les abus constatés en la matière proviennent essentiellement de cette nature, consubstantiellement inéquitable, et anti-démocratique de la CREI. Toutes les organisations des Droits de l’Homme l’ont vertement dénoncée. Et eux, comme nous, ne peuvent être accusés ou même soupçonnés de collusion avec Karim Wade. En son temps, avec la même vigueur, nous avions fustigé la dévolution monarchique du pouvoir que tentait Wade au profit de son fils. Il lui avait cédé à cette fin, des pouvoirs politiques, moyens financiers et décisionnels défiant tout bon entendement.

De ces abus en tous genres viennent tous les ennuis de Karim Wade. Mais le droit restera toujours le droit. Sans preuves intangibles, il est inadmissible de vouloir poursuivre ce procès inéquitable. Quand un prévenu ou mis en cause, se présente volontairement à la justice alors qu’il était à Londres ; quand il se soumet aux questions des enquêteurs, y répond du mieux qu’il a pu, seules les preuves irréfutables, peuvent le maintenir dans les liens de la détention. Son habileté manœuvrière, sa technicité à réussir les montages financiers les plus invraisemblables, pour cacher des fonds et dissimuler des détournements, ne doivent servir d’alibis pour organiser une condamnation a priori, en se fondant sur l’unique présomption de culpabilité.

Ce soupçon contre Karim, au vu du train de vie dispendieux et somptuaire qu’il menait, est fort. Mais, il doit être converti en preuve matérielle opposable sans rémission au prévenu. Mais, hélas, il semble bien qu’on en soit loin aujourd’hui, après deux ans d’instruction et de procès languissant, plus anecdotique que judiciaire.

Toute loi peut être considérée comme une fiction parce qu’elle est faite par des hommes au nom et pour la société, et non contre elle et ses éléments. C’est dans sa capacité à garder une dimension sociale, humaine et éthique qu’on peut mesurer la sociabilité de la loi. Ce mercredi, la CREI devrait bien méditer cette évolution de notre démocratie qui fait que notre loi doit garder toute sa justiciabilité. Et qu’elle cesse comme le remarquait Assane Dioma Ndiaye, président de la LSDH, «d’être clamée, proclamée, constitutionnalisée sans être appliquée».

Ce mercredi 24 décembre, veille de Noël, donc de communion, le droit devra être dit urbi et orbi. Et le courage restera toujours cette obstination constante à rechercher la vérité et à la dire. Pour que la consigne ne triomphe pas sur la conscience !

SENEPLUS





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