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Société

LA TRAQUE DES SOURCES DE FINANCEMENT: L'AUMÔNE QUI NOURRIT LES TERRORISTES


Mercredi 13 Mai 2015

Le terrorisme est devenu une réalité constante et un mal endémique à l'Afrique de l'Ouest. Puisqu'il ne se donne aucune frontière, sa traque non plus n'a pas de limites. Un document publié par le Giaba et le Gafi montre que les terroristes recourent même à des sources les plus improbables pour se trouver des financements.

Les Sénégalais se vantent d'être parmi les peuples les plus généreux de la terre ; et la Téranga sénégalaise est mondialement vantée. C'est notre prestige et c'est l'une de nos tares. La générosité sénégalaise et la compréhension que nous avons de la religion poussent à assister les pauvres, notamment les mendiants qui peuplent nos artères.

Chaque jour, c'est l'équivalent de milliers, sinon de millions de francs Cfa qui sont donnés à des mendiants à Dakar et dans d'autres villes du Sénégal. Tout le monde croit ainsi gagner son coin de paradis dans l'au-delà. Pourtant…

Combien de Sénégalais pourraient s'imaginer que les petites pièces de monnaie remises ainsi à des petits talibés ou à des mendiants d'un certain âge, aboutissent, à travers plusieurs circuits, dans les caisses de Boko Haram au Nigeria, du Mujao au Mali ou d'autres terroristes en Afrique de l'Ouest ? C'est néanmoins ce qu'a mis en lumière, une étude d'experts dans la traque de l'argent sale.

Sources banales et inattendues

Le terrorisme est depuis quelques années, une réalité constante en Afrique de l'Ouest. La situation au Mali et au Nigeria, pour parler des deux pays les plus médiatisés, montre que les terroristes sont parmi nous et constituent un danger sur lequel personne ne peut plus prétendre l'ignorance. Et dans la lutte contre ce fléau et ceux qui le véhiculent, il est important de comprendre les mécanismes de financement du terrorisme.

Un rapport conjoint du Groupe d'action financière (Gafi) et du groupe intergouvernemental d'action contre le blanchiment d'argent en Afrique de l'Ouest (Giaba) incite une fois de plus, les services de sécurité à beaucoup de vigilance, car il souligne que les institutions de la région n'ont pas vraiment une grande capacité à identifier les sources de financement.

Ces dernières vont des plus banales aux plus sophistiquées, il faut le dire, et l'étude conjointe, basée principalement sur une enquête empirique sur le terrain, met l'accent sur les conséquences négatives de certains actes sur la sécurité, la stabilité et le développement des pays de la sous-région.

Il faut dire que les sources de financement du terrorisme sont diverses. Il peut s'agir du commerce et de transactions à caractère légal et lucratif, comme cela peut concerner des Organisations non gouvernementales ou des institutions caritatives, ainsi que d'un financement provenant des produits découlant par exemple de prises d'otages, comme cela se fait le plus souvent dans le Sahel, ou de trafic de drogue.

L'étude conjointe Gafi-Giaba porte essentiellement sur le Burkina Faso, le Mali, le Niger, le Nigeria et le Sénégal. Le document souligne qu'ils ont été sélectionnés "en raison des défis connexes au terrorisme dans ces pays et/ou leur impact sur eux".

Dans chacun des pays concernés, un expert a été engagé pour mener des études préliminaires de deux mois. Lesdits experts ont rencontré dans le cadre de leur travail, des journalistes, des universitaires, des représentants de la Société civile, des experts des institutions assujetties, ainsi que des représentants des autorités publiques, des agents de corps de répression criminelle et judiciaire, etc.

A l'issue de leur enquête, les experts font, dans leur document, plusieurs recommandations.

Les plus notables sont, entre autres, de "surveiller efficacement les activités des mendiants dans les rues, les levées de fonds sur les sites religieux, en particulier dans des zones connues pour des activités terroristes,… afin de veiller à ce que les populations n'exploitent pas les populations en général". Il s'agira également "d'améliorer les capacités de collecte de renseignements et envisager l'utilisation d'opérations secrètes et d'éléments infiltrés comme un moyen d'obtenir des informations fiables sur les terroristes et les groupes terroristes". Autre recommandation importante : "Mettre en place des mécanismes de régulation et de contrôle efficaces pour assurer une surveillance des activités et opérations des Ong et des organisations de bienfaisance, sans porter préjudice à leurs fonctions importantes…"



Financement du terrorisme - Les réseaux du mal

Dans la recherche de l'argent, les organisations terroristes font feu de tout bois, si l'on peut dire. Il n'y a pour elles aucune activité minime. De la mendicité à l'extorsion des fonds, à l'enlèvement de personnes ou au trafic de drogue, elles ne crachent sur rien. Et toutes les organisations semblent se nourrir les unes les autres.

