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Société

Focus sur la maison d’éducation Mariama Ba: IMMERSION DANS UNE ÉCOLE OÙ L’EXCELLENCE EST UN CRÉDO


Jeudi 30 Juillet 2015

Pour la première fois dans l’histoire du Concours général, la Maison d’éducation Mariama Bâ arrive en tête du classement. Elle vient encore de confirmer cette belle performance au baccalauréat en obtenant un taux de réussite de 100% et 25 mentions. Immersion dans une école où l’excellence est un crédo que pensionnaires, personnel enseignant et administratif cultivent au quotidien.

Après avoir longtemps végété entre les différentes places d’honneur, cette année, la Maison d’éducation Mariama Bâ occupe le haut du pavé du Concours général. Dans son escarcelle, 18 distinctions, dont 7 Prix et 11 Accessits. Cerise sur le gâteau, l’une de ses pensionnaires, Aby Kâ, élève en classe de Première, est arrivée première de ce concours.

« Les filles de Mariama Bâ, globalement, sont de bonnes élèves. Nous arrivons toujours à bien nous placer au Concours général avec beaucoup de citations. Cette année, nos résultats sont exceptionnels parce que nous sommes parvenus à occuper la première place. Nous sommes fiers, car c’était notre objectif. Vous savez, quand vous avez été longtemps deuxième, forcément, vous avez envie d’être premier », résume le proviseur de l’école, Catherine Sarr.

Etablissement remis à neuf

On est le 14 juillet. La chaloupe de 10h qui va à Gorée n’a pas fait le plein. En cette période de Ramadan, l’île historique n’est pas encore prise d’assaut par les vacanciers. Ce jourlà, la Maison d’éducation Mariama Bâ, où il faut accéder après avoir arpenté une succession d’allées pavées de roches et de ruelles sableuses, s’est vidée de ses pensionnaires.

Seul le gazouillis des oiseaux vient déchirer le voile de quiétude qui règne en cette matinée ensoleillée. Une fois le portail du lycée franchi, l’allée centrale, bordée d’une végétation luxuriante de part et d’autre, mène aux différents bâtiments aux couleurs sobres.

A gauche, les salles de cours, au milieu les services administratifs où trône majestueusement, au bout des escaliers, une photo grand format de la marraine de l’école, et à droite les dortoirs, l’amphithéâtre et le réfectoire. Tous ces locaux ont été réhabilités l’année dernière. D’où ce sentiment de neuf que donne l’architecture.

Après la cérémonie traditionnelle de remise des prix de fin d’année, tenue quelques jours plus tôt, toutes les pensionnaires sont rentrées chez elles. Elles peuvent bien souffler, elles qui, sur leur îlot, loin des tumultes des grèves sur le continent, continuaient de suivre sereinement leurs enseignements. Ici, point n’était donc besoin de prolonger les cours comme dans la plupart des autres établissements du Sénégal, selon Mme Sarr.

Pour cause, Mariama Bâ a été épargnée par la longue grève que le système éducatif a connue cette année. « Contrairement à ce que les gens pensent, il nous arrive d’observer la grève. Seulement, on ne la fait pas comme cela se fait ailleurs. On veille toujours à ce que le mouvement d’humeur ne mette pas en péril la performance des élèves », explique Moustapha Sène, professeur d’Histoire et de Géographie.

A travers ces propos, cet enseignant, fort d’une expérience de 24 ans, dont 16 passés à Mariama Bâ, vient de donner l’un des facteurs de performance de cet établissement. Autre secret de cette réussite ? « Il n’y en a pas. Il suffit juste de travailler », disent en chœur Mme Sarr et M. Sène. « Nous n’avons pas de stratégie ni de classe spéciale. Nous avons d’excellentes élèves et de bons encadreurs », ajoute le proviseur.

Certes, il n’y a aucun secret ni aucune stratégie particulière, mais tout de même, à Mariama Bâ, il est établi que, dès la rentrée des classes de Première et de Terminale, les enseignants essaient de déceler les élèves qui pourraient valoir satisfaction au Concours général.

Une fois que le choix des filles à présenter est confirmé, celles sélectionnées bénéficient de l’accompagnement des enseignants. Ces élèves sont encouragées à faire des recherches personnelles, à lire pour augmenter et éveiller leur capacité de réaction.

Le secret : le travail

Selon M. Sène, ce dispositif mis en place est pour beaucoup dans les bons résultats enregistrés cette année. « La chance qu’on a ici, c’est que les élèves, nous les avons depuis la classe de 6ème. Il est facile de les suivre, de mettre en place un certain nombre de choses sur le plan pédagogique et d’installer des compétences. Ce qui fait qu’au second cycle il est possible de renforcer et de dérouler », explique-t-il.

