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Société

Libres paroles: Un autre homme fort qui prend la fuite…Par Madiambal Diagne


Mercredi 5 Novembre 2014

Le 2 décembre 2013, dans une chronique intitulée Démocratie pastèque, revenant d’un séjour au Burkina Faso à l’occasion du Festival international de la Liberté d’expression organisé tous les deux ans par le Centre de Presse Norbert Zongo, nous mettions en garde sur la situation hautement explosive au Burkina Faso.
Nous indiquions notamment que le régime de Blaise Compaoré ne pourrait survivre à l’aspiration de changement et surtout la grande détermination des jeunes. Cette catégorie constitue une proportion de 60% de la population âgée de moins de 25 ans. Ces jeunes avaient dit à qui voulait les entendre, qu’ils étaient prêts à en découdre, au prix de leur sang, avec le Président du Faso, Blaise Compaoré. Depuis 27 ans, cet homme était à la tête du Burkina Faso, après l’assassinat de son ami et compagnon d’armes Thomas Sankara, le 15 octobre 1987. Les jeunes disaient : «Il doit partir et il partira !» Blaise Compaoré et ses partisans étaient sourds, muets et aveugles. A défaut d’imposer la succession familiale avec François à la place de son grand frère, le projet restait clair, celui de tout faire pour que Blaise Compaoré rempile. Notre article, repris par des médias burkinabè, nous aura valu un procès d’intention au pays des «hommes intègres». Le cours de l’histoire nous aura parfaitement donné raison. Le Président Blaise Comparé a été chassé par la rue, qui aura payé un lourd tribut d’une trentaine de morts et des centaines de blessés.
L’Armée, institution sur laquelle le régime de Blaise Compaoré s’était appuyé, a fini d’installer un de ses cadres, le Colonel Zida, à la tête du pays. Ce schéma de transition ne semble pas convenir à l’opposition politique au Burkina Faso. La crainte, fort légitime du reste, est de voir un régime militaire dictatorial succéder à un autre. En effet, si on n’y prend garde, la rue qui a chassé le dictateur risque de se faire harakiri. L’instinct de survie avait dicté au régime de Blaise Compaoré, d’accepter de lâcher du lest en retirant le projet de réforme constitutionnelle qui avait prévu de lever la limitation des mandats présidentiels pour permettre à «l’homme fort», reclus dans son palais de Kosyam, de pouvoir se représenter à l’élection présidentielle et sans doute de s’offrir un mandat supplémentaire. Ainsi, si Blaise Compaoré était encore resté au pouvoir, au pire des cas, une autre personne serait élue à l’issue de son mandat en novembre 2015. Il ne restait donc au peuple Burkinabè qu’une «année Blaise» à se tirer. Mais avec l’instauration d’une transition militaire, on peut craindre que le cauchemar ne se poursuive encore, bien plus qu’une année. Aussi, rien ne garantirait que le Colonel Zida ne troque pas sa tenue militaire contre un costume civil pour chercher à rester à la tête de son pays. L’exemple du maréchal Al Sissi en Egypte est encore frais dans les mémoires. Le schéma, qui semblerait le plus rassurant pour le processus démocratique, serait d’assurer une transition civile sur le modèle tunisien par exemple. Au départ de l’autre dictateur Ben Ali sous la pression de la rue, un tel modèle avait été mis en œuvre avec bonheur, avec Moncef Marzouki à la tête du pays. La population ne semble pas s’y tromper, comme le montre la grande mobilisation constatée encore hier à Ouagadougou, à l’appel des organisations politiques et de la Société civile. La Communauté internationale devra y veiller elle aussi tout comme elle devra avoir à l’œil le Président déchu Blaise Compaoré. Rien ne garantit encore que ce dernier ne puisse pas chercher à mener des opérations de déstabilisation du Burkina Faso pour imposer son retour. Son exil en Côte d’Ivoire ne devrait pas rassurer, encore que son jeune frère François Compaoré et de nombreux autres caciques du régime de Blaise Compaoré sont en vadrouille dans les pays limitrophes du Burkina Faso. Il faudrait de sérieuses garanties sur les activités futures de Blaise Compaoré, potentiellement subversives. L’homme est assez connu pour avoir été à l’origine ou pour avoir soutenu et entretenu des rébellions dans la sous-région ou pour avoir dirigé la canonnade sur ses camarades. Pourquoi Blaise Compaoré ne ferait-il pas, à son propre profit, ce qu’il a déjà eu à faire au Liberia, en Sierra-Leone, au Niger, au Mali, en Côte d’ivoire entre autres ?
Le Burkina Faso vit une période cruciale de son évolution démocratique. On peut toujours rester confiant car, nous le rappelions encore, dans ce pays très attaché à sa culture et ses traditions, on semble toujours vouloir rééditer la symbolique du vase de Ghézo, qui enseigne notamment : «Si tous les fils et filles du pays venaient, par leurs mains assemblées, boucher les trous de la jarre percée, le pays serait sauvé.»
On ne le dira jamais assez, l’aveuglement des dirigeants africains est sidérant. Le mauvais exemple d’un Abdoulaye Wade, qui avait été humilié pour avoir cherché à tripatouiller la Constitution de son pays, n’a point servi de leçon. Ils sont nombreux, les autres Blaise Compaoré qui songeraient à une réforme constitutionnelle pour rester au pouvoir. On en trouve à Brazzaville, à Kinshasa, à Yaoundé, à Cotonou, à Lomé, à Kigali, à Harare et on en oublie ! Ces chefs d’Etat croyaient comme Blaise Compaoré qui, voulant apporter la réplique à Barack Obama, soutenait que l’Afrique aurait besoin plus d’hommes forts que d’institutions fortes. On sait ce qu’il était advenu des hommes forts comme Zine El Abidine Ben Ali, Mouamar Khadaffi, Hosni Moubarak, Laurent Gbagbo, Mouawiya Ould Sidi Ahmed Taya, Abdoulaye Wade, les capitaines Dadis Camara et Sanogo. Yaya Jammeh de la Gambie demeure l’exception qui confirme la règle. Jusqu’à quand ?

Madiambal Diagne
mdiagne@lequotidien.sn

XALIMASN






1.Posté par diop le 05/11/2014 19:29
pertinente contribution. nous sommes à l'heure de la mondialisation, la dictature doit cesser

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