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Politique

Lecture: WADE EST PIRE QU’AVANT PAR IBRAHIMA FALL DE SENEPLUS


Samedi 22 Novembre 2014

Au vu de ce qui s’est passé hier à la place de l’Obélisque on peut être tenté de regretter d’avoir élu Macky Sall, mais certainement pas d’avoir refusé à Abdoulaye Wade un troisième mandat. On peut dire que c’était mieux avant, mais assurément pas qu’avec l’ancien chef de l’État ç’aurait été mieux après.

À moins d’appartenir à la caste de ses inconditionnels, qui lui doivent tout, leur être, leurs avoirs, leur peu de savoir-être et même leur devenir, on peut affirmer que les Sénégalais n’avaient pas tort d’envoyer le pape du Sopi à la retraite. Que malgré ses efforts pour peser encore dans le débat public, le chef du Pds est une relique du passé et non un symbole d’avenir ou de renouveau pour son pays.

Wade a vraiment changé, il est pire qu’avant (pour paraphraser les Guignols de Canal Plus à propos de Sarkozy). Et ce n’est pas une question d’âge, mais plutôt de tenue et de retenue. Sur le podium du meeting de l’opposition, ce vendredi, il a servi un spectacle pitoyable. Pesant. Gênant. Insupportable. Qui démontre qu’il n’a plus les facultés requises pour diriger un pays avec calme, lucidité et avec de la hauteur. Que même la casquette d’opposant charismatique redoutable et redouté qui lui allait à merveille, n’est plus pour lui.

Mais ce n’est pas le plus mal. L’exécrable est dans l’image d’un vieux de 88 ans, figé, soutenu par une canne, le regard éteint et la voix noyée à la moindre réaction de la foule, se perdant dans des délires clivants. Au mieux le tableau inspire la pitié, au pire le dégoût. Lorsque l’on a voué l’essentiel de son existence à la lutte pour la démocratie, les libertés et l’émergence de l’Afrique, en somme aux grandes causes, réserver le crépuscule de sa vie à des broutilles, relève d’une tragi-comédie qui fait moins rire que pleurer. Du beau gâchis !

Il est certain que les plus lucides parmi les partisans de l’ancien chef de l’État, le regard imbibé de tristesse et d’impuissance, regrettent le dénouement de la pièce qui se joue sous leurs yeux. Ce, depuis la deuxième alternance démocratique au Sénégal, le 25 mars 2012.

Mobilisation

Certes, Wade a réussi le pari de la mobilisation. Il y avait du monde à la place de l’Obélisque. Et la foule n’était sûrement pas constituée que de ses ouailles et de curieux. Il y avait certainement aussi des Sénégalais d’aucun bord politique déçus par le pouvoir en place et qui voulaient se faire entendre. Tenter de réduire pour quantité négligeable la grogne exprimée par ceux-ci, c’est nier la réalité : Macky Sall, qui avait promis les ruptures qui placeraient le Sénégal sur les rampes de l’émergence, est loin du compte. Depuis son accession au pouvoir ses efforts dans ce sens sont indéniables. Mais il doit mieux faire, notamment en matière de gouvernance vertueuse, fil rouge déclaré de sa présidence.

Sur ce plan, l’image de chevalier blanc du chef de l’État est écornée. Et ça ne date pas d’hier. Réitérant des accusations qu'il a mainte fois répétées, Wade a laissé entendre que Macky Sall a profité du différend État du Sénégal/Arcelor Mittal pour s’enrichir illicitement. Que l’arrangement trouvé avec le géant de la sidérurgie, moyennant versement de 250 millions de dollars (150 millions de dollars selon l’État), s’est fait au détriment du Sénégal. Il révèle que, grâce à lui, Mittal était prêt à verser dans les caisses du Trésor la bagatelle de 5 milliards de dollars, soit 2500 milliards de francs Cfa. Environ l'équivalent du budget national 2014.