Ajoutez-y l’existence d’une équipe pédagogique qualifiée d’« élite » par M. Sène, les facteurs explicatifs de ces résultats sont réunis. « Avoir des professeurs rompus à la tâche, engagés et expérimentés est un facteur de performance. Certains diront que nous avons les meilleures élèves. Certes, c’est vrai, mais il y a aussi de brillants élèves, voire de meilleurs, ailleurs. Il suffit juste de mettre un bon dispositif en place et de bien travailler en mettant les apprenants dans des conditions de performance », conseille le professeur d’Histoire et de Géographie.

Toutefois, comme pour prévenir toute suspicion de favoritisme, le proviseur de l’établissement assure qu’aucune sélection n’est faite en ce qui concerne les enseignants affectés à Mariama Bâ. « Nos enseignants sont comme tous les enseignants du Sénégal ; ils sont du public, donc viennent par le mouvement national. Ils ne sont pas triés sur le volet.

En général, quand ils viennent, ils s’adaptent. Et souvent ils restent jusqu’à la retraite. C’est pourquoi on en voit qui font entre 15 et 20 ans dans cette école », souligne Catherine Sarr. Comme on le constate, continuer à écrire les si et longues lettres de noblesse de cette école d’excellence est une entreprise qui demande des sacrifices aussi bien chez les élèves, le corps professoral que la direction.

Tous en ont pris conscience et s’attèlent à cette mission en ayant en ligne de mire l’une des valeurs fondamentales que la marraine de l’établissement a inscrites en lettres d’or dans son célèbre ouvrage : « une fille doit se battre pour devenir une femme leader ».

QUÊTE D’UNE RECHERCHE PERPÉTUELLE DE L’EXCELLENCE

Depuis son ouverture, lors de l’année scolaire 1977-1978, la Maison d’éducation Mariama Bâ a connu un certain nombre de mutations, notamment au niveau des critères d’entrée.

C’est durant l’année scolaire 19771978 que la Maison d’éducation Mariama Bâ, appelée à l’époque Maison d’éducation de l’Ordre national du Lion, a ouvert ses portes. Le président Senghor l’avait créée à l’image des maisons d’honneur de France avec lesquelles Mariama Bâ est d’ailleurs jumelée. L’idée étant de former des filles excellentes pour en faire des femmes leaders.

A l’époque, comme son nom l’indiquait, cet établissement ne recevait que les filles dont les parents étaient décorés de l’Ordre national du Lion. Cela ne suffisait pas cependant, il fallait passer aussi par un concours. Etre enfant d’un décoré d’un insigne dans l’un des différents ordres nationaux et ensuite réussir au concours d’entrée, voilà donc les deux conditions qu’il fallait remplir pour entrer à l’école des filles de Gorée.

A partir de 1984, cet établissement connaît sa première mutation. Dans le souci de démocratiser l’accès, le président Abdou Diouf décide que, désormais, seules les meilleures filles à l’entrée en 6ème pouvaient prétendre à aller à Mariama Bâ. Cela, sur la base des résultats transmis par les différentes Inspections d’académie. Un an plus tard, en 1985, le nom de l’écrivaine et femme de lettres, disparue quatre ans plus tôt, a été donnée à l’école.

Trente ans après, c’est-àdire en 2014, le ministre Serigne Mbaye Thiam, sur la demande insistante des autorités de cette école, décide enfin de modifier les critères d’accès. Désormais, ce sont les 150 meilleures filles à l’examen de l’entrée en 6ème qui sont sélectionnées pour passer le concours d’entrée à l’issue duquel les 25 premières sont choisies.

Ce nouveau changement s’explique par le fait que, ces dernières années, il a été noté un manque de rigueur dans la sélection des filles, puisque certaines parmi elles, une fois admises à Mariama Bâ, se retrouvaient avec des moyennes comprises entre 9 et 4.

Pour des filles supposées triées sur le volet, cela fait dégât. « Pour une école d’élite comme Mariama Bâ, on ne peut pas se permettre d’avoir d’aussi basses moyennes. Il nous arrivait de renvoyer des élèves de 6ème à l’issue de l’année scolaire. Cela a été une demande forte de revoir les critères d’entrée. En 2005 déjà, le proviseur qui m’a précédé demandait l’organisation d’un concours. Nous n’avons jamais pu l’obtenir, et c’est le ministre Serigne Mbaye Thiam qui a accédé à notre demande », souligne le proviseur Catherine Sarr qui a été d’abord censeur dans cet établissement.

