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Theatre

L’actrice Ndèye Mour Ndiaye: «Avant, on avait des comédiens disciplinés (…). Nous sommes adulées, mais nous sommes seules»


Mardi 18 Février 2014

«Daaray kocc, c’était la Médina. Et la Médina est bourrée de talents». Des talents dont fait partie, sans doute, la comédienne Ndèye Mour Ndiaye qui a reçu Seneweb à son domicile dans le populeux quartier de la Médina à Dakar où elle vit, recluse, loin des tourbillons qui agitent de temps à autre l’univers des célébrités de la capitale sénégalaise. A peine rentrée de ses cours du soir dans une institution de la place, des cours de perfectionnement de la langue anglaise que la comédienne ambitionne de «speaker» couramment, nous l’accrochons comme convenu, pour un entretien qu’elle a accepté, volontiers.


L’actrice Ndèye Mour Ndiaye: «Avant, on avait des comédiens disciplinés (…). Nous sommes adulées, mais nous sommes seules»
« Je devais prendre du recul »
Elle aime causer sans être trop loquace. Mais c’est avant tout le sens de l’accueil, de l’hospitalité, de l’ouverture aux autres qui se fait remarquer d’emblée chez Mour comme aiment à l’appeler nombre de ses admirateurs. Chez elle lorsqu’elle nous invite à prendre place, l’odeur de l’encens ambiante donne un avant-goût de la coquetterie propre à la femme sénégalaise et son goût pour les bonnes choses.
Adossée à son châlit, face au téléviseur dans une pièce contiguë, les chaînes étrangères comme Tf1 catalysent plus ou moins son attention. Elle zappe et tombe sur la météo de Catherine Laborde puis place au JT de 20 heures de Gilles Bouleau que l’actrice et comédienne de la troupe Daaray Kocc va devoir interrompre, le temps d’un entretien avec votre portail préféré.
Ndèye Mour, un premier rôle dans l’adaptation de «Une si longue lettre» de Mariama Bâ
Daaray Kocc aura marqué sa jeunesse. Mais c’est avant tout une école, « un lieu de passage; je n’y ai d’anicroches avec qui que ce soit », même si, à un moment donné, « j’ai trouvé que je devais prendre du recul », confie celle à qui l’on prête des bisbilles qui n’existent que dans la tête de ceux qui le pensent. Les relations que Mour entretient avec ses collègues artistes, ses aînés, sont bonnes, excellentes pour certaines. Parce que ses aînés l’ont couvée et guidé ses premiers pas lorsque le monde du théâtre s’est ouvert à une jeune fille bourrée de talent, pas d’alcool. C’était dans le dernier tournant des années 70, à la veille des années 80. A l’époque, « J’ai eu la chance d’être la seule fillette, j’étais toujours en compagnie de grandes personnes », dira la fille dont le père qui n’est plus de ce monde, fut adjudant chef de police. Ce qui sans doute trahit la rigueur collée à tort ou à raison aux personnages souvent incarnés par Ndèye Mour. Ou Mademoiselle Mour si vous préférez, un cœur à prendre qui toutefois ne se fait aucune une fixation sur l’âme sœur qui se fait désirer.
Jadis mariée une fois, le célibat ne semble pas déranger pour autant cette musulmane pratiquante, qui respecte les cinq prières quotidiennes. Préférerait-elle toutefois être en couple : la porte reste ouverte aux éventuels prétendants, en tout cas aux audacieux qui oseront franchir le pas. Fait-elle peur aux hommes ? Mour « la chance » croit que non, et de quoi les prétendants devraient-ils avoir peur, si ce n’est d’avoir l’honneur d’aller à la conquête d’une créature aussi radieuse qu’un teint noir dont la couleur est vie, et la forme, beauté, pour parler comme le président poète.
« Je suis très casanière »
Sa grand-mère maternelle issue d’une grande famille léboue, ne tolérait rien du tout et avait un droit de regard sur tout... C’est peut-être là, la clé de l’attachement de Mour à la Médina, à sa famille. « Je suis très casanière. Je vis en famille, j’ai toujours vécu ici à la Médina rue 19X21 », dit celle qui adore les jeux de l’esprit pour quelqu'un qui sait bien occuper son temps libre, préférant être seule que mal accompagnée. « Je lis beaucoup, je suis passionnée de mots-fléchés, de scrabble, je lis tout ce qui me tombe sous la main, le journal, etc.».
Une manière pour elle de combler un vide, depuis qu’un être que Mour aime par-dessus tout, lui a tourné le dos il y a bientôt un an, le 25 février 2013. Une perte qu’elle regrette car rien au monde ne saurait remplacer une mère. « Elle était la femme la plus polie sur cette terre, très sereine, elle n’élevait jamais la voix. Son beau sourire me manque », murmure l’orpheline, vedette du petit écran et nièce à Cheikh Tidiane Diop, l’ancien metteur en scène de  Daray Kocc.
