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Société

Enquête- recrudescence des accouchements par voie haute : La césarienne, ce business si florissant des cliniques


Mardi 29 Novembre 2016

LOBSERVATEUR-plus en plus au Sénégal, les accouchements se font par césarienne. Une situation qui interpelle plus d’un, mais que les spécialistes expliquent par des raisons plus ou moins cohérentes, escortées d’espèces sonnantes et trébuchantes. Puisque le gain financier que ça procure aux propriétaires d’établissements privés de la place ne fait l’ombre d’aucun doute et des cliniciens estiment que la césarienne permet de lutter contre la mortalité maternelle et néonatale… Malgré les apparences pourtant, le Sénégal est très en deçà des normes de l’Organisation mondiale de la santé (Oms), en termes de taux de césarienne. L’Obs vous plonge dans les dédales des salles d’opération et d’attente des cliniques.


Enquête- recrudescence des accouchements par voie haute : La césarienne, ce business si florissant des cliniques

Après neuf interminables mois d’attente, Alima avait hâte, très hâte de tenir son bébé dans ses bras. Le serrer très fort contre sa poitrine. Pour une première grossesse, elle désirait accoucher par voie basse, connaître «les douleurs de l’enfantement» et avoir à l’arrivée, ce lien si spécial avec son enfant. Malheureusement pour elle, les choses ne se passent pas comme elle le souhaite. Son destin se joue sur un simple regard de l’homme à la blouse blanche. Une fois à la clinique pour voir son gynécologue, ayant dépassé sa date prévue d’accouchement (Dpa) de trois jours, celui-ci lui fait savoir, contre toute attente, qu’elle allait devoir subir une césarienne sur le champ. Illico presto ! Paniquée, Alima opte pour un refus ferme. Mais poli. Elle ne veut pas être opérée. Des conciliabules, puis on lui explique très rapidement, avec force arguments médicaux, qu’à 41 semaines d’aménorrhée, son placenta vieillissait, ce qui était risqué pour la survie de son bébé, d’autant plus que son col de l’utérus était toujours fermé. Il fallait le faire sortir au plus vite. Affolée par la perspective de perdre son enfant, Alima accepte de passer sous le bistouri. «Durant ma grossesse, je priais pour ne pas subir de césarienne, j’avais vraiment peur d’être opérée, raconte la jeune maman d’un garçon de trois mois. Mais aujourd’hui, quand je regarde mon bébé, je me dis que l’essentiel est qu’il soit là, en bonne santé, même si j’aurais préféré éviter l’opération.» Acte chirurgical assez redouté auparavant, la césarienne est, de nos jours, de plus en plus pratiquée au Sénégal. Une opération à la limite banale, que de nombreuses femmes subissent, à l’instar d’Alima. L’intervention consiste à extraire le bébé de l’utérus maternel par incision de la paroi utérine. Le Dr Abdoulaye Diop la définit ainsi : «La césarienne est une intervention chirurgicale qui consiste à faire sortir l’enfant par voie haute, si les conditions de l’accouchement par voie basse sont dangereuses pour la maman et/ou pour l’enfant. C’est l’intervention chirurgicale la plus réalisée dans le monde.»

Seulement, la césarienne a un coût et lorsqu’elle s’invite dans la vie du couple, pressé de savourer la venue d’un nouveau-né, l’on ne compte pas les sous. Même si elle coûte les yeux de la tête aux nouveaux parents.

«Il est plus simple et mieux payé pour le médecin d’opérer…»