Au regard des bons résultats obtenus par les élèves de la classe de 6ème de cette année, c’est-à-dire celles qui ont été admises sur la base de ces nouveaux critères, on est tenté de dire que cette mesure du ministre de l’Education est bien salutaire. En effet, elles sont toutes passées en classe supérieure.

Mieux, aucune d’elles n’a eu une moyenne inférieure à 13/20. « Nous n’avons jamais eu une classe d’un niveau aussi exceptionnel. La dernière de la classe a eu une moyenne de 13,14/20 au premier semestre et la première 17,46/20; cela fait un écart de quatre points. Alors que, l’année dernière, la première avait 16/20 de moyenne et la dernière 4/20, soit un écart de 12 points », se réjouit M. Sarr.

Autre changement notable : il est exigé aux élèves de présenter un certificat de nationalité sénégalaise. En outre, le jugement supplétif n’est pas accepté. Ce dernier critère se justifie par le souci d’avoir des classes homogènes au niveau de l’âge.

Le proviseur s’en explique : « On a eu des cohortes d’élèves qui arrivaient en 6ème et dans lesquelles on trouvait de petites filles qui avaient 11 ou 12 ans et de grandes filles qui disaient avoir 10 ans, alors qu’on voyait qu’elles avaient entre 15 et 16 ans. Et cela nous faisait des classes à différentes vitesses. Psychologiquement, ce n’était pas bien pour des filles qui n’avaient pas le même âge ».

UN RÉGIME D’INTERNAT D’UNE RIGUEUR MILITAIRE

Du réveil à 6h du matin jusqu’à l’extinction totale des lumières à 23h, les pensionnaires de Mariama Bâ sont soumises à un régime stricte. C’est la rançon de la performance.

Quand on lui fait remarquer que le régime d’internat à Mariama Bâ rappelle à bien des égards la rigueur militaire, Mme Sarr se laisse aller dans un grand rire avant de répondre : « C’est comme ça ».

Cette organisation, fait-elle remarquer, est tellement stricte qu’au début les nouvelles pensionnaires ont du mal à s’adapter et fondent en larmes. Mais, ce n’est qu’une question de temps du fait du dépaysement, car toutes finissent par s’adapter à cette grande famille qu’est Mariama Bâ.

« Quand elles viennent, elles pleurent parce qu’elles ne connaissent pas cela, mais quand elles rentrent, elles pleurent également parce qu’elles sont devenues des amies. Une chose est extraordinaire, les filles de Mariama Bâ, quand elles sont là, elles ont des relations de camaraderie très fortes. Elles restent des amies à vie. L’Amicale des anciennes en est la parfaite illustration », indique le proviseur.

A Mariama Bâ, les filles observent une discipline organisationnelle bien établie. Après le week-end passé en famille, elles reviennent à l’école le dimanche soir par la chaloupe de 18h 30 et mangent à 19h. Durant toute la semaine, le réveil, c’est à 6h du matin. Elles font leur toilette, surveillées par les maîtresses d’internat. Ensuite, elles descendent au réfectoire à 7h 15 pour prendre le petit déjeuner. Et à 7h 30, elles entrent en classe pour faire une première étude en attendant le professeur.

A 13h, elles prennent la pause. Direction : le réfectoire. Après le repas, elles regagnent leurs chambres pour une petite sieste jusqu’à 14h 30. Puis, elles retournent en classe à 14h 45. Là encore elles font une petite étude avant l’arrivée du professeur. Les cours se déroulent jusqu’à 18h pour les plus petites et 19h pour les plus grandes.

Elles retournent au réfectoire pour manger. Une fois ceci accompli, les élèves sont invitées à faire leur toilette. Et à partir de 20h, elles vont en études. Les petites en ont pour une heure avant d’aller se coucher à partir de 21h alors que les plus grandes en font deux heures, c’est-à-dire jusqu’à 22h. Elles regagnent ensuite leurs chambres, et à 23h, c’est l’extinction totale des lumières.

Actuellement, l’établissement compte 214 élèves. Elles sont encadrées par 28 enseignants. Durant la journée, ce sont les surveillantes d’externat qui veillent sur elle. Tandis que la nuit, elles sont sous la supervision des surveillantes d’internat qui dorment avec elles. Les pensionnaires habitent trois par chambre et chacune occupe un lit. Elles sont prises en charge sur le plan vestimentaire. Ainsi, chacune d’elle dispose de robes d’internat et de tenues de sortie.

