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Opinion

Edito sur la Fonction publique sénégalaise: Là où le bât blesse-Par Serigne Saliou Guèye


Vendredi 15 Avril 2016

La fonction publique sénégalaise doit être proactive, prospective et productive car l’Etat lui-même a besoin de performances, d’une culture de la réussite pour atteindre ses objectifs de développement


C’est à travers la qualité du service public offert que l’on apprécie ou déprécie la capacité d’un État à prendre en charge les droits et les devoirs de ses citoyens. Comme la plupart des fonctions publiques africaines, la fonction publique sénégalaise n’est pas épargnée par ces maux qui, depuis longtemps, gangrènent la fonction publique alors que les simples citoyens ont toujours affiché une certaine insatisfaction à l’égard des agents de l’Etat.

Malheureusement, au Sénégal, le constat sur la faiblesse des dispositifs en place et sur la difficulté l’Etat à assurer un service public de qualité et désintéressé à tous les citoyens est récurrent. Pourtant depuis 1968, il est créé le Bureau Organisation et méthode (BOM) qui disparaitra avec la réforme de 1992 pour laisser place à une Délégation au management public.

En avril 2013, la Délégation générale à la réforme de l’Etat et à l’assistance technique (DGREAT) est créée avant mourir cinq mois plus tard pour laisser place à la résurrection du BOM. Malgré ces instruments successifs de bonne gouvernance administrative mis en place, presque aucun agent de la fonction publique au Sénégal n’a de conscience ni d’éthique professionnelle pour accomplir de façon efficace et sans corruption une mission de service public.

Après un effort d’assainissement engagé par l’Etat par l’audit de la Fonction publique pour traquer et débusquer les « fonctionnaires-fantômes », il revient aux autorités qui ont conquis le pouvoir en 2012 d’impulser une nouvelle dynamique de travail.

Après 56 ans d’indépendance notre pays peine à sortir des sentiers battus d’une administration enchevêtrée dans l’inefficacité, la corruption et l’anti-modernité. C’est pourquoi le président de la République et tout son gouvernement se sont livrés lors du Forum sur l’administration au Cicad de Diamnadio à une véritable radioscopie de l’administration sénégalaise grabataire malade de ses tares et de ses goulots d’étranglement.

Les maux ont pour nom retard injustifié,  absentéisme, fêtes prolongées, laxisme, irresponsabilité, inconscience professionnelle, lenteurs administratives et bureaucratiques, équipements obsolètes ont été auscultés sans complaisance. Sans ambages, le Premier ministre Mahammed Boun Abdallah Dionne, exaspéré par la projection défectueuse d’un film sur l’administration, a annoncé, au cours de ce forum, que les manquements au sein de la fonction publique ne seront plus tolérés.

Si comme le disent les adages avant de balayer devant la porte des fonctionnaires inconscients et irresponsables ou avant d'enlever la paille de l'œil de ces agents indélicats, il vaut mieux que le Premier ministre balaye devant la porte du palais présidentiel ou retire la poutre qui est dans l’œil du chef de l’exécutif qui ne s’est pas rendu compte de son retard de 4 heures lors de la cérémonie de clôture du forum où la ponctualité était le leitmotiv de son discours d’ouverture. 

Il n’est de secret pour personne que l’émergence d’un pays n’est pas jaugée seulement à l’aune de ses découvertes de gisement de pétrole et du gaz, de l’autosuffisance en riz, de la mise en place d’un programme ou plan de développement mais aussi d’une administration forte et efficace capable de mettre en œuvre de façon systémique la politique définie par le chef de l’Etat.

Si l’administration est un vaste ensemble composé d’agents chargé sous l’égide du pouvoir exécutif d’assurer la satisfaction des besoins essentiels et croissants des citoyens, si selon le droit administratif, l’administration peut être définie par l’ensemble des services et des agents groupés sous l’autorité des ministres ou placés sous même la direction pour l’exécution d’une tâche administrative déterminée, on peut inférer que l’administration représente la force exécutante du pouvoir exécutif chargé de satisfaire les besoins des citoyens.

Mais le ventre mou de notre administration, ce sont les rapports qu’elle entretient avec les citoyens, ces ayants droit à un service public de qualité expurgé de tout intéressement. Le besoin d’un service public de qualité s’est toujours posé dans les rapports entre agents de la fonction publique et usagers. Si dans certaines démocraties modernes des progrès significatifs sont notés en matière de fourniture de services publics, par contre dans les jeunes démocraties, comme la nôtre, plusieurs défis restent encore à relever.