Et pour ne rien arranger aux choses, certains gynécos ont le bistouri facile et sont très prompts à opérer, sans s’attarder sur les états d’âme de leurs patientes. «J’ai vu des femmes qui n’avaient aucune dystocie (difficulté, essentiellement mécanique qui peut survenir lors d’un accouchement, elle peut être d’origine maternelle, c’est-à-dire due à une anomalie chez la parturiente, ou liée au fœtus) apparente et qui ont pourtant subi une césarienne dans une clinique», confie la Sage-femme Marième Fall. De quoi se demander si certaines cliniques privées n’abusent pas des césariennes. Et à en croire les confidences de cet autre gynéco, la peur du risque, les exigences des clients et le gain financier, entre autres, expliquent le grand nombre de césariennes dans certains établissements du privé. «Dans le privé, certaines attitudes expectatives ou certains gestes banalement réalisés dans le public ne seront jamais voire rarement effectués. Parfois, c’est la patiente qui, dès le début du travail, crie ‘’Opéréma !’’ (Opère-moi), le médecin doit avoir beaucoup de cran et de maîtrise pour ne pas le faire, surtout que si ça tourne mal, tout va lui retomber dessus.» Le praticien parle aussi du niveau de formation et de la compétence de certains médecins. «Les jeunes gynécos ont une carence dans la formation en obstétrique pure et ça se répercute dans la pratique. Ils passent moins de temps en salle d’accouchement et du coup, traînent des lacunes dans la surveillance du travail et dans la pratique de l’accouchement proprement dit. Pour certains, l’obstétrique se résume à la césarienne devant la moindre difficulté.» Alors, l’on abuse de la césarienne qui a la vertu d’être coûteuse.

Entre 500 et 900 000 FCfa. Tous vous le diront dans le creux de l’oreille, sans éveiller le moindre soupçon : «Les césariennes sont très chères au Sénégal.» Cette phrase revient souvent comme une litanie dans les chaumières sénégalaises. Et aujourd’hui encore. Cela alimente les discussions. «Pour un rien, les cliniques vous facturent la césarienne et quand on vous donne la facture, vous n’avez que vos yeux pour pleurer», fulmine Modou Guèye, père de famille. Ce quadra se rappelle comme hier, ce jour où à la naissance de son fils aîné, Makhtar, on lui a présenté une facture de 700 000 FCfa. «Moi qui n’avais pas encore acheté le mouton ni assuré les frais pour le baptême. J’étais là cloué, debout comme un piquet devant la clinique, sans réaction.» La suite, une gymnastique de débrouillardise pour payer la clinique par échéance et organiser le baptême. Les gynécologues sont tout aussi conscients que l’argent fait la césarienne et la césarienne fait rouler la machine de la clinique. Lui ne cache pas que l’argent est le nerf de la guerre dans pareils cas. «Le gain financier, il est plus simple et mieux payé pour le médecin d’opérer que de surveiller le travail… et la clinique gagne beaucoup plus encore.» Dans la plupart des cliniques en effet, la césarienne se facture à près de 800 000 FCfa ou plus, si on y ajoute les jours d’hospitalisation. «La césarienne nous a coûté plus de 700 000 FCfa, heureusement que j’avais une prise en charge de l’Ipm (Institut de prévoyance maladie) de mon mari», fait savoir Alima. En outre, l’obstétricien estime que la systématisation est une solution de facilité, car on ne peut pas loger tout le monde à la même enseigne, les patientes étant différentes, d’un cas à un autre. Et de l’avis du Dr Alfousseyni Gaye, gynécologue en service à l’hôpital général de Grand-Yoff (Hoggy), les malades qui vont dans le privé ou dans les cliniques sont le plus souvent d’un niveau assez aisé. «Et la dame qui paie pour aller en clinique exige la qualité, que son enfant naisse dans de bonnes conditions et bien portant. C’est ce que toutes les femmes souhaitent d’ailleurs, mais l’exigence est beaucoup plus forte chez la dame qui met beaucoup d’argent pour ça.» A la clinique Nest, la césarienne est facturée entre 500 et 900 000 FCfa, renseigne Dr Diop. «Et nous sommes 25% moins cher que les autres cliniques», assure-t-il. De quoi se faire une idée du coût exorbitant de cette opération devenue business florissant chez les cliniciens de la capitale sénégalaise. Pourtant, à s’y attarder, la césarienne est une opération tout à fait banale.