« Je suis en très bon termes avec Pape Demba »
Cheikh Tidiane Diop, un oncle dont elle garde les meilleurs souvenirs à ses débuts dans le monde de l’art. «C’était quelqu’un de très attentionné. Il m’a beaucoup encouragée. Un jour, j’ai interprété un double-rôle avec brio. Lorsqu’on a dit « couper !», il a sauté sur moi, il a été très satisfait de moi ; j’en avais même pleuré », se rappelle Mour, qui dit être aujourd’hui «en très bon termes avec Pape Demba», devenu metteur en scène de la troupe après Cheikh Tidiane Diop.
Khar Fall, l’ancien cameraman qui a filmé «Adama et Awa», demeure « le meilleur cameraman africain » selon Mour ; « il a été un grand frère ». Il y a aussi sa tante, l’actrice Dié Astou (Diéwo) «qui m’a beaucoup épaulée; il ne se passe pas une semaine sans qu’elle vienne me voir ». Last but not least, Maguette Wade, « qui a beaucoup fait dans l’art, le théâtre. Il était réalisateur des premiers films de Daaray Kocc, il m’a vraiment bien soutenue à mes débuts», confie l’hôte de Seneweb.
Autant de personnalités, de références dont Mour loue le talent. Parce que, admet-elle, «Daaray kocc, c’était la Médina. Et la Médina est bourrée de talents : Cheikh Tidiane Diop, Iboulaye, Tapha, entre autres, tous m’ont vue naître. Et à la Médina, «Tout le monde avait le droit de regard sur tout le monde».
« Savoir dire non quand il le faut »
Pas très facile de la faire parler d’elle, de sa personne. Mour s’y essaie tout de même. « On me taxe de belliqueux ». Seulement, « Il faut savoir dire non quand il le faut, je n’ai pas l’habitude de mâcher les mots, je ne triche pas dans la vie, je n’aime pas l’hypocrisie, la méchanceté». «Dans la vie il faut toujours persévérer, aller de l’avant». Parce ce que «Travailler pour quelqu’un et travailler pour soi-même, ne peuvent être la même chose. J’ai donc pris du recul pendant des années », avant de mettre sur pied ma propre boîte». C’est ainsi que «Mour Production » a vu le jour en 2011. «Il fallait que je mette en place ma propre entreprise de production; j’ai écrit des scenarii et je travaille sur des sketchs, avec des comédiens », lâche Mour, l'enfant de la Médina. Qui annonce le bouclage, dans trois mois, d’une nouvelle production, « près de 59 épisodes sur le thème du civisme ».
« Quand on met les pieds n’importe où, on peut être amené à faire n’importe quoi »
Quid du théâtre contemporain ? Mour l’apprécie à sa manière, même si elle ne cache pas sa préférence à ce qui se faisait avant, un passé toujours glorifié. Aujourd’hui, « Il y a un changement. De grands changements, surtout sur le côté vestimentaire». Et pas que. « Avant, on avait des comédiens disciplinés. De grandes personnes qui avaient du caractère. Ce n’étaient pas des tonneaux vides ». Et en tant qu’acteur, « on n’osait pas faire tout ce qu’on veut. A la fin des répétitions, on rentrait directement à la maison, on ne traînait pas ». Et malgré l’estime que leur voue le public, la solitude des artistes est une réalité. Si « les vrais artistes sont discrets et généreux » comme Mour en est convaincue, c’est toujours « difficile d’être une artiste femme, une comédienne. Nous sommes adulées, mais nous sommes seules. Obligées de vivre comme une casanière». Mais, «ne serait-ce qu’une fois, nous avons fait plaisir aux Sénégalais», se console la comédienne, qui lance un appel aux autorités.
«On demande à l’Etat de soutenir les artistes. Pour la première fois les artistes sont impliqués (ministère de la Culture). Il (Abdoul Aziz Mbaye : ndlr) échange avec les artistes, c’est rassurant», a-t-elle encouragé. Non sans formuler quelque conseil à ses frères et sœurs cadets qui veulent faire du théâtre un métier, une passion, une activité de tous les jours : « il faut toujours suivre les conseils des aînés, et parler de nos réalités…». A l’endroit de ces milliers de jeunes désœuvrés qui ne cessent de se plaindre, « Faire ses devoirs avant de réclamer des droits. Arrêter de parler et se mettre au travail. Seul le travail paie. Parce que le développement du pays passera par le travail ». Ndèye Mour le dit à haute voix !

SENEWEB


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