Aly Ngouille Ndiaye, le ministre des Mines, a beau s’épancher dans la presse pour essayer d'y apporter la lumière, cette affaire comporte beaucoup de zones d’ombre.

Wade a aussi pointé la présence de la famille de Macky Sall dans les affaires de l’État. Sa cible : Aliou Sall, frère du Président. Il affirme que ce dernier détient 30% des parts de la société d’exploration et d’exploitation du pétrole trouvé entre Saint-Louis et Kayar. Des parts "qui peuvent lui rapporter 60 milliards de francs Cfa alors que celles-ci devaient revenir à l’État du Sénégal qui ne détient que 10% de la société en question, contre 60% pour ses partenaires étrangers".

Devoir de réponse

Rien ne dit que ses accusations sont fondées. Mais elles jettent le trouble dans l’esprit des Sénégalais. D’autant qu’elles sont sans cesse rabâchées sans que des explications claires et crédibles ne viennent lever les doutes légitimes. Wade donne à Macky Sall 72 heures pour convaincre.

Le président de la République ne devrait pas réagir à ces graves accusations avant le sommet de la Francophonie. Il ne souhaite sans doute pas être diverti au moment où il s’apprête à jouer l’une des plus belles cartes de son mandat. Son prédécesseur voulait visiblement l’entraîner sur ce terrain-là, mais il ne devrait pas mordre. On peut lui concéder le choix du timing, mais il a l’obligation de s’expliquer clairement sur les sujets en question. Il y va de sa crédibilité.

Pour autant, faut-il en appeler à sa démission ? Wade croit que oui. Il a demandé à Macky Sall dont il aurait constaté "l’incompétence" "d’avoir le courage de démissionner". Proposant, en conséquence, la mise en place d’une "commission de transition" et "l’organisation d’une présidentielle anticipée, le 29 juin 2015 ou le 6 décembre de la même année".

Cette blague de mauvais goût serait peut-être passée si elle avait été sortie en petit comité par son auteur. Mais larguée en plein meeting, elle sonne comme une insulte aux Sénégalais qui, le 25 mars 2012, ont élu Macky Sall pour 7 ans. Pour les militants et les alliés de Wade, la surprise et la déception doivent être les sentiments les mieux partagés.

Ni au Burkina ni en Centrafrique

Nous ne sommes ni au Burkina Faso ni en Centrafrique. Le chef de l’État en exercice a été très bien élu. Et malgré les insuffisances de sa gouvernance, il mène la barque Sénégal sans entraver la marche des institutions ni bafouer les libertés et en déployant des efforts visibles pour le mieux-être de ses mandants. On peut ne pas être d’accord avec lui, mais il faudra attendre une présidentielle pour espérer le dégager. Ce, notamment, en proposant aux Sénégalais une alternative crédible.

Justement c’est sur ce terrain-là que Wade était surtout attendu, hier. Il devait, d’une part, montrer sa capacité de mobilisation et, d’autre part, proposer aux Sénégalais les solutions aux problèmes auxquels ils seraient confrontés. La foule a répondu à son appel, mais est sûrement restée sur sa faim. Car sur l’énergie, l’agriculture, l’éducation, l’emploi, entre autres préoccupations des Sénégalais, aucun diagnostic précis de la situation encore moins des propositions concrètes, n’ont été faits. L’ancien Président s’est borné à égrener des généralités et des banalités, histoire de bien tourner autour du pot, avant d’aborder le seul sujet qui le préoccupe : le sort de Karim Wade.

Ce combat personnel harasse et agace le pouvoir et la plupart des Sénégalais. Même au sein du Pds, on moufte en silence. D'autant que pour faire libérer son fils, Wade mobilise toute l’énergie que les libéraux auraient dû consacrer à la restructuration de leur parti afin d’aborder les échéances électorales à venir dans les meilleures conditions. Conséquence de cette erreur d’aiguillage : Macky Sall peut toujours clamer qu’il ne se fait aucun souci quant à sa réélection. Sans risque d'être démenti en 2017 ou en 2019.





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