Césarienne rime avec danger. Gynécologue et médecin-chef de la Clinique Nest, Dr Diop fait savoir qu’il y a trois types de césarienne. D’abord, la césarienne obligatoire, dans le cas où l’accouchement par voie basse est impossible ou mettrait en danger la vie de la mère et de l’enfant. «En cas de placenta prævia par exemple, c’est-à-dire lorsque le placenta ferme l’entrée de l’utérus, c’est incompatible avec un accouchement par voie basse, c’est soit la césarienne, soit la mère et le bébé meurent. La césarienne est également obligatoire, dans le cas où l’enfant se présente en position transversale, c’est-à-dire par le côté, l’accouchement par voie basse est impossible, dans ce cas.» Il y a aussi des situations d’urgence, quand la patiente a des saignements, suite à une rupture ou une déchirure utérine, ou lorsqu’il y a une souffrance fœtale, c’est-à-dire que le bébé ne respire pas bien et que le liquide amniotique est teinté, le bébé ou la mère peuvent mourir, si on continue le travail, donc on fait une césarienne en urgence, explique le Dr. En deuxième lieu, il y a les césariennes de prudence. «Dans les cas où l’accouchement par voie basse est possible, mais qu’il y a un risque pour le bébé ou la maman, par exemple quand le bébé se présente en position de siège, pour un premier accouchement (primipare) ou chez une patiente qui a un utérus cicatriciel (qui a déjà subi une césarienne), la présentation du siège étant un accouchement à gravité ou à difficulté croissance, il est plus prudent de faire une césarienne», souligne Dr Diop. Selon lui, à chaque fois que l’accouchement par voie basse est plus risqué, on opte pour la césarienne. Enfin, il existe la césarienne de convenance qui, comme son nom l’indique, dépend du bon vouloir de la patiente. «La patiente a légitimement le droit de dire qu’elle préfère être césarisée et on ne peut s’y opposer». La césarienne peut aussi être décidée, quand le bébé est trop gros ou a un poids trop faible et quand le bassin de la mère est trop étroit. Les grossesses gémellaires, surtout pour les primipares, sont également de fréquents motifs de césarienne.

Les indications médicales existent certes, mais le constat est que les césariennes sont de plus en plus nombreuses au Sénégal, on opère à tout-va. Une situation qui peut s’expliquer, à en croire le Dr Gaye, par l’âge avancé des primipares. «La première grossesse est de plus en plus retardée, du fait de l’alphabétisation, de la scolarisation et des études poussées, dit-il. Les femmes préfèrent différer leur première maternité, elles vont jusqu’à 30 ans ou plus et on sait que les femmes de cette tranche d’âge accouchent difficilement. Ce qui fait que la césarienne est beaucoup plus fréquente chez cette proportion de femmes.» Un point de vue que confirme Mme Marième Fall, Sage-femme. «Dans le contexte actuel, les femmes se marient et tombent enceintes tardivement, des facteurs qui contribuent à des souffrances fœtales et maternelles durant l’accouchement, indique-t-elle. Et dans ces cas, le gynécologue fait tout pour sauver la mère et l’enfant et la césarienne est le moyen le plus sûr.» Autre raison pour expliquer la recrudescence des césariennes, les cas d’hypertension artérielle. «Il y a de plus en plus d’hypertension artérielle liée à la grossesse, des pré-éclampsies sévères, signale Dr Gaye. Et pour protéger le rein, le cœur ou le cerveau de la femme, on est parfois obligés d’interrompre la grossesse, en pratiquant une césarienne, pour pouvoir ensuite traiter cette hypertension artérielle qui peut parfois être menaçante pour la mère.»

L’abusun bon filon. Seulement, dans certains cas, la patiente ne présente aucun problème particulier et devrait pouvoir accoucher par voie basse, mais on lui fait quand même subir une opération ou lui fait croire qu’elle ne pourra pas donner naissance normalement. En témoigne cette jeune maman. «Avant mon accouchement, je suis allée dans plusieurs cliniques, on me disait à chaque fois que je devais faire une césarienne avant terme, parce que mon bébé avait du poids. En fin de compte, j’ai accouché par voie basse d’un bébé de 4kg et nous nous portons bien tous les deux. On abuse vraiment des césariennes dans les cliniques. Alors que ça coûte excessivement cher !» Presqu’au terme de sa grossesse, Seynabou en rajoute une couche. «A mon dernier rendez-vous à la clinique, le gynécologue m’a dit que je risquais fort d’être césarisée, si je n’accouchais pas deux semaines plus tard, parce que mon bébé grossissait beaucoup. Cela m’avait beaucoup stressée et j’en ai parlé à une amie sage-femme qui m’a suggéré de prendre un autre avis dans un hôpital public. Ce que j’ai fait et on m’a rassurée, en me disant que je pouvais parfaitement accoucher par voie basse. Maintenant, j’attends le jour-J et j’espère ne pas être opérée.»

