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Opinion

Edito sur la mort de Doudou Ndiaye Rose: MAJOR D’HOMMES Par Serigne Saliou Guèye, Seneplus


Vendredi 21 Août 2015

Avec la mort de Doudou Ndiaye Rose, le Sénégal et l’Afrique perdent un artiste d’une richesse culturelle inestimable. Il n’a jamais été prophète chez lui au moment où plusieurs autres pays l’ont honoré

La mosquée Abass Sall des HLM où avait lieu la levée du corps a refusé du monde. Autorités, parents, amis et simples curieux sont venus lui dire "adieu" et l’accompagner jusqu’à sa dernière demeure. Le grand percussionniste Doudou Ndiaye Coumba Rose reposera pour toujours au cimetière musulman de Yoff. Un artiste planétaire, jamais prophète dans son pays, tire sa révérence.

La nouvelle de la mort de Doudou Ndiaye Coumba m’est parue sur les réseaux sociaux comme une vanne puisque, avant-hier, en l’ayant aperçu aux obsèques de Vieux Sing Sing, personne ne croyait à une disparition aussi imminente même s’il était manifeste que la mort de son congénère semblait l’affecter profondément. Mais je me suis rendu à l’évidence quand après avoir vérifié l’information auprès d’un proche, je sus que le grand tambour-major Mamadou dit Doudou Ndiaye Coumba Rose a cassé sa baguette magique ce 19 août 2015.

Cette mort surprenante rappelle celle de son ami catholique Julien Jouga qui, quatre jours après la disparition du Président Léopold Sédar Senghor, étreint de douleur, s’est éteint à son tour.

L'illustre artiste, s'en va mais ses tambours magiques continueront encore longtemps à résonner, à détonner et à bourdonner. Sa belle chorégraphie accompagnante qui assaisonnait les décibels et rythmes des percussions, restera à jamais dans les souvenirs.

Les tréteaux et autres scènes ont offert à cet artiste talentueux, l’opportunité de donner libre court à sa créativité et faire ressortir ce qu'il avait de meilleur. Doudou n’avait d’école mais il était une école. Avec lui, les batteurs de tam-tams ont beaucoup appris. Son style, ses créations sont reprises dans tous les événements culturels. Avec les majorettes, il a donné depuis 1960, sur demande du Président Senghor, à notre fête d’indépendance une dimension culturelle qui confère au défilé civil un aspect plus attractif.

Homme de refus, d’une valeur rare arrimé à ses convictions culturelles, religieuses et politiques jusqu’à sa mort, homme de principes, de courage, d’abnégation et de sobriété, Doudou Ndiaye Coumba Rose laisse orphelin un quatrième art où la recherche effrénée de l’argent a tué le culte de la créativité.

Oui, Doudou était un créateur. Chacune de ses prestations était une nouvelle création artistique. Et c’est cette créativité qui constituait l’attractivité chez ce monument de la culture. Il est resté lui-même dans une identité culturelle sans tache, identité qu’il défendra partout dans le monde jusqu’au dernier souffle.

La seule fois où j’ai eu le plaisir et l’honneur de lui serrer la main, c’était lors d’une fête à la résidence de l’ambassadeur du Japon au Sénégal. Je découvrais un homme accessible et d’une humilité gênante. Dans notre conversation spontanée, où il me fit voyager dans les années 60 et 80, je compris à l’instant pourquoi cet ambassadeur de la culture sénégalaise ne se lassait jamais de valoriser à l’étranger nos valeurs culturelles. C’est cela qui en fait un artiste d’une dimension planétaire au point de jouer avec les Alan Stivell, Miles Davis, Joséphine Baker, Dizzy Gillepsie, Peter Gabriel, Mike Jagger des Rolling Stones, Kodo (des percussionnistes japonais)…

Avec la mort de Doudou Ndiaye, le Sénégal et l’Afrique perdent un homme de culture d’une très grande mémoire, une bibliothèque, bref un homme d’une richesse culturelle difficile à égaler. Il n’a jamais été prophète dans son propre pays au moment où plusieurs autres du monde l’ont honoré à sa juste valeur. Souffrant que de grands hommes de culture comme Vieux Sing Sing n’aient jamais obtenu de leur vivant cette reconnaissance et ce rang qui leur sont dus dans leur propre pays, amer, outré, Doudou Ndiaye a laissé entendre sa douleur lors des obsèques du père de Mbaye Dièye Faye en ces termes : «Le problème au Sénégal est que les gens attendent toujours ta mort pour te rendre hommage. Quiconque me le fait, je ne lui pardonnerai pas. On me jette des fleurs partout. Les autorités à chaque fois que je les rencontre, disent que je suis un exemple pour les jeunes, qu’elles sont reconnaissantes pour ce que je fais pour mon pays. Mais aucune d’entre elles n’a pensé à me rendre hommage de mon vivant. Organiser une journée pour moi serait salutaire. Je n’ai pas encore la chance d’être dignement célébré par mon pays. C’est regrettable, mais je n’y peux rien !»

Il nous quitte avec toute cette grandeur qui qualifie les hommes qui ont marqué leur époque d’une pierre indélébile. Lui, il n’a jamais accepté de monnayer son talent au service d’intérêts personnels et égoïstes. L’artiste a toujours refusé d’être aveuglé par cette course folle et sans scrupule des artistes à l’argent, aux villas, aux voitures luxueuses et aux honneurs. Et pourtant rien ne l’en empêchait. Mais c’était un homme de vertu et de refus. Il a vécu humble, sobre, accessible, pauvre de ressources financières et de biens matériels mais riche de ses créations culturelles immortelles.

Nous nous interdisons de verser des larmes pour pleurer l’artiste disparu et éviter de verser dans une hagiographie pharisaïque comme certains en sont spécialistes en pareille occurrence. Les grands hommes, on ne les pleure pas, on s’en inspire. Nous pensons que notre seul devoir aujourd’hui est de puiser dans le trésor culturel inépuisable qu’il nous a légué afin d’entretenir vivante la flamme des valeurs et des principes qu’il a toujours incarnés de son vivant.
SENEPLUS





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