La question qui se pose ici est alors de savoir comment réformer ou reformater les rapports entre agents et usagers du service public en vue de parvenir à la fois à une meilleure offre et un meilleur usage du service public.

Le primum movens desdits rapports commence l’accueil du citoyen dans les différents services de l’administration. Comme le disait Bernard Candiard, Conseiller maître à la Cour des comptes de la France, dans un document intitulé L’amélioration de l’accueil des usagers dans l’administration « l’amélioration de l’accueil constitue ainsi indéniablement une attente, à laquelle la modernisation de l’État doit répondre, pour faciliter les démarches des citoyens d’abord, mais aussi pour donner une meilleure image du service public. Premier point de contact de l’administration avec l’usager, l’accueil est en effet un vecteur d’image essentiel : c’est lui qui induit la confiance ou la défiance. Souvent les structures sanitaires sont à tort ou à raison les services les plus décriés en matière d’accueil ».

Combien sont-ils de ces patients, en sus de la douleur qui les étreint quand ils se rendent dans une structure sanitaire, à souffrir le martyre d’agents arrogants, dont le seul savoir-faire se limite à leur insolence ? Que dire de ces policiers qui terrorisent les usagers du service public lors dépôt de carte d’identité, d’un retrait d’un papier légalisé ou d’un permis de conduire confisqué à la suite d’une infraction ? Il en est de même pour disposer d’un casier judiciaire, d’un certificat de nationale et même d’un extrait de naissance.

On pourrait multiplier à l’infini les exemples qui montrent que le service-accueil est toujours encroûté dans la désuétude d’une administration qui tarde à se départir de la verticalité de ses rapports avec le citoyen. La posture de certains agents de la fonction publique les pousse à vouloir à se comporter comme des roitelets à l’endroit des usagers alors que ce sont les besoins de ces derniers qui sont à la base de la création des postes qu’ils occupent au sein de l’administration. 

L’autre talon d’Achille de l’administration sénégalaise est l’inconscience professionnelle des agents à répondre de manière adéquate aux besoins de tous les citoyens. Cela engendre le développement de pratiques peu orthodoxes et de comportements inciviques qui compromettent les performances et l’efficacité du service public. Ainsi, on peut considérer que le mauvais fonctionnement du service public produit la mauvaise gouvernance qui, à son tour, nourrit la médiocrité de l’offre publique de service.

Mais pour que l’agent s’investisse aussi pleinement dans son travail et obtenir les résultats escomptés, il faut une politique incitative en matière de traitement salarial d’où la nécessité de revoir le système déséquilibré et inique de rémunération de l’Etat. La faiblesse du pouvoir d’achat des fonctionnaires qui cherchent d’autres voies pour boucler les fins de mois les poussent à des pratiques peu orthodoxes qui vont à l’antipode d’une administration qui se veut honnête, performante et efficace.

Ainsi la fonction publique sénégalaise doit être proactive, prospective et productive car l’Etat lui-même a aujourd’hui besoin de performances, d’une culture de la réussite pour atteindre ses objectifs de développement. Pour avoir des résultats dans la durée, il est bon de procéder à des réformes et contraindre l’agent et l’usager à respecter les lois nouvelles qui régulent leur rapport dans la fonction publique.

On pouvait évoquer à juste titre la vieillesse des équipements de nos services administratifs qui ne répondent plus au standard d’une administration moderne et qui affaiblissent les bons résultats attendus. Dans plusieurs services, l’ordinateur est encore un produit de luxe. On préfère y utiliser le stylo et les gros registres pour faire le pointage ou enregistrer les entrées et sorties des usagers au lieu de les mettre dans un fichier informatique. Mais, la pierre angulaire de ce culte des bons résultats, c’est d’abord les mentalités et les comportements sur lesquels il faut agir.

En conséquence, le changement de mentalité et de comportement de chaque citoyen doit impulser et enclencher le mouvement des réformes du service public. C’est la raison pour laquelle nous avons la ferme conviction qu’une réforme du service public avec ses contraintes et ses coercitions ne peut se construire que sur la libre conscience et le libre engagement citoyen des acteurs concernés, c’est-à-dire le triptyque exécutif-administration-usagers.

SENEPLUS




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