«Mieux vaut une césarienne abusive que risquer de perdre le bébé»

L’objectif de tout gynéco, c’est d’avoir la maman et le bébé vivants, après l’accouchement, ajoute le Dr Abdoulaye Diop. «Et il faut dire que les patients sont plus exigeants dans le privé que dans le public, vu la cherté des consultations. Donc, si un gynéco, dans le privé, est dans une situation où il peut potentiellement y avoir des complications pour la mère ou le bébé, sera plus enclin à faire une césarienne de prudence, pour les sauver.» Le médecin-chef de la Clinique Nest avoue que le gain financier est là, mais que la santé de la mère et de l’enfant prime. «Mieux vaut faire une césarienne abusive, qu’il ne valait peut-être pas la peine de faire, plutôt que tenter un accouchement par voie basse et risquer de perdre le bébé, soutient-il. Les gens qui vont dans le privé exigent des soins de qualité et ne tolèrent pas l’échec ou les complications. Aussi si le médecin qui est dans le privé est dans une situation où l’accouchement par voie basse est possible mais risqué, sera-t-il plus enclin à faire une césarienne. Surtout qu’aujourd’hui, les médecins sont de plus en plus exposés à des plaintes ou poursuites pénales, ce qu’on ne voyait pas avant. Ce qui explique de plus en plus les césariennes de prudence.»

Cependant, parler de césariennes trop nombreuses est une appréhension erronée, signale Mme Marième Fall. «Parce que selon l’Oms, pour que les femmes soient sauves, il faudrait que 5 à 15% des accouchements se soldent par une césarienne. Alors qu’au Sénégal, les statistiques montrent qu’on n’est même pas à 4% de césariennes.» Ce que confirme Dr Diop : «L’Oms dit qu’un pays qui a un taux de césariennes inférieur à 15% est un pays dans lequel le système de santé n’est pas suffisamment performant. Le taux national de césariennes au Sénégal est de 2% actuellement, donc largement inférieur à la norme acceptée par l’Oms.» Pour lui, le taux de césarienne que l’on fait dans le privé correspond au taux de césarienne normal qu’il faut avoir dans un pays. Et pour Mme Fall, le jour où on atteindra le taux recommandé par l’Oms, les femmes et les bébés s’en sortiront mieux. «Les césariennes permettent de réduire la mortalité néonatale, la morbidité néonatale et la mortalité maternelle. Devant une souffrance fœtale, si on essaie de faire accoucher la mère par voie basse, on se retrouve, la plupart du temps, avec des complications ultérieures par rapport à son coefficient intellectuel. Et personne n’aimerait avoir un enfant idiot ou débile.»

«Les césariennes permettent de réduire la mortalité néonatale et maternelle»

La réduction du taux de mortalité maternelle et néonatale semble être une justification pertinente, suivant les explications des spécialistes. «Il y a encore beaucoup de femmes et de bébés qui meurent durant l’accouchement, alors qu’on aurait pu les sauver avec une césarienne, affirme Dr Diop. C’est justement parce qu’il y a une augmentation du nombre de césariennes que la mortalité infantile a baissé.» D’après lui, il y a effectivement une augmentation du taux de césariennes, mais c’est en rapport avec les objectifs du millénaire pour le développement (Omd), c’est-à-dire la diminution de la mortalité maternelle et infantile. Dans le même ordre d’idées, le Dr Gaye souligne que lorsqu’on regarde les chiffres de la mortalité maternelle, on se rend compte qu’il n’y a pas de trop de césariennes comme on le pense. «Dans certaines zones, les femmes ont besoin de cette assistance, plus de césariennes pourraient sauver bien des mères et des bébés, donc baisser le taux de mortalité maternelle.»





1.Posté par katy le 30/11/2016 12:31
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