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International

Intégralité du discours de Barack Obama sur l’état de l’Union : La classe américaine


Mercredi 13 Janvier 2016

Mardi 12 janvier 2016, Barack Obama prononçait son dernier "State of the Union speech". Entre bilan positif de son mandat et optimisme, le président de Etats-Unis s'en est bien sorti.


 commence comme dans un match de boxe à Vegas. Attente fébrile, tension grandissante, puis nom du champion scandé par le speaker sous un tonnerre d’applaudissements.

Nous ne sommes pas en train de regarder Raging Bull, mais l’un des rendez-vous les plus solennels de la vie politique américaine – le tout dernier State of the Union speech deBarack Obama. Son huitième. Son testament cathodique. La dernière occasion, pour ce président à qui il ne reste qu’une courte année de mandat, de faire le point sur « l’état de l’Union ». Un match de boxe, mais lui seul contre le reste du monde… ou contre la moitié du public réuni dans la « house chamber » (la salle des débats de la Chambre des représentants à Washington), où élus, juristes et invités des deux principaux partis – démocrates, comme Obama, ou républicains, comme l’épouvantail Trump – ont pris place à parts égales.

Tous les commentateurs le disent : politiquement, les Etats-Unis ont rarement été aussi divisés. Oubliées, les années de (quasi) consensus entre fausse gauche et vraie droite. Depuis la présidence de Bush Jr., les couteaux sont sortis et le niveau de haine entre (certains) démocrates et (la plupart des) républicains a battu des records au cours du deuxième mandat d’Obama. De manière assez gênante, c’est la première impression qui saute aux yeux alors que le quarante-quatrième président des Etats-Unis monte à la tribune.

Tension palpable

Face à lui, il y a ceux qui l’adorent et ceux qui le détestent. La tension est palpable. Le fauteuil le plus désagréable à occuper se trouve juste derrière Obama, à sa gauche, et il est statutairement attribué à Paul Ryan, 45 ans, président de la Chambre des représentants, contraint de se « farcir » le discours de son ennemi politique en apparaissant plein cadre à l’image. L’inénarrable Ryan déteste Obama et il ne le cache pas. Pas plus ce soir que les autres jours. A sa droite, lui aussi derrière Obama, se trouve Joe Biden, le vice-président des Etats-Unis. Pour cet homme apprécié de tous (et qui a choisi de ne pas se présenter à la présidentielle suite au décès tragique de son fils), l’heure de discours s’annonce plaisante : il n’a qu’à sourire et applaudir lorsque les phrases-clefs préparées depuis des jours par l’équipe Obama font mouche. Pour Paul Ryan, par contre, c’est un calvaire qui commence. 

Obama lance la machine. Assez mollement. Première petite blague au bout de trente-cinq secondes (« je vais essayer de faire court ce soir, je sais que beaucoup d’entre vous sont pressés de repartir vers l’Iowa »). Rires dans les deux camps, tout le monde se détend. On le sent rapidement : ce discours à la nation se veut à la fois bilan (évidemment positif) et prise de parole puissante, optimiste – « je veux vous parler des cinq années qui viennent, des dix années qui viennent… », tranchante. Voire même assez agressive à l’encontre des républicains, au premier rang desquels l’absent du soir Donald Trump.

Evidemment jamais cité nommément, le magnat de l’immobilier, en tête des intentions de vote dans son camp, est directement visé par la plupart des attaques du président. Dès les premières saillies (sur des questions sociales comme l’augmentation des revenus les plus faibles), le fan-club démocrate applaudit à tout rompre ; se lève même, à deux reprises… Le président insiste : pour réformer – sur des questions comme l’accès au soin, la baisse des frais de scolarité à l’université ou le contrôle des armes à feu –, il faut une approche non-partisane. Ces questions, dit-il, réclament de l’intelligence collective, du bon sens. Qui pourrait ne pas vouloir « le meilleur pour notre pays » ?

La minute patriote

Prostré sur son fauteuil, Paul Ryan tire une tête longue comme l’Empire State Building. Quelques minutes plus tard, l’occasion lui est pourtant donnée de se détendre en se levant un instant : Obama, qui aborde les questions internationales, vient de clamer son admiration pour l’armée américaine, « la meilleure du monde et la plus soutenue financièrement, avec un budget supérieur aux huit armées des huit nations les plus puissantes après nous ». Toute la salle applaudit. « Nous sommes le pays le plus puissant au monde, et de loin ! Et de loin ! » C’est la minute patriote. Ça ne peut pas faire de mal, semblent s’être dit les conseillers du président… Ryan ose un sourire. De courte durée. Une allusion soudaine au mariage gay – « ou la possibilité désormais donnée à tout citoyen américain de se marier à la personne qu’il ou elle aime » – l’a fait se rasseoir à toute allure.