Les individus, qui financent des activités des groupes terroristes, tiennent souvent des activités les plus respectables, du moins en apparence. Il s'agit même souvent de personnes ayant pignon sur rue dans leur branche d'activité.

Et dans ce domaine, les terroristes ne font pas montre d'exclusivisme, bien qu'en ce qui concerne le Sénégal, on a toujours relevé que le secteur de l'immobilier était très sensible à des opérations suspectes. Néanmoins, la majorité de cas relevés portent sur les techniques de Boko Haram, ce qui se comprend si l'on sait que ce groupe terroriste armé a acquis une ampleur telle qu'il a sérieusement menacé de déstabiliser l'Etat nigérian, avant que celui-ci ne tente de reprendre le contrôle, grâce à l'appui de pays voisins.

L'immobilier lave plus blanc

S'agissant des sociétés immobilières, le cas du Sénégal a mis en évidence les lacunes existant dans l'immatriculation des sociétés. Il est fait cas d'un Canadien d'origine somalienne, qui est venu ouvrir au Sénégal, une société immobilière, en partenariat avec un ressortissant sénégalais.

Ils ont également ouvert un compte dans une banque locale, au nom de ladite société ; quelque temps après, la société a reçu un virement d'un peu plus de 50 millions de Cfa, de la part d'autre somalien établi aux Etats-Unis. Cependant, la transaction en question a été exécutée depuis Dubaï. Tous ces éléments ont attiré l'attention de la banque, qui a fait une déclaration de soupçon auprès de la Centif.

Cette dernière, au cours de l'enquête qu'elle a initiée, a pu constater que la société immobilière n'avait pas d'existence légale, et qu'elle n'avait été créée que pour permettre le blanchiment de fonds illicites, par la vente de marchandises importées.

Car l'enquête a dévoilé que les deux partenaires, avec leur comparse aux Etats-Unis, ainsi que d'autres Sénégalais, ont ouvert une autre société pour importer des marchandises d'occasion, dont certaines étaient vendues localement et d'autres exportées dans des pays tiers pour revente. Et le produit de ces ventes était envoyé à des groupes terroristes à travers l'Afrique, à travers divers canaux.

En plus d'exploiter des activités en apparence licites, les terroristes ne rechignent pas à utiliser des personnes les moins susceptibles d'être soupçonnées d'accointances avec eux. Le document donne le cas d'une personne arrêtée en octobre 2011 au Nord du Nigeria, et qui a reconnu utiliser des enfants mendiants (talibés), des handicapés physiques ou des vieillards, pour récolter des fonds destinés à financer l'insurrection de Boko Haram. Ces mêmes personnes étaient également placées à des endroits stratégiques dans les grandes villes du Nigeria, pour servir d'espions.

Il est aussi donné l'exemple de personnes chargées de recourir à de l'intimidation auprès de certaines catégories de personnes pour leur extorquer des fonds. Ces montants finissaient aussi, par divers moyens, à aboutir auprès de Boko Haram.

Plusieurs autres exemples mettent à jour, ce que le document appelle la "vulnérabilité des Ong et organismes de bienfaisance au financement du terrorisme, en particulier leur rôle potentiel de canal pour transférer des fonds en appui aux activités terroristes en divers endroits, pour brouiller la piste financière des bailleurs des fonds".

La grande famille du terrorisme

Et nul n'y échappe. Même des personnes bien placées dans les structures officielles d'Etat sont parfois l'objet de chantage et de menaces, pour obtenir d'elles des moyens financiers pour alimenter l'insurrection. Cela va bien entendu, de l'enlèvement de personnes à bien d'autres formes de moyens de pression.

La recherche des sources de financement du terrorisme en Afrique de l'Ouest a également montré les liens existant au sein de ce que l'on pourrait dénommer l'Internationale terroriste. Plusieurs arrestations de trafiquants de drogues ont mis en lumière les rapports entre le Mujao malien et les Farc colombiennes dans l'exploitation des produits de la cocaïne, et entre ces deux organisations et Aqmi.

D'autres liens, à travers diverses sociétés-écran et personnes, poussent les connexions jusqu'aux talibans afghans. Et rien ne serait surprenant, même si le document, paru en fin octobre 2013, ne le dit pas, que l'on retrouve la trace de Daesh dans les mêmes opérations et les mêmes affinités.

LEQUOTIDIEN





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