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FATOU WARÉ MBOUP : Le rythme dans le sang


Jeudi 22 Janvier 2015

Figure remarquable de la danse au Sénégal, Fatou Waré Mboup a réussi à imposer son style à la fois raide et fluide. A 25 ans, la jeune chorégraphe veut être l’estafette de toute une corporation souvent salie par des turpitudes. Quitte à faire le dos rond…

Sur une piste de danse, elle part sur les chapeaux de roue, au quart de tour, avant de tourner sur elle-même, comme une toupie, une furie. De quoi vous donner le tournis ! Fatou Waré et la chorégraphie, c’est une histoire qui vous fait valser aux rythmes des percussions. Mais aussi et surtout de toupet…

Elle fait partie de celles qui sont nées avec un don, une sorte de génie dédié aux dieux des galipettes et autres pirouettes. Issue d’une lignée de griots, c’est aussi sans surprise que la fillette a très tôt pris le chemin des siens. Bercée par le tempo frénétique, elle n’a pu résister à l’appel du sang. Ses premiers pas de petite fille balbutiante dénotaient, déjà, de futures envolées incandescentes. Et son oncle paternel, Mass Mboup, ne croyait pas si bien dire, en lui prédisant un avenir certain dans le cercle des «Guéweuls» (griots)…

Du théâtre à la danse, un pas !

Fatou Waré a six ans lorsqu’elle gagne son premier trophée de danse. C’était lors de la réputée émission de l’animateur Aziz Samb, «Oscar des Vacances». Dans la rubrique «Mbalakh individuel», une boule d’énergie déboule sur le podium pour y laisser à jamais ses empreintes. Parmi une ribambelle de gamins, la starlette en herbe esquisse des pas de danse endiablés et charme le public, en même temps jury. A ce moment-là, la fillette commence à peine à se faire une place à l’école. Éveillée et pleine d’entrain, elle se débrouille tant bien que mal. Toutefois, son esprit est partagé, rongé par sa passion de l’art. Au collège, à quelques mois de l’examen du Bfem (Brevet de fins d’études moyennes), elle fait le choix de tourner la page des études, pour se lancer dans le théâtre, dans un premier temps. C’est grâce au célèbre comédien Leïty Fall qu’elle a attrapé le virus du sixième art et fait le pari d’écumer les salles de spectacle avec lui, pour monnayer ses talents d’interprète. Au bout de quelque temps, le fruit de son travail paye. Elle remporte une autre récompense, celle de Meilleure comédienne. Presqu’aussitôt, elle renoue avec ses vieux démons. La danse reprend le dessus dans sa vie. La native de Dakar intègre une troupe de sa banlieue (Guédiawaye) et cela durera six années consécutives. Un parcours qui lui a également valu une autre consécration. Et de trois, pour Fatou Waré ! La jeune fille creuse petit à petit son trou et commence à s’affirmer. Elle affiche surtout et clairement ses ambitions : devenir une danseuse de renom. C’est ainsi qu’elle fait la connaissance de Ndèye Guèye, l’actuelle patronne des «Gazelles (groupe de danse)», avant d’intégrer son groupe. Elle apprend les rudiments du métier et se formalise avec la dure réalité du showbiz qui prend très vite les allures d’une jungle où il faut survivre…

Propositions indécentes

Très déterminée et coriace, derrière ses airs de «bête apeurée», Fatou Waré se donne corps et âme. Elle ne vit que pour les répétitions et les prestations scéniques. Au bout de quelques années, elle prend conscience qu’elle ne peut plus se contenter de vivre des cachets qu’elle gagnait avec son mentor Ndèye Guèye. Elle prend son courage à deux mains et claque la porte, histoire de voler de ses propres ailes. Une décision qui n’était pas sans conséquences pour la danseuse prometteuse. Née d’une famille démunie, elle est soutien de famille et partage ses dividendes avec ses parents, ses frères et sœurs. Autant dire que la nature n’a pas souvent été tendre avec elle. Avec ses yeux de merlans frits, elle a découvert, avec cruauté, la face hideuse de son monde. Alors qu’elle peinait à joindre les deux bouts, elle fait appel à ceux qu’elle croyait être des amis, pour pouvoir se tirer d’affaire. Peine perdue ! Fatou Waré se heurte à un rideau de fer, à des personnes sans cœur qui n’hésiteront pas à lui proposer une partie de jambes en l’air en échange d’une bouffée d’air frais. «Des gens que j’ai connus dans les mondanités et autres, qui m’offraient gracieusement de l’argent quand je dansais, m’ont carrément tourné le dos. Pendant que d’autres plus vicieux n’ont eu aucun scrupules à vouloir m’entraîner dans leurs lubies sous leurs couettes. Sans mettre de gants, ils m’ont proposé de coucher avec eux, si je voulais bénéficier de leur aide. Heureusement pour moi, j’ai gardé la tête froide, je n’ai pas cédé à la tentation, malgré les épreuves de la vie. Aujourd’hui, je suis fière et je garde la tête haute surtout», raconte-t-elle, avec le dépit à la bouche…

«J’ai été contrainte de passer la nuit dans des cantines de pain»