Quelques instants plus tard, le réalisateur propose un gros plan sur Bernie Sanders, le candidat démocrate (à la gauche du partie) le plus à même de concurrencer la favorite Hillary Clinton. Aussi respectable et réussie soit la campagne de Sanders jusqu’à présent, la séquence d’images ne le met pas en valeur : face à ce président bientôt sur le départ et pourtant toujours jeune (54 ans) et au meilleur de sa forme, Bernie Sanders (74 ans) a des airs de vieux monsieur fatigué avant même d’avoir conquis la Maison Blanche.


A la tribune, les sujets défilent à toute allure. Les bons chiffres de l’économie, la baisse du chômage (retombé à 5%), l’amour du pays pour ses entreprises et ses entrepreneurs, les grands comme les petits. L’Amérique, dit Obama, « c’est tous ces immigrants et entrepreneurs qui, de Boston à Austin à la Silicon Valley, se battent pour dessiner un monde meilleur. » Il insiste : « L’esprit de découverte est dans l’ADN de notre pays. C’est pourquoi nous ne devrions jamais avoir peur de l’avenir ». Re-applaudissements. Puis aparté à propos d’écologie : « les Etats-Unis se doivent d’être exemplaires… d’immenses progrès ont été accomplis… une obligation pour nous puisque plus grand monde dans ce pays n’a la bêtise de nier la réalité du réchauffement climatique… » Trump le climato-cynique appréciera.

Viser Trump

Puis viennent les nouvelles technologies, « qui doivent travailler pour nous tous, et pas contre nous tous », et à nouveau les questions de sécurité dans le monde.« Comment ne pas nous replier, vivre dans la peur… ? Ou à l’inverse, comment ne pas devenir la police du monde, ce qui n’est pas notre rôle ? » Un peu plus tard, Obama donnera sa vision d’un statut à reconquérir. « L’Amérique que les gens aiment à l’étranger, c’est celle qui est diverse, celle qui est ouverte d’esprit. » Hélas, ajoute-il à demi-mots, beaucoup ici ne pensent pas de cette façon – et attisent la haine bêtement. « Il faut rejeter toute politique qui cible les gens en fonction de leur race ou de leur religion. » Encore une fois, c’est Trump qui est visé.

« Va- t-on répondre aux changements par la peur, en se refermant et en se tournant les uns contre les autres ? » Puis vient une pique contre Ted Cruz, autre candidat républicain aux dernières sorties ultra-guerrières : « Notre réponse aux défis qui nous font face ne peut pas se résumer à des tapis de bombe balancés sur la tête de civils innocents. » Longs applaudissements des partisans démocrates. Semi-évanouissement de Paul Ryan. Qui n’appréciera pas davantage la saillie présidentielle contre « l’argent, qui joue un rôle beaucoup trop important à Washington » et biaise l’exercice démocratique. « Il est clair qu’il faudra rapidement réformer notre système électoral. » Dommage qu’il ne l’ait pas fait pendant ses deux mandats, soit dit en passant…

As de cœur

Quarante minutes ont passé. Sans grandes surprises. Obama est bon, mais on l’a connu meilleur. Ni vraiment solennel, ni complètement détendu, il semble hésiter entre les deux postures, cherchant le bon ton pour chaque volet de son intervention. Mais comme un joueur de cartes qui aurait gardé l’as de cœur dans la manche – et alors qu’on commençait presque à s’ennuyer –, il tente un coup incroyablement culotté, et terriblement efficace. Adoptant soudain le temps de la confidence, il souhaite exprimer, à l’issue de sept années d’une présidence souvent agitée, « le regret d’avoir constaté que le niveau de nos débats, ici à Washington, était trop souvent assez médiocre. » Trop de mauvais esprit, dit-il, trop de rancœur, de mensonges, de suspicion permanente. « Je sais bien sûr qu’il est plus facile d’être cynique, quand on est élu. On est poussés à ça par le besoin d’être réélu. Et peut-être aussi par sa base. Je comprends tout ça… mais je le regrette. »

Lui aurait rêvé d’autres choses. De débats plus nobles. D’alliances objectives, de solutions consensuelles sur les questions de santé – ou sur le besoin brûlant de mettre un terme aux « mass-shootings ». La voix désormais très posée, très calme – à la façon d’un patron de PME qui prendrait ses employés « entre quat'z'yeux », dans le secret d’une salle de réunion –, le président des Etats-Unis fait la leçon à la classe politique de son pays. Le message est clair : « Moi, au moins, j’aurais essayé de me hisser au niveau. Dommage que nous n’ayons pas été plus nombreux à en faire autant »… Derrière Barack Obama, Paul Ryan est livide. KO debout. Devant son poste de télé, Donald Trump, lui, doit carrément s’arracher le toupet. 

TELERAMA




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