MARIAMA BÂ, LÀ OÙ DES AMITIÉS D’UNE VIE SE FORGENT

Entre les pensionnaires de Mariama Bâ, les amitiés qui se nouent ne sont pas feintes. Elles sont cimentées par la sincérité.

Elles s’appellent Marie Ernestine Amina Gomis, Amina Diop et Fatim Thiam. Les deux premières sont en classe de Seconde, la dernière fait la classe de Première. Comme la plupart des pensionnaires de la Maison d’éducation Mariama Bâ, elles ne se connaissaient pas du tout.

Mais, grâce à cette école, elles sont en train de sceller une amitié qui, comme celle qui a soudé leurs devancières, va résister aux vicissitudes du temps. Quand elles parlent des valeurs que leur passage à Mariama Bâ est en train de leur apprendre, on sent une certaine sincérité dans leurs propos.

« A Mariama Bâ, au fur à mesure que les années défilent, se développent des liens d’amitié sincères. Ici, on découvre nos meilleures amies. Nous sommes toutes des sœurs. On forme une famille, on ne s’oublie pas, même durant les vacances, on garde le contact », assure Marie Ernestine, la présidente du gouvernement scolaire.

Amina Diop renchérit : « Mariama Bâ est une école de la vie. On côtoie d’autres filles, on vit loin de ses parents, on devient plus mature, on développe ainsi certaines valeurs comme la tolérance, l’esprit d’équipe et le partage. C’est vrai qu’au début il est difficile de s’adapter parce que c’est un nouvel univers, on vit avec des gens qui viennent de divers horizons et qu’on ne connaît pas, mais finalement, on se rend compte qu’on est une vraie famille ».

C’est le même sentiment de dépaysement qui avait gagné Fatim Thiam lorsqu’elle a posé, pour la première fois, les pieds dans cette école. Mais aujourd’hui, elle confie toute sa fierté d’avoir fait partie de cette grande famille. « Du dehors, on pense que les élèves de Mariama Bâ passent tout leur temps dans les livres.

Pourtant, c’est aussi un lieu où l’on apprend à vivre ensemble, où l’on nous inculque des valeurs qui nous servent de viatique pour la vie. Je ne suis pas encore sortie, mais je ne regrette pas d’y être entrée », déclare cette enfant de Colobane.

Comme toutes les pensionnaires de la Maison d’éducation Mariama Bâ, Marie Ernestine, Amina et Fatim ont pleine conscience que si elles ont été admises dans cet établissement, c’est pour devenir, demain, des femmes leaders à même de participer au développement du Sénégal. C’est pourquoi elles se disent prêtes à maintenir toujours plus haut et éclatant le flambeau allumé par leurs devancières

Une réhabilitation salutaire

Comme beaucoup de constructions à Gorée, l’école Mariama Bâ n’a pas été épargnée par l’usure du temps. A un moment, ses bâtiments avaient menacé ruines. Une grande campagne de plaidoyer pour sa réfection a été portée par différents acteurs, notamment l’Amicale des anciennes pensionnaires. Mais, depuis l’année dernière, cette menace s’est dissipée, car l’Etat du Sénégal, sur un financement de la Banque mondiale, a entièrement réfectionné l’établissement.

Aujourd’hui, le cadre est devenu beaucoup plus convivial et les différents acteurs (élèves, professeurs, personnel administratif, technique et de service) évoluent dans un environnement plus sûr. Les travaux de réhabilitation ont été réceptionnés en début d’année scolaire. Selon le proviseur, il n’y a pas eu d’impact négatif sur la performance des élèves.

« Nous avions pu faire en sorte de terminer les compositions tôt pour libérer les bâtiments, afin que les travaux puissent commencer. Nous avons mis les élèves de 3ème et de Terminale dans un centre d’accueil à côté pour leur permettre de poursuivre les cours. Cela n’a pas eu d’impact puisque nous avonseu100%auBacet100%au Bfem », soutient-elle.

Même si un petit retard a été noté lors de cette présente année scolaire, il a pu être comblé à travers des cours de renforcement durant les vacances de Noël et de Pâques et parfois même pendant les vendredis après-midi. Aujourd’hui, il reste juste à ériger le mur de clôture du côté de l’océan. Et d’après le proviseur, sa réfection fait partie du projet.

Mais, du fait de l’érosion marine, des travaux de consolidation des fondements sont d’abord nécessaires. « Il faut des travaux spécifiques d’abord, c’est ce qui l’a retardé. Mais, nous espérons que le mur sera réalisé rapidement, pour que la sécurité puisse être complète dans l’école », avance Catherine Sarr.

LESOLEIL





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