A l’époque, la demoiselle au physique squelettique n’est plus que l’ombre d’elle-même. Elle multiplie les échecs et les revers, mais son tempérament de battante qu’elle tient de sa mère, lui fait reprendre le dessus à chaque fois. Coup du destin, sa famille est obligée de déménager dans la lointaine banlieue, à des kilomètres à la ronde de la salle où elle répète jour et nuit et de la ville où elle tient ses principales activités qui lui permettent d’avoir un tant soit peu. Fatou ne sait plus à quel Saint se vouer. Elle a beau se creuser les méninges, elle ne trouve pas solution à son énigme. Comment faire pour poursuivre sa carrière de danseuse, sans pour autant aménager à l’autre bout du monde ? Elle était face à deux solutions : habiter avec ses parents, abandonner ses chances de vivre de la danse et vivre à leurs crochets ou se démerder seule pour pouvoir assurer sa survie et la leur. La première était impensable et ne pouvant compter sur personne, Fatou Waré choisit, une fois de plus, d’affronter son destin. «J’ai demandé à des amis de m’héberger, mais personne n’a daigné me prêter une oreille attentive. J’ai été contrainte de passer la nuit, seule dans des cantines de pain, pendant deux semaines. Par la suite, j’ai pu réunir assez d’argent pour trouver une petite chambre à 25 000 FCfa», couine-t-elle amère, le cœur gros. Cet épisode sombre de sa vie aura eu comme effet de renforcer la carapace de la jeune fille, de faire d’elle une femme avec la tête sur les épaules, débarrassée de chichis, forte et hargneuse. D’un autre côté, les stigmates d’une longue traversée du désert sont aussi visibles sur sa peau flasque et dépigmentée, ses rides qui lui donnent bien plus que ses 25 berges.

Amoureuse…

Aujourd’hui, la vie semble lui sourire à nouveau, comme du temps de son enfance où ses seules occupations étaient de jouer avec les membres de sa fratrie ou de discuter avec son éternel complice, son père. Ce pater, à qui elle n’hésite pas à confier ses amours. Ah oui ! Fatou est amoureuse, elle est bel et bien éprise d’un homme qu’elle prend le soin de cacher hors des projecteurs. Elle vit pleinement cette relation qui la transporte hors des sphères médiatiques et surtout loin des turpitudes de la vie. Ses préoccupations demeurent certes, mais elle vit moins sous pression et ne croule plus sous le poids des soucis financiers. Maintenant qu’elle a su se hisser au sommet, se faire un nom dans la danse, la jeune femme gagne pas mal sa vie. Elle est également vendeuse dans un magasin de tissus au marché Zinc, à ses heures perdues. Ses prestations, quant à elles, se multiplient au fil des jours et ont même commencé à s’exporter dans l’Hexagone. Sa rencontre avec le producteur d’origine allemande, Mark Ernestus, a aidé à donner un coup de pouce à sa carrière internationale. Toutefois, son compagnonnage avec la chanteuse Adiouza aura été encore plus déterminant. Celle-ci, en faisant d’elle sa danseuse attitrée, lui a ouvert la porte à la reconnaissance et à la gloire. Ses pas de danse, son style fluide et raide à la fois ont fini d’asseoir sa réputation.

Redorer le blason de la danse, son credo

Assez pour qu’elle s’impose comme leader dans son domaine et veuille s’ériger en bouclier contre les invectives que l’on adresse à sa corporation. «Je veux contribuer à redorer le blason de la danse au Sénégal. Je suis consciente que ce ne sera pas facile, car il y a certaines de mes collègues qui prêtent le flanc, en ternissant notre image par leur manière de danser, en montrant leurs attributs. Leurs relations entre elles ne sont pas non plus des meilleures, ce qui constitue un frein à toute organisation solide qui puisse porter des fruits dans le temps. Étant donné que j’ai la chance de bien m’entendre avec tout le monde, j’entends être une sorte d’estafette pour combattre tous ces fléaux qui nous gangrènent et aller de l’avant. La danse est un métier, tout ce qui a de plus noble. Et grâce à ces acteurs, le pays peut entrevoir une porte pour le développement. Malheureusement au Sénégal, nous ne sommes pas respectés à notre juste valeur. Nous sommes des danseurs et pas des sauvages. Même pour répéter dans les salles de spectacle, il faut payer. Ce n’est pas normal, nous n’avons pas de subventions, alors qu’il y a un budget pour les artistes», rumine-t-elle, le cœur gros.

Dj Boub’s, le gardien du temple

N’empêche, Fatou Waré poursuit son bonhomme de chemin avec ses deux groupes qu’elle dirige, «African Ndiguël Groupe» et le «Waré Compagnie». En bonne croyante et fervente talibé de Serigne Fallou, elle croit à sa bonne étoile et est persuadée d’atteindre, un jour, ses objectifs. Pour cela, elle peut toujours compter sur le «gardien du temple», son bienfaiteur, le tonitruant animateur de la bande Fm, Boubacar Diallo, alias Dj Boub’s. D’ailleurs, elle ne tarit pas d’éloges à son égard : «Boubacar est un homme très généreux et modeste. Il s’arrange toujours à me trouver des prestations. Il a beaucoup contribué à me faire un nom dans ce milieu. Il a clairement affirmé devant la télé que j’étais sa danseuse préférée et je ferais de mon mieux pour ne pas le décevoir. En plus de son soutien et de son assistance, il m’apporte des conseils. C’est un ami et un frère qui n’a de cesse de m’encourager. Je ne pourrais jamais assez le remercier.» Parole de danseuse!

LOBSERVATEUR





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